En marge du salon Creativ Cross Media, Pierre Dutilleul, directeur général du Syndicat national de l’édition, intervenait pour brosser un tableau du marché du livre. Certes, GfK avait présenté quelques minutes auparavant un panorama plutôt complet, mais la parole du SNE se devait de revenir sur plusieurs éléments majeurs.
Le 30/03/2017 à 16:29 par Nicolas Gary
Publié le :
30/03/2017 à 16:29
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« L’édition est un métier d’entrepreneurs », assure Pierre Dutilleul, « et cela se voit, parce que 70 % des maisons d’édition qui existent et publient aujourd’hui ont moins de 30 ans d’existence. » Chose qui a abouti, forcément, à un accroissement de la production : « Toutes les directions disent la même chose : elles ont sûrement raison, parce que la surface des librairies n’augmente pas. » Sans pour autant diminuer...
Le temps d’attention, souligné par GfK dans son étude, est une donnée cruciale pour un éditeur : « Quand on prend un livre et que l’attention baisse au bout de 3 minutes, c’est qu’il y a un problème : au niveau de l’auteur et de l’éditeur, on n’a pas su trouver le sujet qui allait captiver le lecteur. »
Aujourd’hui, la production, en France, est autour de 450 millions d’exemplaires, et sans diminution. Cependant, les formats changent, sont plus petits, moins chers, analyse-t-il. Et en terme d’achat, l’une des données de l’étude GfK a retenu toute l’attention du directeur général.
« Quand on dit que 16 % du marché équivalent à des ventes de livres d’occasion, c’est tout de même dommage : cela veut dire que le financement de la création, qui vient par la rémunération des créateurs, n’est pas assuré sur 16 % des ventes, puisque, dans ce cas-là, les droits d’auteurs passent à l’as. Et qu’il n’y a pas de rémunération des auteurs. »
Difficile de ne pas considérer que le SNE envisagerait volontiers une rémunération des éditeurs, par la même occasion.
16 % cela représente, estime Pierre Dutilleul, un montant énorme, qui choquerait n’importe quel professionnel ou industriel, s’il venait à être privé d’un pareil chiffre d’affaires. Des négociations avec les organisations d’auteur sont en cours, et peut-être que, avec les futures personnalités politiques qui seront en responsabilité dans les prochaines semaines, se trouveront même des solutions.
Des politiques qui ne manquent pas d’user du livre, et de la crédibilité qu’il apporte, pour affirmer leur candidature. Et alors que ces ouvrages politiques se vendent « à plusieurs dizaines ou centaines d’exemplaires, suivant le nombre des amis ou le degré d’obéissance des fédérations ». Mais dans tous les cas, cela fait grimacer les éditeurs.
D’ailleurs, le SNE a envoyé aux candidats 10 questions et « tous les hommes ont répondu » – Nathalie Arthaud n'a pas répondu non plus. Les réponses, étudiées par le SNE, « ont été réalisées de manière extrêmement sérieuse, documentée ». Les trois points essentiels pour le secteur ont d’ailleurs été respectés :
• le prix unique du livre, « et ça, nous avons la chance de l’avoir », même si la commission européenne s’acharne à vouloir le supprimer
• la TVA sur le livre numérique : un livre est un livre, assène le directeur général, et la chose est possible : seuls trois États résistent encore, à savoir la République de Slovaquie, l’Autriche et le Danemark
• la présence du livre, donc des librairies, dans les villes : en dépit de marges faibles, et du fait de coûts de fonctionnement lourds (comme le loyer), il faut préserver les librairies dans les centres-ville.
De même pour l’ouverture des bibliothèques, ou, encore, la proposition de Benoît Hamon, de rendre l’inscription, dès le CP, obligatoire aux bibliothèques. « Ce qui nous anime, en fin de compte, c’est l’accès à la lecture. »
Citant l’étude du CNL, Pierre Dutilleul rappelle que plus de 8 Français sur 10 ont lu un livre au cours des 12 derniers mois. Une étude qui n’a pas manqué de faire réagir – la méthodologie impliquant même des dictionnaires. Reste que le nombre d’ouvrages achetés serait supérieur à 15 annuellement.
« Le livre a non seulement un avenir, mais un bel avenir. » Et avec 94 % du marché réalisé avec le livre papier, c’est toujours le cas.
La réforme du droit d’auteur, portée par la Commission européenne, a récemment fait l’objet d’une intervention de la part du Parlement européen. Le SNE avait communiqué, ce 29 mars, auprès de ses adhérents, sur les positions du PE, « défavorables au secteur de l’édition ». L’occasion était donnée d’apporter des précisions.
Le SNE, en relation avec les différentes instances européennes, tente de minimiser l’impact que les mesures prises par le président de la Commission, Jean-Claude Jucnker, pourraient avoir. « Qui aurait pu croire que la réforme du droit d’auteur puisse être l’une des 15 mesures portées par la Commission ? Certainement pas nous. » D’autant que c’est le commissaire européen au numérique qui a été chargé de cette question, souligne Pierre Dutilleul.
« Nous avons dû apprendre à toute cette administration ce qu’est un livre, ce qu’est le droit d’auteur, ce qui semble évident, ne l’était pas pour tous. » Or, après la publication en septembre d’une première série de propositions, « on retombe dans une mise en danger des acteurs du livre, par des projets d’amendements qui fleurissent ».
Ainsi, une exception portant sur les bibliothèques a reçu 1200 amendements déposés. « Nos amis parlementaires européens ont du travail, et il est inimaginable que leur tâche soit fictive. Et que leurs attachés le soient aussi. »
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