En 1959, André Schwarz-Bart publie au Seuil Le dernier des Justes roman de 400 pages qui relate le martyre du peuple juif en Occident depuis l’an mil en suivant le destin d’une famille. L’auteur est à l'époque un inconnu, mais son livre, aussitôt, soulève l’enthousiasme. Les dames du Femina veulent le couronner. L’académie Goncourt, comme le relate Pierre Assouline (« Du côté de chez Drouant », page 99), ne l’entend pas de cette oreille. Elle le désigne lauréat une semaine à l’avance.
Le 05/02/2017 à 09:00 par Les ensablés
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05/02/2017 à 09:00
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Par Hervé Bel
L’auteur est né à Metz en 1928 au sein d’une famille d’origine polonaise qui sera en partie déportée. En 1943, il entre dans la résistance. A la Libération, il devient ajusteur, passe son baccalauréat en 1948 et commence à écrire. Selon Assouline, il reprend son manuscrit « Le dernier des Justes » des dizaines de fois avant d’oser le présenter aux éditeurs. Le résultat est là : un grand livre. Le succès est phénoménal, suscite la jalousie et les critiques des spécialistes. Son texte comporterait des anachronismes. Schwarz-Bart quitte alors l’Europe pour le Sénégal, et publie peu jusqu’à sa mort en 2006 en Guadeloupe.
Disons-le d’emblée, c’est un roman exceptionnel par l’ampleur du sujet et son style luxuriant. L’histoire s’appuie sur une tradition héritée du Talmud selon laquelle il y a de par le monde, à chaque génération, 36 Justes. Ils prennent sur eux la souffrance du monde et, de la sorte, assurent son existence. Rien ne les distingue des autres hommes et souvent eux-mêmes ignorent qu’ils font partie des 36 (Lamed vav en hébreu).
Le roman commence par un fait historique : la tuerie des juifs de York en l’année 1190. Les juifs, poursuivis par des émeutiers, se réfugièrent dans le château de la ville. Un siège commença et se termina par le massacre des assiégés qui n’avaient pas voulu abandonner leur foi.
Schwarz-Bart imagine que le fils du Rabi Yom Tov qui était le chef de la communauté, échappe à la mort. Il sera un des 36 Justes. Et commence alors l’histoire de sa famille au cours des siècles. A chaque génération, les Levy donnent un Juste qui, toujours, finit mal. On suit l’interminable errance de cette famille obligée de fuir. Angleterre, France, Portugal…
Mais le roman commence vraiment à Zémyok en Pologne, à la fin du XVIIIème siècle, lorsque les Levy s’y installent. Dès lors, on les suit de près, à travers des Justes fort différents selon les générations, tantôt très courageux, tantôt moins. Se dessinent petit à petit les contours d’un monde disparu dont Bashevis Singer s’est fait le peintre. On sent la menace perpétuelle du pogrom. Et nous qui savons ce qui s’est passé, on perçoit la tragédie qui guette.
Pour fuir les Polonais, les Levy s’en vont en Allemagne : Car les juifs allemands (…) étaient si gentiment installés dans ce pays que nombre d’entre eux s’estimaient « presque » plus allemands. Ceci était sans doute fort curieux sinon louable, mais n’en démontrait que mieux la bonhomie et la douceur du caractère allemand . Benjamin Levy, le Juste de sa génération, choisit la ville de Stillenstadt (« la ville tranquille ») pour y lancer son commerce.
Les temps, effectivement, sont un moment tranquilles : Stillenstadt était une de ces charmantes villes allemandes d’autrefois. Avec ses milliers de maisonnettes à poupées, tuilées de rose, ornées de fleurs en pots, elle semblait une sécrétion matérielle de la vieille sentimentalité germanique qui pénétrait et liait intimement toutes choses, de même par un fil invisible, la bave de l’hirondelle maintiens ensemble les brindilles qui composent son nid.
Mais le nazisme apparaît. Discret d’abord, éveillant ou réveillant peu à peu la haine des juifs. C’est ce « peu à peu » qui est remarquablement rendu par Schwarz-Bart. D’abord invisibles, les juifs, les Levy, attirent l’attention. Puis on n’a plus pour eux la bienveillance condescendante du début. Alors les Levy se font plus petits, mais ce faisant, paradoxalement, n’en deviennent que plus remarqués. A l’école, Ernie, le fils de Benjamin, qui sera le dernier des Justes de cette histoire, se heurte à l’hostilité grandissante des autres élèves, une fois les nazis installés. Et puis, il y a les SA qui défilent dans la ville, guettant les juifs qui se rendent à la synagogue (scène extraordinaire).
La souffrance d’Ernie, le jeune enfant, est incommensurable. Lui a compris qu’il est un juste et qu’à ce titre, il lui faudra payer par sa souffrance. Il subira la persécution des Hitlerjugend, sera abandonné par la petite fille qu’il aimait.
La famille essaye d’échapper à son destin en fuyant vers la France à la fin des années trente. C’est dans le roman, peut-être, une des périodes les plus douces. On y retrouve la vie des juifs à Paris décrite par Annie Kriegel (« Ce que j’ai cru comprendre », à lire absolument). Du moins les Barbares n’avaient-ils pas atteint les douces rives de la Seine, où s’écoulaient encore des heures d’une paix telle que les Levy en furent épouvantés. Comment peut-il exister des oasis ?
Quand la guerre éclate, Ernie s’engage pour la France. La défaite le jette sur les routes. Il pourrait s’en tirer, vivre à Marseille. Mais sa condition de Juste l’en empêche. Il doit souffrir avec les autres… Il mourra à Autschwitz, dans un ultime chapitre d’une beauté tragique bouleversante qui s’achève par cette prière hallucinée, digne de Celan.
Et loué. Autschwitz. Soit. Maidanek. L’Eternel. Treblinka. Et loué. Buchenwald. Soit. Mathausen. L’Eternel. Belzec. Et loué. Sobibor. Soit. Chelmno. L’Eternel. Ponary. Et loué. Theresienstadt. Soit. Varsovie. L’Eternel. Vilno. Et loué…
Les stations du martyre, accepté par Ernie Levy mort six millions de fois. Pourquoi le dernier des Justes ? Est-ce à dire qu’après lui, avec Treblinka, le monde s’en est allé ?
Chers lecteurs, ne manquez pas ce grand livre, là où le roman, beau, vaste, rejoint l’histoire.
Par Les ensablés
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Voici un nouveau venu dans la superbe collection La bibliothèque des illustres, publiée en partenariat par les éditions Perrin et la Bibliothèque nationale de France : Talleyrand. Cette biographie signée Charles-Éloi Vial est remarquable à plusieurs égards. Archiviste paléographe, docteur habilité en histoire et conservateur au département des Manuscrits de la BnF, l’auteur nous donne à connaître un homme de contradictions — comme tout un chacun — qui poursuivait deux grands buts dans la vie : lui-même, et l’idée qu’il se faisait de la France, et plus largement de l’Europe à construire.
19/05/2025, 15:48
« La première fois que je suis entrée dans l’appartement, il pleuvait. C'était pour la visite. J’ai attendu l’agent devant le 37 bis. Il est arrivé avec une demi-heure de retard. » Voici comment tout commence pour la petite. Elle a besoin d’un endroit où vivre, qui l'inspirera pour écrire sa thèse. Et elle l’a trouvé. Pas besoin de visiter, elle sait qu’elle se trouve exactement où il faut. Elle est chez elle, c’est aussi simple que ça.
19/05/2025, 11:40
Le Veterans’Home of Wyoming à Durant accueille depuis longtemps des anciens combattants entre ses murs. Charley Lee Stillwater faisait partie de ceux qui s'installaient en bordure de la route et saluaient toutes les voitures qui passaient. Il fallait bien faire passer le temps et, dans un fauteuil roulant, on ne pouvait pas vraiment imaginer s'engager dans de grandes randonnées quotidiennes.
19/05/2025, 10:50
Publié pour la première fois en 1969, ce recueil de Charles Bukowski fait l’objet en 2025 d’une nouvelle édition française chez Au diable vauvert, dans la traduction crue et fidèle de Thierry Beauchamp. L’ouvrage rassemble plus d’une centaine de poèmes qui dressent, sans fard, le tableau d’une existence aux marges. Bukowski y alterne poèmes narratifs, portraits de femmes, évocations de l’alcool, souvenirs d’enfance, visions de violence ordinaire.
19/05/2025, 09:00
Ce nouveau recueil de Jérôme Bertin s’inscrit dans la continuité d’une œuvre poétique radicale et autobiographique, où la violence sociale se mêle aux effusions intimes. Vie et mort d’un cycliste amateur, un poème narratif découpé en séquences libres, porté par la voix d’un narrateur adolescent prénommé Denis Bolet, gamin roux d’un village fictif nommé Grouillon.
19/05/2025, 07:00
Auteurs, éditeurs, diffuseurs, attachés de presse, libraires… C’est dans la complémentarité de ces talents que se joue aujourd’hui la réussite d’un livre. Dans un univers éditorial de plus en plus saturé et en mutation constante, la visibilité d’une œuvre ne relève plus du hasard ni d’un simple coup de chance. Elle se construit, patiemment, avec méthode — en librairie comme sur les réseaux sociaux.
18/05/2025, 08:00
J’ai ouvert Absolute Batman comme on entre dans une cathédrale gothique, un soir de pleine Lune et d'orage. Ce que j’y ai trouvé ? Le reflet d’un monde en ruine, et d’un homme qui s’obstine à croire qu’il peut encore le réparer… Une Gotham défigurée, un Bruce Wayne sans fortune, et un Batman qui surgit des ombres comme une force brute. Décontenancé ? Oui, plutôt.
17/05/2025, 15:54
Un road-novel avec des héroïnes que l'on dirait héritières Thelma et Louise. L'Américaine Hannah Deitch vit à Los Angeles et nous offre là son premier roman : Ennemies publiques. Un road-novel emballé et emballant. La traduction de l'anglais (US) est de Cindy Colin-Kapen.
17/05/2025, 10:42
Joseph Agostini n’en est pas à sa première psychanalyse de figures iconiques. Après avoir allongé Dalida sur le divan, il s’attaque cette fois à une autre diva – de la politique celle-là – en la personne de Marine Le Pen.
17/05/2025, 10:28
On ne parle pas de ces choses-là. Tout, dans cette couverture aux tons orangés, attire l'oeil des curieux – on nous suggère, sans trop en dire. Un jeu d'équilibre qui annonce d'emblée une BD dans la nuance, avec une promesse : documenter, honnêtement, le silence qui entoure l'inceste.
15/05/2025, 18:24
Après avoir essayé, à plusieurs reprises, d’écrire un résumé qui se voulait original, je me suis rendu compte qu’écrire une chronique sur Le Château de ma mère ne valait pas tant pour refaire un énième résumé d’un classique de la littérature française, que pour raconter ce qu’il m’a fait vivre.
14/05/2025, 15:23
Et si Wolverine rangeait ses griffes et laissait les super-vilains gagner ? Wolverine: Old Man Logan – un comic post-apocalyptique Marvel scénarisé par Mark Millar et dessiné par Steve McNiven – propose justement ce scénario choc. Publié en 2008-2009 chez Marvel Comics, cet album propulse le griffu bougon dans un futur sombre.
14/05/2025, 14:01
A l’occasion de la seconde édition de la Solar biennale, le Mudac (Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains de Lausanne) s’est associé à La Volte pour inviter douze auteurices (huit francophones et quatre non-francophones) à écrire des textes autour d’une thématique lumineuse et éclairante. Lancée pour la première fois en 2022 aux Pays-Bas par les designers Pauline van Dongen et Marjan van Aubel, il s'agit d'une plateforme de réflexion autour de la question de l’énergie solaire.
14/05/2025, 08:30
BONNES FEUILLES - Trois étudiants entreprennent de tourner un documentaire sur un énigmatique ermite installé à Lammassaari, une île proche d’Helsinki surnommée « l’île aux moutons ». Peu après, Johannes, l’un des membres de l’équipe, est retrouvé mort dans une réserve naturelle, tandis que Jeremias, un autre étudiant, disparaît sans explication.
14/05/2025, 08:00
BONNES FEUILLES - Lily Calloway va devoir accomplir l'impossible : rester abstinente pendant 90 jours.
Alors que Loren Hale est parti en cure de désintox, Lily est terrifiée à l’idée qu’à son retour l’homme qu’elle aime se rendra compte du monstre qu’elle est vraiment. Car plus elle tente de lui rester fidèle, plus ses pulsions sexuelles semblent prendre le contrôle de son corps.
14/05/2025, 07:00
2 Commentaires
Marc Reynaud
14/08/2019 à 20:57
Magnifique roman, exceptionnel ! À lire et à relire.
Gyssels Kathleen
09/02/2020 à 09:40
Je signale aux lecteurs un site "ile.en.ile" où plusieurs références sont données sur la page André et Simone Schwarz-Bart. ma thèse, Filles de Solitude, sur l'oeuvre romanesque du couple est consultable en ligne ici:
Bibliothèques de l'UQAM et sur le site de "limag"
bonnes lectures,
Prof. Gyssels