Pour la seconde année consécutive, le luxueux hôtel Bristol a accueilli, ce jeudi 12 novembre, les finalistes et le jury du prix littéraire Bristol. Avec pour trame de fond la célébration des idées, l’édition 2015 a récompensé les deux philosophes Philippe-Joseph Salazar pour Paroles armées : comprendre et combattre la propagande terroriste (Lemieux éditeur), dans la catégorie essai français, et Byung-chul Han pour Dans la nuée, réflexions sur le numérique (Actes Sud), dans la catégorie essai étranger.
Le 13/11/2015 à 11:29 par Julie Torterolo
Publié le :
13/11/2015 à 11:29
Les deux lauréats entourés des membres du jury (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
« L’établissement célèbre, à sa manière, les nourritures de l’esprit », a déclaré d’emblée, Didier Le Calvez, Président-Directeur Général du Prix. Entre chandeliers et dorures, c’est en effet l’esprit des lumières que le prix Bristol entend honorer. Successeur du prix Procope des Lumières, le prix récompense « des ouvrages apportant une réflexion nouvelle, voire polémique, sur notre temps, dans la tradition de l’esprit critique, des libertés et de l’humanisme du XVIIIe ».
Pour Philippe-Joseph Salazar, ancien directeur de programme au Collège international de philosophie, cela donne une saveur toute particulière à sa récompense. « Les lumières étaient un engagement : Voltaire, Diderot, Rousseau se sont engagés au point d’aller en exil et je vis un peu en exil aussi. Je pense que de ce point de vue là, hormis le contenu du livre qui n’est pas qu’un livre d’actualité, mais un livre qui propose aussi une feuille de route sur comment combattre ce nouveau totalitarisme, l’effort que j’ai fait est un effort assez fidèle au grand combat de nos ancêtres des lumières », a expliqué à ActuaLitté l’auteur de Paroles armées : comprendre et combattre la propagande terroriste.
Une œuvre particulièrement saluée par les membres du jury pour son thème brûlant et contemporain : le terrorisme. « Le livre de Salazar est le livre qu’il faut aujourd’hui. Je suis sûrement déformé, car je suis journaliste, mais aujourd’hui il y a un problème qui persiste : c’est le problème de la résistance de notre civilisation à ce que Daesh veut faire, que ce soit à travers des attentats, ou à travers des actions militaires en Syrie, en Irak et peut-être demain au Liban », a analysé Christophe Barbier auprès de ActuaLitté.
« Je trouve que tous les livres de philosophie et des réflexions sur la manière dont mener un combat d’idée sont dominés par ce thème-là. L’avantage de ce livre est qu’il met l’accent sur le combat par la pensée, les idées et la parole. Il ne nous dit pas que Daesh est supérieur, car ils sont plus de soldats, plus de kamikazes... Non c’est parce qu’ils parlent mieux, ils parlent plus clair, ils parlent plus fort.»
La philosophie, encore aujourd'hui "au coeur de ce qui définit la liberté"
Christophe Barbier a également salué l'oeuvre honorée dans la catégorie essai étranger, créée cette année. « Le lauréat du prix étranger s’est distingué assez vite. Ce qui était fascinant était d’avoir, en traduction, une pensée philosophique parfaitement contemporaine. Il s’agit de notre vie de tous les jours, sur des livres courts, avec des phrases courtes, mais avec un contenu totalement philosophique. C’est cela qui est épatant », nous a précisé Christophe Barbier.
Lors de sa remise de prix, l’auteur d’origine coréenne et professeur de philosophie à l'Université des arts de Berlin, Byung-chul Han, n’a pas manqué de partager son émotion de recevoir son prix à Paris, « le jour où Roland Barthes aurait eu 100 ans ». L’auteur a alors expliqué en quelques lignes le fond de sa pensée contemporaine sur la domination du numérique et du travail, thème de son livre Dans la nuée, réflexions sur le numérique : « La liberté, idée centrale, se trouve aujourd’hui à bien des égards menacée. Le travail se présente comme liberté et comme une réalisation de soi. Nous nous exploitons nous-mêmes de notre plein gré, tout en ayant l’illusion de nous réaliser. Nous vivons une époque où sont partout la surveillance et l’évaluation. Nous livrons volontairement les informations sur nous-mêmes ».
C’est ainsi les idées et la philosophie contemporaine qui étaient au premier plan de l’édition 2015 du prix Bristol. Les deux lauréats ont remporté chacun un chèque de 5000 euros. Et pour Jacques Attali, président du jury, cette seconde édition « donne le sentiment que cette discipline (la philosophie), qui trouve sa source il y a près de 3000 ans, est encore aujourd’hui au cœur de ce qui définit la liberté, la démocratie, et la nature même de la condition humaine ».
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