L'empathie et l'intelligence se cultivent par la lecture, jurent une nouvelle fois les scientifiques. S'il n'y a pas de preuves irréfutables que les livres améliorent les lecteurs, les psychologues passent beaucoup de temps à connecter les œuvres aux relations humaines. Et en ce sens, plusieurs études ont déjà apporté des éléments forts pour le mesurer : les lecteurs sont plus sensibles que les autres.
Le 08/04/2015 à 13:37 par Nicolas Gary
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Publié le :
08/04/2015 à 13:37
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Denise Sebastian, CC BY ND 2.0
Raymond Mar, psychologue à l'université de York au Canada, et Keith Oatley, professeur émérite de psychologie cognitive à Toronto, comptent parmi les experts du sujet. Depuis 2006, tous deux ont travaillé, séparément, sur les interactions entre la lecture de fictions et le développement de l'empathie. Jusque chez les enfants, les œuvres fictionnelles apportent « un supplément d'âme », essentiel.
S'immerger dans un livre, contrairement à la lecture d'un article web ou un billet rapidement rédigé, et tout aussi vite digéré, implique une activité intellectuelle puissante. On soupçonne que les grands lecteurs disparaissent – ceux qui dévorent des dizaines de livres chaque année – mais l'important reste de maîtriser la qualité de sa lecture. Savoir prendre le temps, être plongé : si cette lecture immersive, totale, venait à disparaître, cela aurait des conséquences sociales profondes.
Le développement intellectuel et émotionnel repose pour partie sur les lectures pratiquées : roman, poèmes, nouvelles, qu'importe, il s'agit de lire pour former le cerveau et parvenir à partager les sentiments des personnages. Par ce phénomène d'appropriation, sorte de mimétisme que le lecteur applique au récit, les stimulations de différentes régions du cerveau forment une expérience par procuration. Dilemmes moraux, frayeurs, émotions bouleversantes : toutes ces résultantes de nos lectures participent de la formation personnelle.
La lecture sur écran est ainsi décriée en ce qu'elle n'apporterait pas les mêmes propriétés nutritives aux lecteurs. On ne serait pas autant captivé par une œuvre, affichée avec de l'encre électronique, qu'imprimée sur papier avec de l'encre traditionnelle. Les études rivalisent pour affirmer ou infirmer ce type de présupposés : ce qu'il importe de considérer, c'est que l'on ne cherche que ce que l'on veut trouver.
Raymond Mar avait affirmé pourtant que la compréhension d'une histoire nous parvient « en utilisant les fonctions cognitives de base. Ce n'est pas un module spécifique dans le cerveau qui nous permet de le faire. Comprendre une histoire se fait d'une manière similaire à celle dont nous comprenons le monde ».
Les théories peuvent se disputer sur l'impression que laisse une lecture faite sur écran à base d'encre électronique et celle sur papier. Mais mentalement, il semble bien que les modalités par lesquelles on appréhende un texte ne varient pas. Toutefois, le psychologue n'avait pas opéré de mesures avec des lecteurs ebook, aussi ne peut-on pas présumer – tout au mieux, rapprocher et comparer.
Sera-t-il possible alors de mesurer la quantité de plaisir tirée d'une lecture effectuée sur un lecteur ebook ? Reste que la littérature, la lecture, nous rendent plus humain – certainement pas meilleurs. Elles participent du développement personnel, comme le démontrent les différentes approches, mettant en exergue le développement de l'empathie.
Richard, CC BY ND 2.0
L'autre point serait alors de croire que lire de la grande littérature encouragerait une explosion empathique. Autrement dit, et pour simplifier, qu'il est préférable de lire X plutôt que Y, pour avoir accès à un débordement de ses chakras. Là, l'erreur est funeste : accéder à la littérature avec Le Festin Nu de William Burroughs n'a rien d'une partie de plaisir, de prime abord. De même, on peut comprendre qu'un lecteur coutumier de Proust puisse retrousser les babines en voyant s'approcher un titre de Katherine Pancol. Tout dépend des œuvres déjà parcourues, de l'expérience, etc.
On peut simplement envisager que, pour découvrir la gastronomie, commencer par un cornet de frites confectionnées en Belgique sera toujours préférable à celles que l'on trouve en service de restauration rapide.
Gail Rebuck, directrice générale de Random House UK, l'expliquait fort bien, en 2012 : « En tant qu'éditeurs, nous devons nous servir de chaque innovation technologique pour ancrer la lecture de textes longs dans nos cultures. Nous devons nous concentrer sur le message, et ne pas agoniser sur le médium. Nous devons être agnostiques sur la plateforme, mais évangéliques sur le contenu. »
Et d'ajouter : « Les recherches montrent que si nous cessons de lire, nous serons différents : moins complexes, moins empathiques, moins intéressants. Il ne peut pas y avoir de meilleures raisons pour se battre et protéger le futur des livres. » Rien à ajouter, si ?
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OBOSSOU Obossou Gérard
05/02/2018 à 10:21
J'aime lire et je souhaite avoir beaucoup de texte à lire