À l'occasion de la journée mondiale du livre et du droit d'auteur, le 23 avril, l'UNESCO a rassemblé différents acteurs pour aborder la question de l'accessibilité des contenus culturels et scientifiques pour les personnes en situation de handicap. Une problématique qui s'inscrit dans le contexte de la réforme du droit d'auteur, notamment avec le traité de Marrakech, qui n'a toujours pas été ratifié.
DannyelleValente, de l'association Les Doigts Qui Rêvent (ActuaLitté CC BY-SA 2.0)
Éric B. Degros, Docteur en droit, attaché temporaire d'enseignement et de recherche à l'Université du Littoral Côte d'Opale (ULCO), a rappelé que les personnes en situation de handicap représentaient près de 10 à 15 % de la population européenne, alors même que seuls 5 à 7 % de l'offre éditoriale seraient disponibles sous des formats accessibles pour ces personnes.
En Europe, chaque membre décide souverainement de la politique à mettre en place vis-à-vis du handicap, notamment au niveau des subventions.
Le traité de Marrakech, dont le texte remonte à juin 2013, vise justement à une harmonisation internationale des limitations et exceptions au droit d'auteur, afin d'améliorer l'accès des personnes en situation de handicap au patrimoine culturel. Validé par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), il a été signé par 79 pays. Mais la ratification du traité par les différents signataires reste toutefois indispensable, et, pour que ce dernier entre en vigueur, 20 ratifications sont nécessaires. Pour l'instant, seuls 6 pays l'ont ratifié.
Pour l'Union européenne, la ratification du traité passera avant tout par une réforme... de la fameuse directive sur le droit d'auteur, celle de 2001. Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture et de la Communication, avait assuré que le traité serait ratifié en France, mais une fois la ratification européenne effective.
« La Commission européenne doit modifier la directive de 2001 sur l'exception handicap pour permettre aux législations nationales d'intégrer les stipulations du Traité. La France est ainsi soumise au calendrier européen pour engager la ratification du traité », expliquait-elle. Autrement dit, l'application n'est pas encore pour tout de suite.
(photo d'illustration, John Loo, CC BY 2.0)
Grâce aux technologies actuelles, un texte est désormais lisible à la fois au format audio avec notamment le format DAISY, les systèmes de lecteur d'écran, au format texte avec le grossissement de texte et en braille avec les plages tactiles. Des solutions existent, mais ne sont pas suffisamment exploitées dans le monde de l'édition.
Marie Renée Hector, Présidente du Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes (GIAA), met en garde contre l'utilisation exclusive de l'audio pour les personnes aveugles et mal voyantes, population dans laquelle l'illettrisme est particulièrement élevé. « Cette tendance à ne pas vouloir apprendre le braille aux enfants est dangereuse. Passer au tout audio risque de faire d'eux de nouveaux illettrés. »
D'où l'intérêt de mener une politique d'accessibilité complète, qui englobe tous les formats, et pas seulement le format numérique EPUB3. Si ce dernier permet d'importantes avancées en matière d'accessibilité, il ne faudrait pas le considérer comme une solution définitive et unique.
« Lire sans handicap »
Parmi les initiatives proposées pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, qu'elles soient mal-voyantes, aveugles, « dys » ou malentendantes, la maison d'édition associative Les Doigts Qui Rêvent propose une offre éditoriale accessible à tous les enfants. Leur objectif, permettre à ces derniers de « Lire sans handicap, et non pas “avec handicap” » explique Dannyelle Valente, responsable Recherche & Développement aux Doigts Qui Rêvent.
Les livres, fabriqués par des personnes en réinsertion professionnelle, sont tactiles, texturés et pensés pour être ludiques pour tous les enfants. Tactiles, ils mêlent braille, illustrations texturées pensées pour les enfants aveugles ou malvoyants, et certains s'accompagnent même de vidéos conçues pour les sourds et malentendants, dans une démarche de « conception universelle », ce sont des « livres pour tous, avec la même qualité esthétique » que les livres jeunesses classiques.
Mais la conception de ces livres est salée : près de 120 € pour un ouvrage, revendu à moitié prix, 60 €. L'association vend à perte, et insiste sur l'importance de tout ce qui est subventions et aides publiques et privées pour permettre aux initiatives éditoriales de ce type, encore très minoritaires, de continuer à exister.
Et l'association de rappeler que c'est bien « la société qui n'est pas adaptée » aux personnes. Alors qu'en 2011, ce sont près de 11 300 livres pour enfants qui sont sortis, mais seuls 10 à 20 étaient accessibles à tous.
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