Le Canada avait déjà connu un problème de SDF venant profiter de la chaleur des bibliothèques publiques pour roupiller. Évidemment, le sujet avait ému, mais les pouvoirs publics d’Edmonton étaient plutôt embarrassés : venir profiter des livres, certes, dormir, non. À Toronto, deux sans-abri ont opté pour une autre approche : se constituer une bibliothèque de fortune, à côté de l’emplacement où ils dorment.
via Jennifer G
Al est SDF. Et il adore les livres. Avec un ami, raconte CBC, ils ont décidé de se monter une bibliothèque personnelle, dans le souterrain où ils ont élu domicile. « Les passants ont remarqué mon intérêt pour la littérature, et m’ont progressivement apporté des livres. Comme il y en a eu beaucoup, j’ai décidé de créer une bibliothèque », précise ce vétéran des forces armées.
Sur le passé d’Al, on ne saura pas grand-chose. En revanche, leur initiative fascine les foules : sa Free Underpass Library et celle de son acolyte, Elwin Murphy, la East Side Simcoe Library captivent internet. Ils réunissent respectivement 40 et 20 livres, avec une diversité allant de Fifty Shades of Grey en passant par des titres politiques ou des biographies et des livres pour enfants.
Elwin n’accumule pas trop, et pour cause : « Si les autorités nous demandent de déguerpir, on peut tout mettre dans un chariot de supermarché et s’en aller. » Pour lui, la lecture reste un passe-temps, pour lequel il affectionne les ouvrages policiers et les livres historiques.
Cette anecdote rejoint pourtant les problématiques rencontrées à Edmonton. « Nous avons réalisé un audit d'un certain nombre de nos succursales d'Edmonton, et nous avons découvert, sur une période de deux semaines, en novembre, près de 500 personnes en train de dormir », expliquait Pilar Martinez, directrice générale adjointe de l'Edmonton Public Library, en avril dernier.
Murphy précise qu’il passait lui-même beaucoup de temps dans les bibliothèques publiques – pas pour dormir, mais pour lire. Sauf que les personnes chargées de la sécurité ne lui laissaient pas de répit. Sans cesse enjoint à quitter les lieux, il s’est résolu à se faire sa propre bibliothèque, pour ne plus être dérangé.
« Certains croient que je fais cela pour l’argent, mais ce n’est pas du tout le cas. Nous souhaitons que les gens prennent les livres chez eux, en apportent d’autres en échange, mettent de nouveaux livres. Nous voulons que les livres circulent », assure-t-il. Et lui peut rester dans son souterrain, tout en se rassasiant de littérature, sans être dérangé.
D’ailleurs, les livres sont des compagnons de valeur : sans smartphone ni télévision, « seuls les livres nous permettent de nous évader ». Et depuis que ce book-crossing a été médiatisé, les gens s’arrêtent désormais, pour prendre des photos, poser des questions, ou, plus souvent, lui laisser un livre.
Two homeless men start Toronto's only underpass library. http://t.co/rlllGLesxNpic.twitter.com/N7mI1MIO0u
— The National (@CBCTheNational) 3 Septembre 2015
L’histoire n’ira pas non plus sans rappeler celle ce cet autre sans-abri, qui à Las Vegas, s’était vu offrir un Kindle. Un mystérieux donateur s’était ému de voir que le SDF ne disposait que d’un unique livre. « Je ne pouvais pas le remettre dans mon sac, en sachant que quelqu’un serait tellement ravi de quelque chose qui coûtait si peu cher pour moi. »
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