À l’âge de 89, le romancier Michel Butor est décédé. Figure majeure du Nouveau roman, il avait porté la littérature française dans une exploration de textes nouveaux. Son Grand Œuvre, La modification, avait suscité des tollés, en étant écrit à la 2e personne du pluriel. Professeur de français à l’étranger, notamment en Égypte, il fut également professeur de philosophie à L’école internationale de Genève. Il partit également aux États-Unis pour enseigner.
utbm_fr, CC BY ND 2.0
L’écrivain est décédé à son domicile, a annoncé sa famille, alors que l’année passée, il publiait un nouveau recueil de poèmes, Sous l’écorce vive (Ed. Fallois). Le roman, il n’y touchait plus guère, alors que sa dernière parution dans le genre remontait à une cinquantaine d’années. « Nous sommes dans un changement de société dans lequel le roman n’a plus le rôle qu’il avait autrefois. On publie toujours beaucoup de romans. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui il n’y a pas de véritable transformation dans le roman. Ce n’est plus véritablement une forme actuelle et novatrice », expliquait-il.
Une triste coincidence, puisque fin juillet, c’est Jean Ricardou, théoricien du Nouveau roman, qui décédait, à l’âge de 84 ans. La biographie qui suit a été réalisé par les Editions de la Différence, où Michel Butor fit paraître plusieurs ouvrages.
Michel Butor est né le 14 septembre 1926, dans la banlieue de Lille. Son père, Émile Butor, travaillait dans l’administration des Chemins de fer du Nord, mais était passionné de dessin, aquarelle et gravure sur bois. En 1929, la famille vient s’installer à Paris où le jeune Michel fera toutes ses études, à l’exception de l’année 1939-1940, celle de la « drôle de guerre », passée à Évreux. Troisième d’une famille de sept enfants, aîné des garçons, il bénéficiait d’une quasi-gratuité pour les voyages en chemin de fer et trouvait que l’on n’en profitait pas assez.
Après des études de lettres et de philosophie, ayant échoué à plusieurs reprises à l’agrégation, tout en servant de secrétaire à Jean Wahl pour le Collège de philosophie, ce qui lui permet de se frotter à maint intellectuel d’alors, il enseigne quelques mois au lycée Mallarmé à Sens, puis profite d’un essai de réforme de l’enseignement égyptien pour traverser la Méditerranée avec un certain nombre de licenciés ès lettres, et se retrouve professeur dans la vallée du Nil entre les pharaons et les ermites. Puis il saisit une opportunité de devenir lecteur à l’université de Manchester en Angleterre. Difficile changement de climat.
Possédé depuis longtemps par le démon de l’écriture, il publie ses premiers romans aux éditions de Minuit, par l’intermédiaire de Georges Lambrichs. Les voyages continuent, à la fois professionnels et exploratoires : Grèce, Suisse où il rencontre Marie-Jo qu’il épouse en 1958. Viennent rapidement trois filles, suivies un peu plus tard d’une quatrième. Prix littéraires, travail chez des éditeurs, un peu de vie parisienne, conférences ici et là. Nombreux voyages aux États-Unis.
Après Mai 68, il tente une rentrée dans l’enseignement universitaire français, ce qui l’amène à s’installer à Nice au retour d’une année au Far West. Puis il est nommé professeur à la faculté des lettres de Genève. Les livres s’accumulent apportant chaque fois la surprise ; essais, récits du jour ou de la nuit, poèmes, nouvelles combinaisons de tout cela, ils font le désespoir des esprits routiniers ; les collaborations se multiplient avec peintres, musiciens, photographes. Séjours au Japon et en Australie ; voyages en Chine. Retraité depuis 1991, il vivait dans un village de Haute-Savoie. « Tout en continuant à courir le monde, le poète s’efforçait de mettre un peu d’ordre dans ses papiers et dans sa tête », assure l’éditeur.
Pour ActuaLitté, Michel Butor avait signé un texte, en octobre 2014. « On est arrivés à l’ère de la toile et du téléphone portable. » Il avait reçu, en 2013, le grand prix de littérature de l’Académie française, pour l’ensemble de son oeuvre.
Par Nicolas Gary
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