Les éditions Carlotta sortent enfin en DVD les 50 entretiens vidéo inédits que Barbet Schroeder a réalisé avec l'écrivain américain Charles Bukowski. De passage à Los Angeles pour le film Barfly, dont le scénario est signé par Buk, Schroeder prend le temps de filmer des entretiens avec le poète de la Cité des Anges. Petite sélection des meilleures saillies de Bukowski lors de ces entretiens.
Grâce à Carlotta, les quelque 210 minutes d'entretiens avec Charles Bukowski filmés par le réalisateur Barbet Schroeder, sont désormais disponibles. « Quand j’ai commencé à monter tout seul, la nuit, sur du matériel de base que j’avais emprunté, j’ai commencé par choisir mes passages préférés. J’ai rapidement pris conscience que ce n’était qu’une suite de monologues. Ce fut un moment d’exaltation solitaire inoubliable. J’avais même dans l’idée que j’avais découvert une nouvelle forme : l’équivalent filmique d’une collection d’aphorismes. Le DVD n’existait pas à l’époque, mais c’est ce qui manquait à ce projet : que le spectateur bénéficie de la même liberté qu’un lecteur, naviguant aisément d’un chapitre à l’autre, même de façon aléatoire », explique le réalisateur.
En tout, ce sont 50 entretiens qui sont désormais visibles : 25 entretiens de 4 minutes ont été diffusés sur France 3 du lundi 7 janvier au vendredi 8 février 1985 avant l'émission « Prélude à la nuit ». Les 25 autres entretiens sont totalement inédits...
Pour vous mettre l'eau à la bouche, voici, en plus d'un extrait à la fin de cet article, 10 citations géniales tirées de ces monologues « d'un vieux dégueulasse »...
Bukowski par Graziano Origa, 2008 (Origafoundation, CC BY-SA 3.0)
1. « Tu peux avoir la vocation et n'arriver à rien, la vocation sans le talent est inutile. La vocation ne suffit pas. »
2. « Le vice, les macs noirs, la prostitution sont pour moi les fleurs de la terre. Nettoyer une ville, c'est la tuer. »
3. « Depuis que mon père n'est plus là, d'autres l'ont remplacé. Parfois des femmes. Ainsi le père ne vous quitte jamais, même mort. Le père est toujours là. »
4. « L'alcool permet de libérer les rêves sans l'apathie des drogues. »
Illustration de Robert Crumb pour There's No Business, Black Sparrow Press, 1990
(Jennifer Rogers, CC BY-NC 2.0)
5. « Un jour, on dira : “Bukowski savait” ; 3 ou 4 jours au lit, et vous retrouvez la pêche. Mais qui peut se le permettre sans argent ? »
6. « J'aime pas les gens. J'aime que moi. Quelque chose cloche chez moi. Je sais pas ce que c'est. Mais pas question de le soigner. »
7. « Généralement, on est libre jusqu'à 4 ans. Ensuite avec l'école primaire, on commence à vous modeler, vous déformer, vous mettre sur des rails. On perd son individualisme. »
Tombe de Charles Bukowski à Harbor City, Los Angeles, Californie
(Thomas Hawk, CC BY-NC 2.0)
8. « Le style est la réponse à tout, l'approche nouvelle d'une chose banale ou dangereuse. Il vaut mieux accomplir une banalité avec style qu'une chose dangereuse sans style. »
9. « Dès que je m'assois devant ma machine à écrire, je descends une demi-bouteille de vin et les mots jaillissent. Comme du popcorn. Je n'agis pas, ça arrive. Voilà le cadeau. »
10. « Quand quelqu'un entre chez moi, je me demande tout de suite comment le faire partir. »
Par Antoine Oury
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1 Commentaire
Alextraterrestre
13/12/2023 à 15:13
J'ai découvert Hank en pillant la bibliothèque de mes parents. Je devais avoir 16 ou 19 ans et je me cachais pour boire parce que tout le monde semblait s'accorder pour dire que c'était mal, malsain. Plus encore de boire seul. Je m'en cognais sévère parce que quand j'avais bu, je me sentais enfin moi-même. J'écrivais des histoires et des poèmes sans jamais avoir songé à devenir écrivain. Juste parce que je sentais qu'il me fallait expulser un tas de trucs sous peine qu'ils me pourissent de l'intérieur. Il me fallait écrire pour dire ce que personne ne souhaite entendre même si j'étais mon seul lecteur.
Alors quand j'ai découvert Buk, le livre était "Women", ce fut comme si l'univers s'ouvrait rien que pour moi et me tendait la main. Comme un père indifférent qui dirait; "tu ne seras plus jamais seul. Le poids qui te comprime la poitrine, je vais en porter une partie pour que ce soit un peu plus simple pour toi."... Ce fut une révélation.
Sauf que quand j'en parlais aux gens ils me regardaient comme si j'avais pété pendant la messe ou sorti une obscénité quelconque.
"Ce mec est un obsédé machiste et violent! Un clochard qui ne pense qu'à boire! Lui un écrivain? Un gosse de douze ans écrit mieux que ce porc sexiste etc..."
Ce qui me rendait l'auteur d'autant plus sympathique car mettre en rogne les imbéciles est un exercice que j'adore pratiquer.
Je les écoutais déblatérer en me demandant lequel de ces critiques avait lu ses recueils de poésies avant de me rendre compte qu'ils avaient réagit également avec à peu près tout les poètes. Depuis Villon en passant par Verlaine, Baudelaire et combien d'autres encore ? Être haï par les critiques de son vivant semble être un gage de qualité.
Qu'ils aillent se faire foutre.