Le Prix Femina 2016 a été attribué hier à Marcus Malte, Rabih Alameddine et Ghislaine Dunant, et il n'aura fallu que quelques heures pour qu'une polémique naisse autour du livre de la lauréate, Charlotte Delbo, une vie retrouvée, publiée par les éditions Grasset. Ghislaine Dunant est en effet accusée de « malhonnêteté intellectuelle » pour l'absence de bibliographie à son livre.
Le 27/10/2016 à 16:56 par Antoine Oury
Publié le :
27/10/2016 à 16:56
Mona Ozouf et Christine Jordis lors de la remise du Prix Femina 2015
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
L'attribution du Prix Femina aura au moins permis à Violaine Gelly et Paul Gradvohl d'attirer l'attention sur ce qu'ils reprochent à Ghislaine Dunant et à sa biographie de l'auteure et résistante Charlotte Delbo. « Pas une citation, pas une référence, pas la moindre bibliographie » résume Violaine Gelly dans une tribune publiée aujourd'hui à 11 heures sur BibliObs. Avec Paul Gradvohl, elle avait signé en 2013 chez Fayard une biographie, simplement titrée Charlotte Delbo.
On peut se féliciter de voir Delbo recevoir les honneurs littéraires qu’elle n’a pas connus de son vivant. On peut, dans le même temps, s’agacer que ce soit par un livre qui se revendique comme touché par la grâce de l’écrivain. Un écrivain dont l’omnipotente connaissance naît sous l’inspiration de l’émotion ou, comme dit Ghislaine Dunant, de la résonance avec son sujet. Aucun travail n’a jamais été diminué de rendre hommage à ceux qui l’ont précédé, écrit encore Violaine Gelly dans sa tribune.
Violaine Gelly poursuit en saluant le travail de « tous celles et ceux qui ont été touchés en plein cœur par la force de cette œuvre totalement inclassable, cette voix unique » et en critiquant Ghislaine Dunant pour les références manquantes dans son livre.
Sollicitée par le Huffington Post, Grasset, la maison d’édition qui publie Charlotte Delbo, une vie retrouvée, n’a pas souhaité s’exprimer sur les reproches faits à son auteure. Nous avons tenté de joindre Ghislaine Dunant, sans succès pour le moment.
Les reproches à sa biographie de Charlotte Delbo remontent à quelques mois — dès la parution, en réalité. On en trouve la trace jusque sur YouTube, sous une présentation vidéo du livre par Ghislaine Dunant elle-même, réalisée par le groupe Hachette.
« C’est curieux, j’ai l’impression d’avoir déjà vu ça quelque part. Un peu d’honnêteté et vous auriez cité ça dans vos sources », souligne une internaute en renvoyant vers le livre de Violaine Gelly et Paul Gradvohl. « Ah oui, en effet, comme j’avais lu le livre sur C Delbo de P Gradvohl et V Gelly, je suis par curiosité entrée dans ma librairie feuilleter celui-ci après avoir lu les deux commentaires ci-dessous. [...] il y a un goût de déjà vu, surtout dans les éléments biographiques... Dommage de constater que l’auteur n’a pas a minima l’élégance de les citer », renchérit un autre.
L’auteure Tatiana de Rosnay a elle aussi mobilisé ses réseaux pour faire savoir tout le mal qu’elle pensait de l’absence de références au sein du livre de Ghislaine Dunant.
Contactée par ActuaLitté, Mona Ozouf, présidente du jury du Prix Femina, nous explique que « le livre n'est pas un livre qui nécessite une bibliographie, car il n'entre pas dans le cadre universitaire, comme une thèse par exemple. Il s'agit plutôt d'un portrait. »
Si la présidente du jury n'a que « vaguement » eu connaissance de la polémique autour de la biographie signée par Ghislaine Dunant, elle souligne que celle-ci ne découle pas « d'une véritable critique : s'il y avait des passages plagiés, les accusateurs l'auraient démontré ». Par ailleurs, « aucun livre n'est obligé de donner ses références », juge Mona Ozouf.
Et la présidente du jury du Femina de conclure que « ce prix est attribué à l'auteure du portrait, mais c'est aussi la femme exceptionnelle évoquée dans le livre que le jury couronne ».
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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