Depuis juin 2015, la maison Hugo & Cie a ouvert une plateforme d’écriture en ligne, Fyctia. Officiellement inaugurée début juillet 2015, elle propose d’écrire et de recevoir des conseils à tous les internautes qui le souhaitent. Différents concours animent cet univers, qui, depuis quelques jours, est agité par une violente polémique : Tara Jones, jeune auteure primée lors d’un concours voit son ouvrage Le contrat, accusé de plagiat.
crédit Fyctia
Fyctia a pris l’habitude d’organiser des concours pour animer sa communauté d’auteurs et stimuler les engagements. Parmi les lauréats, une certaine Tara Jones, qui écrit une histoire remarquée : Le contrat. L’histoire d’une jeune fille qui, pour sauver son père de ses dettes, va accepter un contrat de mariage avec un homme qu’elle n’a jamais rencontré. Résumé :
Après la faillite de son père, Angeline supplie son principal créancier, Lancaster, d’éponger ses dettes. Il lui propose alors un arrangement d’un genre particulier : un contrat de mariage aux clauses multiples et variées… Angeline accepte d’épouser cet homme qu’elle n’a jamais vu. Mais elle n’avait pas prévu qu’il soit aussi attirant…
Lauréate du concours New Romance avec pour thématique Désirs, le livre est prévu pour l’été, et le premier volume est sorti le 18 juillet. Deux autres tomes sont dans les imprimantes, et entre-temps, une exposition dans la presse est arrangée – Télé Star et Closer, découlant d’un partenariat précédemment annoncé.
Mais certains internautes s’inquiètent soudainement : selon eux, le texte présenterait plus que des similitudes avec une fanfiction rédigée depuis 2011 par une certaine IACB, ou Nina Hazel, sur Twitter. Son texte, intitulé Le Contrat, fait apparaître des similitudes et rapidement, les réseaux s’enflamment. En voici le résumé :
DM, célèbre jet-setter, doit protéger la Dynastie Malfoy d’un énième scandale causé par son attitude indécente. HG doit entretenir son père malade, mais croule sous les dettes. Qu’ils le veuillent ou non, il ne leur reste qu’une seule solution. Le Contrat.
Plagiat, contrefaçon, les accusations sont violentes, et rapidement, l’auteure mise en cause s’en défend :
Le 14 août, IACB annonçait qu’elle mettait un terme à son récit : « Les plagiats et parasitismes à répétition sont parvenus à me décourager d’écrire sur cette fanfiction une bonne fois pour toutes. »
Et d’ajouter : « Que l’on poste mon histoire sans autorisation sur un autre site, je peux passer au-dessus. Que l’on poste mon histoire sans autorisation sur un autre site pour ensuite rédiger soi-même la suite par impatience qu’elle soit enfin postée... je peux encore passer au-dessus. Mais que l’on s’approprie à 85,9 % mon histoire pour la transformer en un roman destiné à la vente, et ce sans jamais me consulter ? »
Tara Jones n’est pas explicitement citée, mais la proximité temporelle devient troublante. Et pour ceux qui ont suivi l’histoire, la chose ne fait aucun doute, voilà même qu’internet s’enflamme : tout commence avec un hashtag, RendezLeContratANinaHazel.
j'suis choquée, c'est une honte
— trevor (@episkeypotter) 14 août 2016
j'ai pu comparer en librairie y a 25 minutes et c'est un plagiat magnifique :)) #RendezLeContratANinaHazel
Et très rapidement c’est une pétition qui est dégainée pour dénoncer ce que certains internautes prennent maintenant pour une imposture. « Tara Jones a volé cette fanfiction à son auteure, l’a grossièrement modifiée et a remporté un concours avec celle-ci sur la plateforme Fyctia. Le Contrat plagié a été commercialisé, et Tara a touché de l’argent sur le travail d’une autre », peut-on lire. La force des accusations semble à la hauteur du sentiment de trahison.
Le tout, au point que Fyctia, alors relativement silencieuse, se décide à diffuser une réponse, très officielle :
— Fyctia (@_Fyctia_) 16 août 2016
« Divergences majeures », en dépit d’une « situation commune », mais en aucun cas une œuvre qui « saurait être considérée comme un plagiat », se défend la plateforme. Qui apporte son « soutien plein et entier à Tara Jones ». Et soulève par conséquent l’immédiate colère de dizaines d’internautes, manifestement en désaccord avec ce commentaire. Et comme la maison mère n’a pour le moment pas communiqué officiellement, cette réponse ressemble à une tentative pour se débattre du bad Buzz en cours.
ActuaLitté n’a pas encore eu le temps de comparer les deux textes pour en faire ressortir des éléments confirmant ou infirmant la thèse d’un plagiat. Les dates joueraient plutôt en faveur de l’auteure IABC, mais les preuves restent à fournir. Il faut reconnaître des similitudes entre les pitchs et les développements.
La seule chose qui reste ce sont les propos de NinaHazel. Considérant le mépris ambiant pour la fanfiction, elle affirme ne pas vouloir autre chose que la reconnaissance de Tara Jones, « que ce qu’elle a fait est déloyal, malhonnête et irrespectueux. [...] Un même titre, un résumé à 90 % similaire, une même trame de base..? et encore, je ne parle pas de la poignée de petits détails flagrants [...] ».
Contactée par ActuaLitté, IABC/NinaHazel précise qu’une de ses lectrices l’avait contactée pour lui signaler la proximité des deux textes. « J’ai moi-même tenté de joindre la maison d’édition, mais, en dépit de mon message, je n’ai eu aucune réponse. » Pour elle, « tout cela est beaucoup trop gros pour être une coïncidence : les héroïnes dans les deux textes sont serveuses, le contrat comporte des choses identiques ».
De son côté, Fyctia assure avoir « immédiatement pris les choses au sérieux». La responsable éditoriale achève la lecture du texte de IACB, « ce qui nous permet de dire avec certitude qu’il n’y a pas de plagiat, mais seulement des points communs superficiels au niveau narratif (temporalité linéaire, codes de la Romance avec un personnage masculin beau, riche et charismatique, un ex — qui croise son ancienne conquête), et un thème archétypique similaire (le mariage arrangé) issu de la comédie sentimentale et de la romance», nous garantit le cofondateur de la plateforme, Jeremy Amsellem.
Selon lui «aucune phrase n’est la même », mais l’examen est poussé plus en profondeur. « L’exposition et l’évolution du thème général sont différentes ; aucun personnage ne possède la même description ; chaque texte recèle des alternances propres de dialogues et de descriptions ; le point de vue est celui du personnage féminin dans “notre” Contrat, contrairement à la focalisation externe dans celui de l’auteur IACB (qui est par ailleurs d’une grande qualité aussi !). L’histoire racontée comme la manière de raconter l’histoire sont différentes ! Les sous-thèmes sont aussi divergents dès les premières pages pour ne jamais se recouper. »
Quant au titre, il est trop générique pour répondre aux critères d’originalité du droit d’auteur.
« Les auteurs doivent être conscients qu’ils partagent des codes narratifs, les mêmes références, qu’ils ont le même patrimoine culturel de départ (tous les livres, films, etc. qui ont été créés !), en particulier les auteurs issus des communautés fanfiction dont les codes sont très structurés ! Cela s’appelle l’intertextualité. Et surtout que rien ne peut justifier la violence morale, qui relève de la diffamation, dont certaines lectrices de IACB ont fait preuve sur les réseaux sociaux », poursuit Jeremy Amsellem.
La véhémence découlant de cette situation est avant tout révélatrice de la place qu’a pu prendre la FF dans le paysage littéraire du web. Une place de plus en plus importante, avec des communautés « toujours très soudées et engagées, qui en viennent à s’affronter avec de plus en plus de véhémence sur leurs univers de références ».
Et de conclure : « Bien sûr, nous soutenons plus que jamais notre auteur qui fait un carton dans les kiosques avec son livre dont nous sommes très fiers !»
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