Avez-vous lu l’Apprenti ? Un gros roman de 500 pages serrées, publié chez Gallimard, premier tome d’une «Ébauche d’une mythologie de la réalité » que l’auteur, Raymond Guérin, ne put finir. A la suite de l’Apprenti, il y a tout de même Parmi tant d’autres feux (800 pages) et les Poulpes (idem). Ce dernier texte raconte la captivité en Allemagne de son héros récurrent, Monsieur Hermès. Guérin le termine peu de temps avant sa mort. Il est sûr qu’il tient un chef-d’œuvre : c’est du Céline, mais pas seulement ! Il tient enfin, il en est sûr, le succès, lui qui, depuis des années, en plus de sa profession, écrit, publie chez Gallimard, sans parvenir à percer. Il n’aura pas le succès, il en mourra.
Le 28/10/2010 à 17:38 par Les ensablés
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28/10/2010 à 17:38
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Par Hervé Bel
Il me touche parce que je pense à la vie obscure de nombreux écrivains (dont la mienne), partagée entre le travail alimentaire et la passion littéraire. L’espoir, au fond, c’est d’arriver un jour à vivre de sa plume. On regarde ceux qui y arrivent, on se dit : « Pourquoi pas moi ? Qu’ont-ils de plus que moi ? » Alors on accuse le favoritisme, on accuse le destin, et on reprend son œuvre : « Le prochain sera le bon ! » L’écrivain travaille, travaille sur ses heures de sommeil : Guérin était un passionné.
Raymond Guérin, né autour de 1900, ressemblait à un élève des grandes écoles de commerce de notre temps: grand, la figure longue, des lunettes, le cheveu brun et court. Sur les photos, il porte des costumes que l’on devine gris, ou bien, au bord de la plage, des polos ; on dirait un expert-comptable en vacances. Il était agent d’assurances à Bordeaux, ayant hérité de la charge de son père qui, lui, avait commencé dans la limonade (voir à ce sujet « Quand vient la fin » publié chez Gallimard). Il aurait pu vivre tranquille, en profitant d’un niveau de vie aisé. Mais, dans sa jeunesse, il avait souffert. Souffert… entendons-nous bien, une souffrance mesurée à l’échelle d’un jeune bourgeois des années 30... Mais tout de même. Sa souffrance fut celle d’un adolescent honteux de ses parents. Il se crut supérieur à eux, cultiva sa différence, devint un « littéraire »… Il souffrit aussi du stage qu’il fit au Crillon, à la demande de son père, à Paris dans un palace parisien et dont il rapporta « L’apprenti », bien après.
L’apprenti est d’une modernité étonnante. On y parle crûment des choses de la vie, d’un domaine, en particulier, relativement peu évoqué dans la littérature (Proust le fait mais de façon plus allusive) : l’onanisme. L’apprenti, Monsieur Hermès, le pratique régulièrement dans sa chambre d’hôtel où il revient, chaque jour, harassé. Monsieur Hermès est également voyeur. Chargé d'images, il rentre chez lui et imagine dans une excitation croissante, allant jusqu'à s'identifier à une femme. Étrange et cependant banal. Monsieur Hermès est ailleurs, il observe, il regarde les gens vivre. On le suit dans son hôtel, gémissant de la bêtise, parlant à ses chefs, ses collègues, avec leur petite vie. Mais sa propre vie, elle-même, est petite, et il le sait. Extrait de L’apprenti Dans la chambre, la femme et l’homme parlaient. Monsieur Hermès avait plaqué son oreille contre la cloison. Il ne bougeait pas. Mais qui eût pu voir son visage à cet instant, l’aurait vu durcir par une animation intense, sous le coup de l’émotion grave du plaisir. (…) Quelques minutes avaient passé. Monsieur Hermès s’était remis à écouter. Maintenant cela paraissait sérieux. Monsieur Hermès restait figé dans une position incommode, attentif au moindre murmure. Un murmure en effet s’élevait dans la chambre d’à côté, à demi recouvert par les grincements du lit. Des images s’imposèrent à Monsieur Hermès. Une certaine image surtout. Encore une qui y allait sur le billard, la salope ! Et ta sœur ? (…) C’était la femme. Elle se plaignait doucement, régulièrement, comme un faucheur donnant son coup de faux dans l’herbe de son pré, comme un menuisier penché sur son rabot. Le respect humain ? Les contingences ? Aux orties, aux orties ! Il n’y avait plus de temps ni d’espace. (…) Savoir si elle se souciait seulement de l’homme qui était sur son ventre ? Toutes les mêmes ! Il n’y avait que leur satané plaisir qui comptait. Prendre son pied. Seule, dans la nuit, seule avec elle-même, ouverte à une autre chair qu’elle sentait sans la reconnaître. Quelle différence avec lui dans tout cela ? Solitaire à un ou deux, ça ne changeait pas grand-chose. Il y a du nerf dans ce texte, et tout est comme ça. A suivre...
Par Les ensablés
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On ne lit plus Octave Feuillet (1821-1890), auteur à très grand succès du Second Empire et favori de lˊImpératrice Eugénie ; seul son nom sur la plaque bleue dˊune rue tranquille et banale du XVIème arrondissement, où habitaient de bons amis, m’a un jour rendu curieux de le connaître.
Les titres de ses romans ont l’odeur des armoires à linge bourgeoises, encaustique et lavande : « La Petite Comtesse » (1856), « Histoire de Sybille » (1862), « Julia de Trécoeur » (1872), voire réminiscents de la Comtesse de Ségur « Le Roman dˊun jeune homme pauvre » (1858)… Par Herbert Dune.
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Paru en 1925, puis réédité dans une édition illustrée en 1930, La Revanche d’André Thérive (de son vrai nom Roger Puthoste) est un livre qui parle de la vieillesse, de la sénilité, de la mort, et surtout de la mesquinerie des vivants… Rien qui puisse a priori attirer le lecteur « feel good » Mais le style est magnifique, avec, l’air de rien, une musique enchanteresse. Quant à la fin du roman, autant le dire, elle est sublime. Soudain, après le crépuscule, c’est la lumière qui surgit, d’autant plus incandescente qu’elle est environnée d’ombres..
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Romancier, auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont La Fleur qui chante, chroniqué pour Les Ensablés par François Ouellet, André Beucler est un homme aux multiples talents. Il s’intéresse ainsi au cinéma, pour lequel il écrit plusieurs scénarios et même réalise quelques films. Mais Beucler brille aussi dans un tout autre exercice, le journalisme. De par ses contraintes notamment en termes de longueur et de style, l’article de journal s’apparente à l’art de la nouvelle ou du découpage en scènes du cinéma, un art dans lequel Beucler s’épanouit avec une aisance et un brio remarquables. Par Carl Aderhold.
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C’est au début des années 80 que l’on commence à reparler Raymond Guérin. Les éditions « Le tout sur le tout » ont alors le courage de rééditer certaines de ses œuvres. Jean-Paul Kaufmann écrit sa biographie, remarquable comme tout ce qu’il fait, dans 31 rue Damour. Des articles sortent… Puis nouvel oubli, même s’il reste publié dans la collection Imaginaire, antichambre de l’oubli définitif. un oubli relatif à dire vrai. Régulièrement, des maisons d’édition (où trouvent-elles ce courage?) rééditent en effet une de ses œuvres. Finitude est de celles-ci. Par Hervé Bel
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Ce livre sensible et affranchi, à la croisée des genres de l’essai romancé et de la confession autobiographique, pousse à vouloir aller au-delà du visible, et à comprendre les fondamentaux de l’être dans les situations qui le déterminent et le construisent. Un flux de souvenirs et de sensations s’y déploie, dans une prose sans filtre avec en arrière-fond cette rivière berçant le pays de Charleroi qui entraîne l’esprit du narrateur dans les méandres géographiques, historiques et intimes de la formation d’un imaginaire. Par Louis Morès.
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Né en 1899 à Saint Brieuc, dans une famille de condition modeste, Louis Guilloux a publié de nombreux romans dans lesquels il a témoigné d'une attention particulière pour les pauvres et les laissés pour compte. Son premier roman La Maison du peuple, publié en 1927, évoque la figure de son père, cordonnier et militant socialiste. Son œuvre la plus célèbre Le Sang noir (objet d'un précédent article) s'inspire de la vie de George Palante qui fut son professeur de philosophie et son ami. Par Isabelle Luciat.
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Ces derniers temps, j’ai lu une romancière à l’écriture discrète et touchante qui se nomme Laurence Algan. On ne saurait presque rien d’elle si, en juillet 1944, elle n’avait répondu à l’enquête biographique que le journaliste et romancier Gaston Picard menait à l’époque auprès des écrivains pour le compte du Centre de documentation de la BnF ; les éléments biographiques fournis par l’écrivaine, Paul Aron les présente succinctement dans un article qu’il a intitulé « Une femme si simple » et qui est paru dans Les Nouveaux Cahiers André Baillon en 2014. J’y suis allé voir de plus près. Par François Ouellet
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A l’automne dernier, sur les tables de la librairie chargées de l’abondante moisson de la rentrée littéraire, le regard est attiré par un livre relié entoilé d’un jaune éclatant, d’une romancière inconnue, Marie Laure. Son titre primesautier - La chambre des écureuils - intrigue : conte pour enfants ou ouvrage libertin ?
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La vie de Louise Hervieu (1878-1954) n'a pas été facile. Née hérédosyphilitique (cela existait encore en ce début de Troisième République), elle eut une santé fragile qui la contraignit à un moment de sa vie de se retirer et ne plus se consacrer qu’à l’art graphique et à l’écriture… Enfin, pas tout à fait. Sensible pour des raisons évidentes aux problèmes de santé, elle milita activement à l’instauration du « carnet de santé » et parvint à ses fins en 1938.
En 1936, elle obtient pour « Sangs » (publié chez Denoël) le prix Femina au 4eme tour, l’histoire d’une enfant à l’hérédité implacable, que l’amour ni la richesse de sa famille ne peuvent guérir, ne peuvent écarter de la malédiction du « mauvais sang »
On n’échappe pas à son malheur.
Par Henri-Jean Coudy
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« Ouf,
La bonne étape, le relais avant de s’élancer vers d’autres lieux,
à portée de main, en sortant de chez lui la première maison de la rue Granchois. »
Ainsi débute la grande aventure de Francis Dubalu, représentant de commerce la firme Breganti, qui part pour la première fois démarcher de nouveaux clients en province.
Ce sont les éditions de La Grange Batelière dont on connaît le riche catalogue, qui ont eu la bonne idée de republier le premier roman de Bernard Waller.
Initialement paru dans la prestigieuse revue NRF en novembre 1960 avant de connaître, un an plus tard les honneurs de la collection blanche, Dubalu est un texte d’une incroyable modernité, qui n’a pas pris une ride.
Par Carl Aderhold
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Dans cette fiction historique qui prend place durant les Cent-Jours avec comme moment culminant la bataille de Waterloo, un Bruxellois d’origine flamande, Jean Van Cutsem, vit une crise existentielle : alors que le frère de sa fiancée wallonne rejoint Napoléon, il est pour sa part enrôlé dans l’armée hollandaise sous le commandement du Prince d’Orange… Un roman engagé et détonnant, où les questions de l’identité, de la loyauté et du courage s’affrontent avant tout dans le for intérieur d’un jeune soldat jeté malgré lui sur les routes de la guerre.
Par Louis Morès.
18/02/2024, 09:00
J’ai commenté ici même, précédemment, la biographie de Maria Borrély (1890-1963) publiée par Danièle Henky en 2022 (Maria Borrély. La Vie d’une femme épanouie). Les romans de Borrély, qui s’apparentent à ceux de Giono et de Ramuz, sont à redécouvrir impérativement. Danièle Henky, dont le « sujet de prédilection, c’est le destin des femmes », expliquait-elle récemment, s’intéresse, dans son nouvel ouvrage, à l’écrivaine et journaliste Claude Dravaine (1888-1957). La Livradoise. L’Énigme Claude Dravaine est publié chez Hauteur d’Homme, une maison régionaliste sise dans une commune du Massif central. Par François Ouellet.
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Après Romans exhumés (chez EUD, 2014), Littérature précaire (toujours chez EUD, 2016), notre ami et chroniqueur des Ensablés, François Ouellet, publie aujourd’hui, sous sa direction, un nouvel opus dédié à la redécouverte d’auteurs oubliés, vaste domaine, on le sait, qu’une vie ne suffira jamais à explorer totalement. Il s’est entouré pour cela d’éminents spécialistes dont le regretté Bruno Curatolo, savant érudit, par ailleurs un des « redécouvreurs » de Raymond Guérin. Pour nos lecteurs assidus depuis quatorze ans (déjà !), ce livre est indispensable. Par Hervé Bel.
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Chers lecteurs des Ensablés, avec cet article d'Isabelle Luciat, se terminent nos chroniques de l'année 2023, l'occasion pour nous de vous souhaiter une très bonne année 2024 et de vous remercier pour votre fidélité (15 ans déjà). Hervé BEL
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25/04/2025, 11:34
Denis est agoraphobe, bien au-delà du raisonnable. Disons, à un niveau extrême. Il n’ose plus sortir de chez lui, n’arrive évidemment plus à se rendre au magasin pour faire les courses. Sa famille souffre grandement de son état. C’est peine perdue, semble-t-il. Alors, poussée par le désespoir, sa femme Brigitte l’inscrit à une émission, Les Nouveaux Guérisseurs, qui dit parvenir à déjouer les peurs des participants… Qu’adviendra-t-il donc de Denis ?
25/04/2025, 10:12
BONNES FEUILLES - Denis Bolet, passionné de vélo, vit dans une petite ville de province. De son entrée au collège, ses premiers émois et amours jusqu’à ses différents boulots, on suit sa vie d’enfant plein d’espoir et son quotidien ordinaire d’adulte désenchanté.
25/04/2025, 07:30
C’est à un véritable travail de fourmi que s’est attelée la docteure en histoire, spécialiste du genre au XIXe siècle, Isabelle Matamoros, pour écrire son livre Le pouvoir des lectrices. Une histoire de la lecture au XIXe siècle, publié par les éditions du CNRS. Elle y confronte les écrits de soixante-quatre femmes, toutes ayant en commun « d’avoir écrit sur elles-mêmes ». La plus âgée est née en 1789, la plus jeune en 1832 — un peu plus de quarante ans d’écart, entre deux révolutions majeures, dans une société en pleine mutation.
24/04/2025, 18:33
Un polar dur et violent à l'image de São Paulo, une ville gangrenée par le fric, où prospèrent les Ferrari, les jets privés et les milliards. Mieux vaut ne pas fourrer son nez dans les affaires de corruption et de blanchiment d'argent. La traduction (anglais) est signée Jacques Collin.
24/04/2025, 15:54
Ravivant le souvenir d’un des procès historiques les plus importants de notre histoire contemporaine, Le procès Mein Kampf d’Harold Cobert est un livre remarquable, captivant, fascinant, qui se lit d’un trait. La description des personnages tous plus charismatiques les uns que les autres est très étoffée. Un souffle et un lyrisme indéniables emportent ce récit de bout en bout.
24/04/2025, 13:24
Dans Adieu, Dakota, Dan O’Brien orchestre le récit d’un retour aux sources sur fond de fracture intime et territoriale. Entre souvenirs d’enfance, paysages contaminés et famille en sursis, ce roman nous fait traverser l’Amérique rurale désorientée par le boom pétrolier.
24/04/2025, 12:20
Katia Lanero Zamora, née en 1985 à Liège dans une famille d’origine espagnole, est une autrice belge spécialisée dans la fantasy et la littérature jeunesse. Diplômée en langues romanes et en communication, elle débute dans l’édition avant d’occuper des fonctions liées à la fiction à la RTBF (2017–2024).
24/04/2025, 11:42
BONNES FEUILLES - Des sorcières qui dansent nues autour du feu sur des plages désertes, des femmes qui voient surgir des ailes dans leur dos avant de s’élancer dans les airs… Depuis le début du XXe siècle, Alicudi, île volcanique isolée au large de la Sicile, est le théâtre de récits troublants.
24/04/2025, 07:00
Il ne se passe pas grand-chose dans la vie du narrateur. Mis à part au début du roman, une rencontre avec un ami, le reste du temps et du livre, il reste chez lui, entre son bureau et la cuisine, regarde par la fenêtre, observe les oiseaux, surplombe les passants qui promènent leurs chiens et contemple les arbres au loin.
23/04/2025, 18:08
BONNES FEUILLES - Dans une étonnante maison-champignon située en banlieue parisienne vivent trois femmes au caractère bien trempé : Jeanne, la grand-mère, Lise, sa fille, et Agathe, sa petite-fille, passionnée par les mots. Elles mènent une existence tranquille, ponctuée par les colères homériques de Lise. On dit qu’il y a un secret dans chaque famille. Or, elles sont trois à taire un secret...
23/04/2025, 12:59
Un an après la disparition inexpliquée d’une femme, son mari est retrouvé entre la vie et la mort. Avec Jusqu’au dernier battement (trad. Rémi Cassaigne), Emelie Schepp explore une enquête policière ancrée dans la banalité du quotidien, où les drames se nouent derrière les façades tranquilles. À paraître ce 14 mai 2025.
23/04/2025, 12:56
BONNES FEUILLES - Fin du Premier Empire. Entre les rives de la Loire et la plaine de Beauce, des cadavres sont retrouvés, le corps atrocement entaillé. Médecins et survivants sont formels : le temps des loups, des loups monstrueux, semble revenu. La mort rôde, la terreur gagne les campagnes et les villes, les pouvoirs publics nouvellement rétablis au service des Bourbons se doivent d’agir.
23/04/2025, 07:00
Printemps 1992, Sarajevo, Bosnie-Herzégovine. Depuis quelque temps, les tensions sont de plus en plus palpables dans le pays. Pour autant, Zora, peintre et enseignante à l’académie des Beaux-Arts, et son mari, Franjo, mènent une vie heureuse. Leur fille, Dubravka, est installée en Angleterre avec sa petite famille. Alors que la santé de la mère de Zora semble se détériorer, elle demande à Franjo de l’accompagner en Angleterre. Elle les rejoindra plus tard, une fois les cours terminés. C’est tout du moins ce qui est prévu…
22/04/2025, 17:21
C’est le vécu cataclysmique d’une colère, doublé d’une inventive cavalcade littéraire, que nous donne à lire Élisa Bories, dans un premier roman agitateur de tripes et de sexe[s] jusqu’à une apothéose éruptive qui m’a consacrée membre de sa tribu. Ou plutôt soldate de sa guerre, incluse à sa rage légitime dans un féminin pluriel dépassant la définition parfois galvaudée du mot « sororité ».
22/04/2025, 13:02
Dans la nouvelle anthologie intitulée Et la terre se transmet comme la langue (trad. Elias Sanbar, Babel), les poèmes épiques de Mahmoud Darwich érigent une maison pour la beauté, dans un monde confisqué par la laideur des guerres et des crimes contre l’humanité.
22/04/2025, 12:13
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