Ils sont deux, frères et sœurs Karo, à s’être lancés dans l’écriture d’un diptyque de romans dans le style de la romance contemporaine. Mêlant en grande partie leurs propres vécus, leurs expériences, et même leurs connaissances proches, ils ont choisi d’éprouver leur roman à travers l’autopublication. Mais le projet, aujourd’hui, prend une autre tournure. Benjamin Karo nous raconte.
Le 28/10/2016 à 10:48 par Nicolas Gary
Publié le :
28/10/2016 à 10:48
Caroline et Benjamin Karo
Benjamin Karo : 96 est un diptyque que nous avons écrit ma sœur Caroline et moi durant l’année écoulée. Le premier tome, « La sixième corde » a été posté une première fois fin mai 2016 sur Amazon, et le second, « Accord brisé », est écrit et attend son heure.
Notre envie dans 96 était d’aborder des choses à la fois simples et complexes : les relations humaines, et plus spécifiquement celles de l’Amour et de l’Amitié. Nous voulions proposer une vision qui dépasse les préjugés si commodes qui tournent autour des événements ou principes du style : ça marche entre deux personnes parce qu’elles ont des aptitudes à la vie de couple ou ça échoue parce que l’un des deux a fait tel ou tel faux pas.
En réalité, la vie émotionnelle puise ses fondations dans l’enfance, dans des cycles que l’on reproduit à l’infini tant que l’on a pas soigné certaines blessures originelles. Ainsi, nous avons trouvé pertinent d’exposer la construction affective d’Arnaud, héros de notre roman, pour que chacun puisse faire de même à son propre propos, en le lisant. Le parcours amoureux d’Arnaud, plutôt riche, offrira à chacun une possibilité de retrouver son histoire et de se poser des questions, sous un angle différent de son ronron intellectuel habituel.
Contrairement à ce que l’ego nous force à croire, ce sont bel et bien ces boucles et ses premières empreintes qui définissent notre présent, bien plus que le bon sens ou l’intelligence supposée. Le cerveau humain est programmé pour fabriquer du passé, pas du futur, tout simplement parce que l’on pioche en permanence dans des mécanismes qui sont ceux du vécu et des schémas, conscients ou non, dont on a hérité ou que l’on a fabriqués à une époque où nous étions fragiles et perméables – l’enfance, de fait.
La forme romanesque se prête assez facilement à l’étude des rapports d’amitiés et de couple. Nous nous sommes appuyés sur nos propres tranches de vies ou sur celles d’amis, pour incorporer du réel dans ce qui n’est finalement pas du tout une fiction. Les personnages ont tous existé, ou existent dans nos vies, et les événements racontés, également. C’est aussi ce qui offre au livre son ton singulier emprunt de vérité et de sincérité.
Benjamin Karo : C’est tout le sens de notre démarche globale qui est a comprendre. Avant de nous confronter à un éditeur, nous tenions à obtenir un feedback fiable qui vienne du public. Il fallait donc un support qui existe, se monnaye et offre le prétexte nécessaire à ce que l’on puisse sollicité ce public. Au début Caroline et moi n’étions tellement pas au fait de ce que l’on pouvait mettre en place par nous même ou pas, que nous n’avons utilisé que le digital, avant de nous apercevoir 3 mois plus tard qu’Amazon proposait aussi de l’impression papier à la demande.
C’est vrai que ce n’est pas encore tout de suite que l’on pourra espérer le prix Nobel de l’édition. Quoi qu’il en soit ce fut, même très maladroitement, un moyen technique facile qui s’offrait à nous pour nous permettre de récolter des impressions de lecture, sans les filtres et les préjugés des « professionnels ». Nous avons donc eu beaucoup de confirmations de ce que l’on espérait de la part des lecteurs, qui se sont avérés être principalement des lectrices, au final.
Dans le même temps, nous avons contacté des chroniqueuses, qui nous ont elles-mêmes permis d’en contacter d’autres. Au final, nous aboutissons à une centaine de retours de blogueuses et journalistes, qui ont complété un puzzle très proche de celui que nous avions fragmenté par nos multiples intentions quand nous écrivions. Avant cette aventure, l’autopublication, je ne savais même pas ce que c’était.
Le processus de la beta lecture via l’autopublication, me laisse malgré tout un sentiment étrange, comme une sorte de Star Academysation. On passe par Amazon pour faire participer d’une certaine manière le public à la co-création d’une œuvre. Ça a quelque chose d’un peu moins noble que les circuits classiques, mais c’est dans l’air du temps, et se sont finalement, des outils de notre époque. Il faut composer avec.
Le bilan c’est que l’on sait aujourd’hui, grâce a ces retours, que le livre est en mesure de parler à un très large lectorat, et mieux, qu’il peut s’adapter aux lecteurs. Certains y trouvent de l’humour, d’autres de la profondeur, de la poésie, des éléments très psychologiques, et même un équilibre bien dosé qui permet à ceux qui le veulent de faire des impasses sur certains aspects du roman. Certaines lectrices l’ont aimé, sans en comprendre tout l’enjeu. D’autres nous ont avoué que le livre leur faisait trop mal, parce qu’il touchait à des choses profondes en elles. Et d’autres ont tout aimé, tout compris et tout dévoré.
96 est un véritable miroir. Ce qui m’amène à considérer avec une certaine compassion les commentaires chargés de colère et de frustrations qui ont pu se déverser. Certaines ont catégoriquement refusé ce que le livre leur renvoyait, et on aboutit parfois à des réflexions qui sont en fait des témoignages de grande souffrance. Malheureusement pour ces femmes, elles ne sont pas en capacité de comprendre que la colère ne détruit que celui qui la fabrique, et que le mal engendre le mal. C’est triste, mais c’est aussi les limites de la générosité. Certains n’aiment pas l’amour et la vie parce qu’ils ne s’aiment pas, même en hurlant le contraire du matin au soir.
Benjamin Karo : D’abord, que l’on a fait de très belles rencontres et que l’on a eu 80 % de critiques dithyrambiques. Donc on garde aussi le sentiment que le départ de notre aventure littéraire a été bien mené. Si nous avons affiné certains propos, poli des dialogues ou musclé un peu certains traits de caractère, rien n’a été modifié dans le scénario qui reste pour nous une horlogerie de précision.
Par exemple, après nous être fait traiter, Caroline et moi, par certaines femmes, de machos, nous avons décidé de forcer le trait de certains éléments du récit pour clarifier encore nos positions et ainsi lever toute ambiguïté sur nos intentions d’auteurs. Ceci a été fait en réaction à des commentaires issus d’un certain féminisme populiste, qui défend l’indéfendable imbécillité de surface.
Caroline et moi offrons en réalité, dans notre roman, la démonstration par les faits que les femmes sont dans leur grande majorité plus réfléchies et sensibles que les hommes, et qu’elles disposent d’une intelligence émotionnelle qui les rend plus à même de comprendre beaucoup de situations. Mais on s’est heurté à des prises de position assez cocasses du fait de cette inversion totale de la compréhension de notre texte, par une toute petite minorité de femmes. Jamais nous n’aurions pensé qu’en attaquant au vitriol les hommes et leurs errances, on nous enverrait en retour que l’on dégrade l’image de la femme.
Benjamin Karo : Dans les retours que nous avons eus, l’un des plus récurrents était que les lecteurs exprimaient tous l’envie d’avoir des amis comme ceux du livre. Et comme Caroline et moi en disposons vraiment, nous avons décidé de les partager un peu, avec ceux qui en auront envie. Le site a été mis en ligne voilà deux semaines maintenant dans cette idée-là.
Ensuite, au fil des retours (qu’ils soient positifs ou critiques), on s’est aussi aperçu que les lecteurs avaient beaucoup de choses à dire aux personnages. Nous leur avons donc offert la possibilité de leur parler directement, plutôt que de s’en prendre à nous ou de nous féliciter de choses dont nous ne pouvons nous enorgueillir, Caroline et moi.
Arnaud, le personnage principal, par exemple, est loin d’être parfait, mais il plaît parce qu’il se trompe – souvent – et prend les conséquences de ses erreurs en plein visage. Il débute le livre avec des idées reçues, fortes, qui se retourne systématiquement contre lui. Mais au final, il sait prendre en considération ces suffisances et insuffisances pour analyser ce qui lui arrive et changer. C’est ce qui donne à l’histoire cette notion de roman initiatique.
Chaque personnage vit le même mouvement, mais nous ne le décelons qu’au travers de ce qu’Arnaud veut bien voir ou non, vu qu’il est le seul témoin parlant de cette aventure.
Benjamin Karo : D’abord, pour ne parler que de l’histoire, le tome 2 va nous permettre de soulager les légitimes frustrations liées à la fin du tome 1. Nous ne pouvions pas publier une romance contemporaine de ce type sur 700 pages, ça ne s’est jamais vu et ça n’a aucun sens. Alors nous avons évidemment utilisé cette seconde moitié de diptyque pour dénouer les fils de toutes les intrigues. Ce tome 2 est à ce jour totalement prêt et ne laissera aucune question en suspens. Même si, bien sûr, le film de la vie continuera après le clap de fin de ce tome 2.
Par ailleurs, nous entrons en ce moment en discussion avec une maison d’édition, pour publier les deux tomes du diptyque. Nous pensons d’ailleurs qu’il serait pertinent d’assumer une sortie simultanée de ces deux tomes, parce que l’on ne voudrait pas se faire lyncher par des lectrices très impatientes comme nos premières sympathiques chroniqueuses.
Nous avons choisi une grande maison, parce que nous avons besoin d’une très large diffusion pour orchestrer notre communication et toutes les innovations que l’on tient à proposer à notre public. Une adaptation cinématographique est par ailleurs déjà en cours de travail et l’idée d’une co-création spécifique au café théâtre fait également son chemin. À ce titre, il faut une structure éditoriale qui soit moderne et réactive, audacieuse et confiante en ses capacités d’innovation.
Pour le cinéma, la démarche entamée peut sembler étrange si l’on tient compte du fait que le livre n’est pas encore en librairie. Mais on nous a très souvent fait part du fait que l’écriture elle-même était particulièrement cinégénique – que l’on avait l’impression de lire un film, donc cela n’est pas si étonnant que cela.
Mais, l’adaptation, même si elle paraît donc naturelle, n’est pas aussi simple que ce que l’on pourrait croire. Il a fallu réécrire 90 % du roman pour produire un script dont nous étions satisfaits, Caroline et moi, car la subjectivité de la narration dans le roman n’est pas du tout cinématographique, par exemple.
Benjamin Karo : [rires] Nous avions pensé à des goodies, mais finalement, ce sera en grande partie des expériences plutôt que des objets. Dans notre roman, Arnaud gagne très correctement sa vie ; Vincent est, lui, plein aux as, et pourtant aucun des deux n’est intrinsèquement matérialiste. Alors nous nous alignerons sur cette idée pour chercher à offrir des moments spécifiques aux lecteurs plutôt que des objets inutiles.
Pour faire écho à ce que vivent nos personnages. On fera peut-être un décapsuleur spécial pour Eni, ou des sacs flanqués... mais on privilégiera des choses plus intelligentes et malignes... Oui, des expériences, des choses à vivre et des événements à l’image de 96. Nous voulons emmener le Livre, là où il n’a jamais mis les pieds.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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