La période s’est adoucie, le soleil darde de ses rais printaniers le pavé parisien, les terrasses se peuplent de joyeuses tablées festives... C’est le retour des z’hirondelles. J’aime bien cette période. Sauf que le temps vire au politique, et là, ça se gâte.
Le 06/04/2017 à 15:46 par Nicolas Gary
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Publié le :
06/04/2017 à 15:46
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Vénérable institution, le Bulletin des bibliothèques de France constitue la sacro-sainte bible des bibiothécaires. Cette revue, consacrée aux établissements et aux services de documentation, sise dans les locaux de l’Enssib, École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, fait rarement l’objet d’attention. À tort.
La rédactrice en chef de ladite revue, Anne-Sophie Chazaud, utilise comme chacun une page Facebook où elle s’est répandue en analyses et observations politiques très personnelles. Très, très personnelles. Oh, bien entendu, elle souligne :
Précision : Les propos que j’exprime sur ce compte FB sont, comme indiqué dans mon nom, l’expression libre de mes opinions, et ne sauraient en aucune manière engager le BBF ou l’ENSSIB dont, vous l’aurez remarqué, je ne parle jamais ici. Pour plus de clarté, je veillerai attentivement à ce que mes statuts en commentaires d’actualité soient désormais publiés en mode privé.
Merci.
D’ailleurs depuis ce matin, elle a même supprimé les références au BBF et à l’Enssib. « Sa page est un roman contre Hamon, Valls, Hollande, Macron, même Fillon, Poutou, etc. », observe un spécialiste des réseaux sociaux. Plutôt que de chercher Charlie, trouvez les personnalités manquantes...
C’est que l’on y trouve des interventions de cet acabit : « Ça y’est, c’est parti, zimbouboum crincrin les zartistes castors en barrage contre le FN, la routine, no pasaran blablabla OK, ça mange pas de pain... Mais BIEN SÛR, personne pour songer à faire barrage à Vianney. Là, tout le monde se défile...! »
Certains s’en amusent, riant jaune tout de même :
Grosse notion de service public au bulletin des bibliothèques de France. @BBFenssibpic.twitter.com/WkTNe6TOnX
— musgrave (@_musgrave_) 5 avril 2017
Archimag n’y va pas avec le dos de la cuillère, et la soupe sera un peu chaude à avaler pour la direction de la revue. Nos confrères ont eu la bonne idée de recenser tout ce qui pouvait encore être trouvé sur la toile, détaillant méticuleusement les errances publiques...
Alors devoir de réserve, ou réserve du devoir ? Sincèrement, le Bartleby que je suis n’en a cure : simplement pour l’édification personnelle des publics concernés, ce type de message... tsss, tsss...
Sur Facebook, le Bulletin des Bibliothèques de France a réagi à cet article par un message, que nous reproduisons dans son intégralité : « Les réseaux professionnels réagissent depuis hier à une publication sur FB d’un agent de l’Enssib. Le directeur de l’école partage l’émotion suscitée par ce post. Il tient à préciser qu’il s’agit d’une initiative privée qui n’engage ni le BBF ni l’Enssib et publiera bientôt un communiqué officiel. »
mise à jour 17h15 :
Comme promis, l'Enssib a diffusé un communiqué pour détailler la situation et effectuer quelques rappels bienvenus :
Le Directeur de l’Enssib tient à rendre publique la note interne qu’il diffuse ce jour aux enseignants, personnels et élèves de l’école, au sujet du devoir de réserve des agents publics.
Note à l’attention des personnels et élèves de l’Enssib
Objet : obligation de réserve
Villeurbanne, le 5 avril 2017
Un agent de l’Enssib ayant tenu sur son compte personnel Facebook des propos qui ont fortement choqué la communauté professionnelle, je tiens, en ma qualité de directeur de l’établissement, après avoir précisé que cette initiative privée n’engageait ni le BBF ni l’Enssib, à faire la mise au point suivante et à la rendre publique.
1 – Un(e) fonctionnaire est, comme tout autre citoyen(ne), libre de ses opinions et de ses croyances, comme il (elle) est libre de les exprimer. Deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, devenue partie intégrante du bloc constitutionnel de notre pays, ont affirmé ces droits de la manière la plus claire :
- Art. 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
- Art. 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. ». La qualité de fonctionnaire ne fait pas obstacle à cette liberté d’opinion et d’expression, que chacun doit absolument respecter.
2 – Tout agent public est cependant tenu à des obligations d’ordre déontologique : devoir de réserve, discrétion et secret professionnel, qui sont inscrites dans la loi.
S’agissant du devoir de réserve, voici ce qu’écrit le site officiel Service public.fr :
« Tout agent public doit faire preuve de réserve et de mesure dans l'expression écrite et orale de ses opinions personnelles.
Cette obligation ne concerne pas le contenu des opinions (la liberté d'opinion est reconnue aux agents publics), mais leur mode d'expression.
L'obligation de réserve s'applique pendant et hors du temps de service.
Le manquement au devoir de réserve est apprécié par l'autorité au cas par cas.
Ce devoir s'applique plus ou moins rigoureusement selon : la place dans la hiérarchie, l'expression des hauts fonctionnaires étant jugée plus sévèrement, les circonstances dans lesquelles un agent s'est exprimé (un responsable syndical agissant dans le cadre de son mandat bénéficie de plus de liberté), la publicité donnée aux propos, si l'agent s'exprime dans un journal local ou dans un important média national, et les formes de l'expression, si l'agent a utilisé ou non des termes injurieux ou outranciers. »
3 – Les réseaux sociaux, par leur caractère hybride, à la fois public et privé, obligent à une vigilance toute particulière sur ce plan. En effet, leur fonctionnement tend souvent à brouiller les frontières. Un(e) fonctionnaire écrivant sur un compte Facebook personnel et privé, mais sous son vrai nom et en indiquant sa qualité d’agent public sur son profil, court le risque de voir ses interventions sur le réseau prises non à titre personnel mais, peu ou prou, comme l’expression de sa position publique professionnelle.
Il importe donc de veiller non seulement à faire preuve de modération dans l’expression, comme l’impose le devoir de réserve, mais aussi à éviter toute espèce de confusion entre privé et public, dans la mesure où « l’obligation de réserve s’applique pendant et hors du temps de service ».
J’invite donc avec la plus grande fermeté toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs de l’école à veiller, en toutes circonstances et quels que soient les sujets et les situations, à n’exprimer publiquement aucune opinion de nature politique ou religieuse qui puisse être interprétée comme un point de vue engageant peu ou prou l’établissement, son personnel, ses élèves et étudiants, ou la communauté professionnelle de ses utilisateurs.
Cette prudence doit, je tiens à le souligner, être d’autant plus partagée par tous qu’elle est précisément une des vertus cardinales que l’on peut attendre des professionnels de l’information et de la documentation formés par l’école. Pour dire les choses plus simplement encore, nous nous devons toutes et tous, sur de telles questions, d’être irréprochables.
Cela exige un effort constant. Je suis certain que chacun(e) de nous, agent public et citoyen à la fois, peut y consentir.
Yves Alix, directeur de l’Enssib.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
1 Commentaire
AlanBo
11/12/2019 à 17:42
Quand vous dites "Très, très personnelles", c'est que vous êtes pas d'accord. :zip: