L’évolution de l’intelligence artificielle devient un terrain de jeu fantastique. La semaine passée, AlphaGo, la dernière création de Google, triomphait dans une partie du jeu de go du Coréen Lee Sedol, meilleur joueur actuel. Sur le plan de la stratégie, la machine est en mesure de dépasser l’homme. Et en littérature ? Eh bien un robot vient de s’incruster dans un prix littéraire, même s’il ne l’a pas emporté face aux autres concurrents.
Le 23/03/2016 à 10:19 par Nicolas Gary
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23/03/2016 à 10:19
Nacho, CC BY 2.0
Elle n’a pas rédigé un roman épique, cette chose artificielle, d’autant plus qu’elle a bénéficié de l’appui, à 80 %, d’une participation humaine. Les quatre histoires, des récits, ont été soumises au prix Hoshi Shinichi à l’automne dernier. L’équipe du professeur Hitoshi Matsubara a travaillé dur : ce spécialiste de l’intelligence artificielle à l’université du futur, Hakodate, s’était lancé dans un défi étonnant.
L’intelligence artificielle a été poussée par les scientifiques à la rédaction d’histoires. Pour ce faire, on a fait ingérer un roman, en tant qu’exemple de ce qu’un être humain pouvait écrire. Chaque mot et chaque phrase ont ensuite fait l’objet d’un découpage rigoureux, pour que l’ordinateur puisse alors les recracher. L’IA s’est ensuite lancée dans la construction d’une histoire, à l’image de ce qu’on lui avait coulé dans le silicium.
Elle a donc recréé quelque chose de littéraire, avec une intrigue et une histoire, mais, sans l’intervention humaine, rien n’aurait vu le jour. Selon Matsubara, l’IA est d’ores et déjà en mesure de rédiger des textes courts, comme des haïkus, parce que ce modèle de poème suit des règles rigoureuses, mais simples.
Restent encore un grand nombre de problèmes à résoudre, dans le domaine de la prose. « Nous croyons que l’IA pourra atteindre un certain niveau de réussite à l’avenir », maintient le scientifique. C’est qu’en matière de prose, de déploiement d’imaginaire et de liberté créatrice, la machine est encore empêtrée dans un système binaire figé.
Mais voici que les quatre histoires furent donc soumises au jury du prix Hoshi Shinichi, du nom d'un auteur de science-fiction parmi les plus prisés au Japon. Fondée en 2013, cette récompense est pilotée par la fille de l’écrivain, qui a accepté pour 2016 d’intégrer les textes de l’IA. Elle avait même accepté par avance des textes d’aliens, si ces derniers venaient à soumettre une production.
« C’est une sorte de blague, mais pour de vrai », jure-t-elle, en soulignant que la participations « d’autres non-humains, comme des extraterrestres ou des animaux, tant que leurs écrits sont en japonais », sont admissibles.
Et si le jury n’a pas dévoilé publiquement quels étaient les textes en question, il assure qu’au moins un, « voire plusieurs », ont passé le cap de la sélection. Le prix avait reçu 1400 récits à examiner, tout de même.
Parmi les textes proposés par la machine, The Whimsical Robot, Le Robot fantasque et Greetings from Outer Space, Salutations de l’espace. Les humains ont finalement travaillé sur l’intrigue et le détail des personnages, pour aider la machine.
N’ayant pas remporté le prix, l’histoire de cette IA pourrait s’arrêter là. Mais les équipes derrière elle voudraient bien que l’on ne relativise pas aussi rapidement le succès déjà rencontré. « Jusqu’à présent, les programmes d’IA ont été souvent utilisés pour résoudre des problèmes qui ont des réponses, comme le go ou le shogi [sorte de jeu d’échecs, NdR]. À l’avenir je voudrais élargir leur potentiel à la créativité humaine », explique Matsubara.
D’autres recherches vont déjà dans ce sens : des scientifiques américains ont décidé d’apprendre les bonnes manières à un ordinateur, en lui faisant avaler des contes de fées. « En sommes, nous émettons l’hypothèse que l’entité intelligente peut apprendre ce qu’une chose signifie pour un être humain en se plongeant dans les histoires que l’humanité a produites. »
Leur postulat était de faire « lire et comprendre des histoires, et, si on lui donne assez d’exemples d’histoires d’une culture donnée, [qu'il puisse] remonter le fil des valeurs implicitement véhiculées par la culture qui les a produites. Ces notions peuvent être assez complètes pour qu’elles puissent aligner les notions d’une intelligence artificielle avec celles de l’humanité. »
(via Asahi, Japan News)
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