Qu’il soit question de situations loufoques ou plus dramatiques, la littérature jeunesse québécoise illustre des pans souvent tenus au silence de l’expérience humaine. Loin des clichés d’antan, les éditeurs rivalisent désormais d’audace pour mettre en scène des récits qui aident l’enfant à se forger une identité et à se présenter au monde avec des outils capables de lui permettre d’affronter des situations souvent pénibles.
Le 13/05/2017 à 09:15 par La rédaction
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13/05/2017 à 09:15
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Une des fonctions essentielles de l’art étant justement d’enrichir la vie en lui offrant des représentations qui permettent d’y voir plus clair, les auteurs et éditeurs n’hésitent pas à aborder des thèmes lourds pour armer les petits qui deviendront, plus tard, les acteurs de leurs propres romans. On rigole aussi énormément avec certains albums ludiques, délirants et absurdes au possible !
Conçue pour les enfants de trois ans et plus, la collection « Clin d’œil », des Éditions de l’Isatis, propose d’attirer l’attention des petits curieux sur des éléments du quotidien. Dessus dessous, de Rhéa Dufresne et Josée Masse, le vingt-cinquième titre de la collection, est un bon exemple de ce projet éditorial. À l’aide d’illustrations ludiques et charmantes, l’enfant entend une cour te phrase, souvent sertie d’une rime, susceptible de stimuler son attention.
Dans ce cas, il est question de rapports d’opposition tels « dessus » et « dessous », « haut » et « bas » et « autour » et « entre ». Le recours à la forme poétique dans le texte apporte une musicalité qui saura captiver l’intérêt de l’enfant et lui donner envie de voir la poésie qui se cache, souvent, dans la banalité du quotidien. (Éditions de l’Isatis, coll. « Clin d’œil », 22 p.)
Illustratrice de réputation internationale, Marianne Dubuc est à l’origine de nombre de livres pour la jeunesse devenus célèbres, en plus d’avoir été couverte de prix, tant ici qu’à l’étranger. Parmi ces prix, on remarque L’autobus, chez Comme des géants, qui a remporté le Prix jeunesse des libraires 2014. Sorte de méditation sur le mythe du Petit Chaperon rouge, le livre raconte le trajet en autobus de la petite Clara, en direction de chez sa grand-mère. En route, une foule de personnages feront leur apparition, au rythme des arrêts d’autobus, et viendront tisser l’intrigue.
Ce qui peut apparaître comme un simple trajet d’autobus se révèle être, pour peu que l’on porte attention aux détails qui foisonnent dans le dessin, un kaléidoscope de mini-récits, d’apparitions éclairs et d’indices subtils susceptibles d’émerveiller les petits de trois ans et plus. Le format panoramique du livre favorise une lecture publique de l’œuvre qui offre alors de véritables petits tableaux pour les yeux des jeunes amateurs d’art. (Comme des géants, 40 p.)
Qu’advient-il lorsqu’une toute petite souris, Maurice, a envie de jouer avec un ami démesurément plus gros que lui, l’ours Léopold ? Comme dans toute bonne relation d’amitié qui se respecte, les deux apprennent d’abord à se connaître. Les petits découvriront alors, par le contraste illustré dans le dessin, le sens de certains mots ; alors que Léopold prend une « grande respiration », Maurice fait de même ; cependant, le dessin montre bien toute la différence de taille entre les deux protagonistes.
Magnifiquement illustré, Maurice et Léopold, de Vanya Nastanlieva, est d’un format qui a tout pour impressionner les petits, dès un an, et est imprimé sur du gros carton afin de se laisser mâchouiller allègrement par les petits curieux. Les 400 coups offrent là un ravissant récit d’amitié qui saura, à coup sûr, éveiller les sens des enfants en très bas âge. (Les 400 coups, 32 p.)
Illustratrice bien connue, véritable star, même, de la littérature jeunesse, Élise Gravel plaît tant aux petits qu’aux grands avec ses dessins ludiques et le charme de son humour absurde. Si elle s’adresse principalement aux petits de trois ans avec Une patate à vélo, elle saura tout aussi bien charmer les parents avec ses situations loufoques et improbables.
Dans ce beau petit livre, tout cartonné, les tout-petits pourront mordre à pleines dents en se régalant de situations aussi inusitées que de voir un brocoli qui sait compter, une mouche qui parle au téléphone ou des poubelles qui jouent du tambour. L’auteure mise sur la répétition de l’expression « Ben non, ça se peut pas ! » combinée en page de gauche, à une association absurde, tel un biscuit qui danse. Le tout évolue de la sorte, jusqu’à la conclusion, plus plausible celle-là, où un bébé se fait chatouiller, invitant, par le fait même, les parents à faire des guili-guilis à leurs petits. (La courte échelle, 30 p.)
Le duo qui nous avait donné Le monde fabuleux de M. Fred y va cette fois, non pas d’une suite, mais une sorte de complément au premier titre. On y raconte l’histoire d’un vieux chêne qui s’était profondément lié d’amitié avec la petite Adeline, qui venait le visiter tous les jours. Malheureusement, Adeline et sa famille périssent dans un accident d’auto et l’arbre, incapable de faire son deuil, se laissera dépérir. Il sera en proie à un tel chagrin qu’il en développera une large fissure à l’écorce.
Par la suite, le petit Tom emménagera dans le voisinage et redonnera espoir au vieux chêne. Il construira une cabane dans ses branches, en prenant bien soin de ne pas l’abîmer, ce qui réanimera la sève au cœur de l’arbre, fera exploser son feuillage et cicatrisera la fissure qui divisait son tronc. Magnifiquement illustrés par Gabrielle Grimard, les mots de Lili Chartrand enseignent sur le deuil, l’espoir, le respect de la nature et l’amour, pour peu qu’on ait trois ans. (Dominique et compagnie, 32 p.)
Fidèle à son habitude, La montagne secrète nous offre un livre-disque richement illustré, d’une qualité de production impeccable et d’une richesse d’illustration inégalée : Gaya et le petit désert. Bénéficiant ici du talent du légendaire Gilles Vigneault, l’illustrateur Stéphane Jorisch met des images sur les chansons d’artistes aussi prestigieux que Damien Robitaille, Louis-Jean Cormier et Ingrid St-Pierre pour ne nommer que ceux-là. On y suit le récit de la petite Gaya qui réalise que le puits situé à côté de la maison familiale est à sec.
Elle ira interroger les habitants de la forêt tout à côté a n de comprendre les causes de la catastrophe et elle apprendra que, parfois, dans la vie, tout n’est pas perdu, pour peu que l’on prenne la vie à bras le corps et que l’on fasse preuve de résilience. Les enfants de cinq à neuf ans ne pourront qu’être sous le charme de ce conte écologique, à la fois tendre et humain. (La montagne secrète, 52 p.)
Un facteur spatial va de planète en planète, franchissant épreuves et obstacles afin de livrer son précieux courrier à des personnages tout droit sortis de l’imaginaire des contes. Habitué à un rythme de travail routinier, Bob accepte toutefois un nouveau mandat de son patron. Cela le mènera à livrer ses lettres et ses colis dans des régions qui lui sont encore inconnues. Il y affrontera un parapluie, des théières, une grand-mère, un géant, et même une sorte de version fascinante du Petit Prince de Saint-Exupéry qui fait une fixation sur un dessin de mouton.
Le facteur de l’espacede Guillaume Perreault, qui nous avait déjà donné Cumulus chez Mécanique générale, se lit dès six ans, mais saura tout aussi plaire aux adultes par son ton décalé, son intrigue bien rythmée, ses personnages amusants et ses dessins charmants. (La Pastèque, coll. « Jeunesse », 146 p.)
Romancier, poète et dramaturge largement couvert de prix, Larry Tremblay se lance pour une première expérience dans le champ de la littérature jeunesse. En collaboration avec l’illustrateur Guillaume Perreault, il propose. Même pas vrai, aux éditions de la Bagnole. À mi-chemin entre l’album illustré et la bande dessinée, le livre relate les aventures du petit Marco, sept ans, qui transforme tout ce qu’il fait dans une journée en reportages. Armé de son micro invisible, il interroge tous les gens de son entourage.
C’est un livre d’une grande sensibilité qui met en scène la naïveté de l’enfance et la complexité que représentent souvent, pour les adultes, les interrogations des petits. À la fois absurde et charmant, il saura plaire aux enfants dès sept ans, mais il y a fort à parier que les adultes aussi y prendront beaucoup de plaisir. (Les Éditions de la Bagnole, 192 p.)
Aborder des concepts psychologiques avec les enfants n’est pas toujours chose facile. Dans la mesure où ils apprennent la plupart du temps par l’expérience, l’auteure Anna Llenas propose Le vide, un récit, richement illustré, où la question de la résilience et le fait de surmonter l’adversité sont mis en scène a n d’outiller les petits et de les aider à donner un sens à leur vie. Les enfants sont appelés à suivre les aventures de la petite Julia et du grand vide qu’elle a au cœur d’elle-même.
Ce vide, littéralement illustré par un trou situé dans son abdomen, elle tentera de le remplir par tous les artifices possibles. Puis, elle réalisera que celui-ci peut devenir un sentier vers l’intérieur de soi, pour peu qu’elle y soit à l’écoute. Il deviendra alors une source infinie d’imagination, de mondes fabuleux et d’ouverture aux autres, sans toutefois, heureusement, se refermer complètement. (Les 400 coups, 96 p.)
S’il est une tragédie dont on ne conçoit pas, spontanément, qu’elle puisse servir de matériel à la bande dessinée destinée aux jeunes dès dix ans, c’est bien le viol. C’est pourtant ce sujet grave parmi les graves que Mélodie Vachon Boucher a entrepris de mettre en scène dans Les trois carrés de chocolat, chez Mécanique générale. Avec un style qui peut faire penser à un livre d’art, l’auteure aborde le douloureux processus de reconstruction suivant les trois viols successifs subis par la narratrice.
Bien que le sujet puisse paraître lourd, rien n’est déprimant dans ce récit empreint de naïveté et d’espoir. À la fois touchant et profondément humain, ce récit se révélera rapidement être une lecture bénéfique pour tous ceux qui entreront bientôt dans la puberté et seront, inévitablement, confrontés à ce genre de drame. Il y a là une formidable démonstration de ce que l’art peut offrir de richesse lorsqu’il suscite la catharsis chez le lecteur. (Mécanique générale, 88 p.)
On le sait, 2017 marque le 375e anniversaire de la fondation de Montréal. Pour l’occasion, les Éditons Bayard Canada proposent un livre illustré de type « cherche et trouve ». Écrit par Maxime P. Bélanger et illustré par Marie Bilodeau, Montréal au fil du temps raconte l’histoire de la ville. On y voit les personnages importants, l’évolution de son architecture ainsi que les grands moments qui ont façonné le récit de la ville aux mille clochers.
Dès sept ans, les enfants sont invités à aiguiser leur sens de l’observation a n de repérer les éléments qui leur serviront de mortier dans l’édification de leur représentation de la ville. Voici une occasion unique de voyager de manière éducative et ludique dans l’histoire de Montréal, de 1742 à 2017. (Bayard Canada jeunesse, 24 p.)
Michel Tremblay a dit de lui qu’il était le plus grand auteur de sa génération. Si les adultes se régalent de ses romans, poèmes et pièces de théâtre, les jeunes ne sont pas en reste, car Simon Boulerice écrit également pour eux. Les éditions Fonfon publient la très sympathique collection « Histoires de lire », destinée aux enfants de six ans. Illustrées par Guillaume Perreault, les 116 phrases humoristiques, comptant de 7 à 14 mots, toujours situées au même endroit sur la page, racontent toutes une très courte histoire qui se termine inévitablement par une chute surprenante.
À la fois ludiques et pédagogiques, les titres de la collection ont tout pour donner envie aux premiers lecteurs de poursuivre l’aventure vers d’autres livres. Aux petits de découvrir de quoi Simon est capable, dans le dernier opus de la collection. (Fonfon, 16 p.)
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