EXCLUSIF – Comme prévu, le Secrétariat général du gouvernement a transmis au président de l’Assemblée nationale le rapport sur la mise en œuvre de l’ordonnance n° 2014-1348 du 12 novembre 2014. Pour le dire en termes moins barbares, il s’agit d’un document très attendu, faisant état des relations entre auteurs et éditeurs.
Le 20/03/2017 à 17:45 par Nicolas Gary
Publié le :
20/03/2017 à 17:45
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L’ordonnance du 12 novembre, ainsi que l’accord du 1er décembre 2014, introduisaient de nouvelles dispositions, notamment dans les obligations qui incombent à l’éditeur en matière d’exploitation permanente et suivie pour les ouvrages papier et numériques. Était également évoquée la question de la reddition de comptes, tout en adaptant son cas aux ventes numériques. Cette ordonnance faisait suite à la conciliation menée par Pierre Sirinelli et son rapporteur, Liliane de Carvalho.
Dans le cadre de la loi Création, le dispositif était alors complété par un article introduisant de nouvelles mesures « visant à faciliter les relations contractuelles entre auteurs et éditeurs ». Le rapport remis à Claude Bartolone fait ainsi le point sur les effets de la réforme, qui « procède avant tout d’une démarche empirique », indique-t-on.
À ce jour, les organisations d’auteurs et d’éditeurs continuent de proposer un modèle de contrat distinct, « et n’ont pas cherché à s’entendre sur un contrat type unique ». On souligne également que les éditeurs membres du SNE « se sont organisés sans difficulté majeure », pour mettre à jour leurs contrats et faire évoluer « leurs outils et logiciels de gestions de droits », dans les mois qui suivirent l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Seules de petites structures, non membres du SNE « et certainement moins informées », n’ont pas procédé à ces actualisations.
Concernant le contrat d’édition, et sa part distincte pour les droits numériques, il semble que le nouveau modèle soit respecté – voire qu’apparaissent des contrats portant exclusivement sur la cession de droits numériques.
Concernant l’exploitation numérique, « certains éditeurs expriment la crainte de voir des opérateurs tels qu’Amazon, dont la stratégie semble aujourd’hui tournée vers une éviction de l’éditeur de la chaîne du livre numérique, démarcher les auteurs afin de se faire transférer les droits numériques ». Les organisations d’auteurs n’ont pour le moment pas eu connaissance de résiliations ainsi motivées. Toutefois, elles constatent que « des auteurs commencent à se manifester pour récupérer leurs droits numériques non exploités ».
Pour l’exploitation permanente et suivie, les services juridiques du côté du CPE « ont d’ores et déjà assisté des auteurs dans l’envoi de mises en demeure pour absence d’exploitation permanente et suivie de l’œuvre sous forme imprimée ou numérique ». Sauf que les délais impartis pour les réponses des éditeurs ne sont pas encore arrivés à expiration, aussi aucune conclusion ne peut encore être posée.
Le SNE demande toutefois des précisions quant à l’article L. 132-7 (alinéas 2 et 3), concernant la résiliation en cas d’épuisement d’une édition. C’est bel et bien le projet ReLIRE que l’on retrouvera, une fois encore, en embuscade, même s’il se cache derrière un arbuste.
Cet article qui s’applique à l’ensemble des contrats d’édition, tous secteurs culturels confondus, prévoit que « la résiliation a lieu de plein droit lorsque, sur mise en demeure de l’auteur lui impartissant un délai convenable, l’éditeur n’a pas procédé à la publication de l’œuvre ou, en cas d’épuisement, à sa réédition. L’édition est considérée comme épuisée si deux demandes de livraisons d’exemplaires adressées à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois. »
Il s’agit de déterminer si le maintien en l’état de cette disposition implique que la résiliation de l’intégralité du contrat est toujours encourue en cas d’épuisement et de non-réédition de l’œuvre alors que les nouvelles dispositions sur l’exploitation permanente et suivie sous une forme imprimée, qui inclurait selon le SNE la notion d’épuisement, prévoient la résiliation de la seule partie du contrat relative à l’édition imprimée.
Pour la rémunération de l’auteur, si toutes les recettes doivent être incluses dans les versements effectués, il semblerait que les contrats d’édition dans leur ensemble mentionnent des pourcentages de droits d’auteurs identiques pour le livre imprimé et le livre numérique. Les organisations notent que, ce faisant, les auteurs perçoivent moins de droits d’auteur, à ventes égales, sur le livre numérique que sur le livre imprimé, le prix public hors taxe du livre numérique étant de 30 à 50 % inférieur à celui du livre imprimé.
La reddition de comptes, sujet crucial pour les auteurs, n’aurait entraîné qu’une dizaine de résiliations de contrats, constatées par la SGDL, sur la base des dispositions de 2014. « Cette organisation professionnelle relève que, dans leur grande majorité, les auteurs n’ont pas pour objectif final de mettre fin au contrat qui les lie aux éditeurs, mais bien de contraindre ces derniers à leur adresser un état des comptes conforme aux exigences légales et réglementaires », relève le rapport.
Maintenant, les organisations professionnelles indiquent qu’elles poursuivent leurs échanges – d’un côté le Conseil Permanent des Écrivains, de l’autre le Syndicat national de l’édition. Deux points font d’ores et déjà l’objet d’un accord : la sanction pour défaut de paiement des droits ainsi que la compensation intertitres et la provision pour retour. Nous y reviendrons dans un prochain article.
La réalisation d’un document pédagogique sur la reddition des comptes : ce dernier devrait faciliter la production et la lecture des relevés adressés par les éditeurs aux auteurs a été entreprise dans le cadre d’un groupe de travail élargi aux responsables de la « comptabilité auteurs » des maisons d’édition participant aux discussions interprofessionnelles.
La clause d’audit permettrait à l’auteur de provoquer un contrôle de la réalité des ventes fait actuellement l’objet d’une discussion. Il s’agit de déterminer, d’une part, à qui seraient confiées ces missions d’audit et, d’autre part, à qui serait imputée la charge financière de ces audits.
Information plus systématique des auteurs dans le cadre de l’exploitation de leurs ouvrages. « Soucieux de ne pas entraîner de nouvelles contraintes fortes pour les éditeurs, le SNE a souhaité que ce sujet ne soit discuté qu’une fois le document commun sur la reddition des comptes achevé, ce document étant susceptible selon lui de répondre en grande partie aux demandes. »
Outil d’information sur les ventes de livres enregistrées en sortie de caisse des détaillants et mise à disposition des auteurs des états de comptes par un procédé de communication électronique : « La création d’un outil d’information sur les ventes de livres enregistrées en sortie de caisse des détaillants nécessite par ailleurs une importante concertation de l’ensemble de la chaîne du livre qui dépasse le cadre des discussions bilatérales entre le CPE et le SNE, mais associe aussi l’ensemble des acteurs de l’aval (libraires, distributeurs...). »
Les auteurs ont apporté d’autres réflexions, mais non inscrits dans l’agenda des discussions – notamment la possibilité de saisine auprès du Médiateur du livre : ce dernier n’est aujourd’hui accessible qu’aux éditeurs, distributeurs et libraires.
Le CPE serait pour sa part favorable à l’élargissement du périmètre d’intervention du Médiateur, plutôt qu’à la création d’une instance de dialogue permanente entre auteurs et éditeurs. « Il n’apparaît pas nécessaire à ce jour de formaliser davantage le cadre du dialogue entre organisations représentatives des auteurs et des éditeurs », note ainsi le rapport.
« Un tel élargissement serait susceptible d’accroître très fortement le nombre de procédures de conciliation que le médiateur aurait à gérer, ce qui aurait un impact budgétaire non négligeable », peut-on toutefois lire plus loin.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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