C’est l’histoire de la perte de l’humanité, quand l’animal devient le reflet de la cruauté des hommes. Déjà Prix de la révélation française 2016, le roman de Jean-Baptiste Del Amo, Règne Animal devient aujourd’hui le 43e lauréat du prix du livre Inter.
Le 05/06/2017 à 07:55 par Victor De Sepausy
Publié le :
05/06/2017 à 07:55
© capture d'écran France Inter
Son roman, élu au second tour des débats, n’aura finalement nécessité que peu de temps – à peine 4 heures précise la journaliste Eva Bettan. « J’ai eu la joie de les rencontrer hier soir, de discuter avec eux et de réaliser combien combien ce sont des lecteurs passionnés », assure le lauréat au micro de France Inter, en parlant des jurés. « Que ce soit un prix porté par des lecteurs, c’est aussi un signe important et très agréable pour un écrivain. »
Jean-Baptiste Del Amo:"A l'origine du livre, la visite d'une porcherie industrielle à l'aube. Un instant de prise de conscience" #LivreInter
— France Inter (@franceinter) 5 juin 2017
« J’aspire à écrire des livres qui soient des expériences véritablement physiques et émotionnelles », poursuit l’auteur. Dans ce livre, c’est la transmission de la violence, de génération en génération, qui est montrée, dans le cadre d’une ferme. Cette dernière perd progressivement toute relation de l’homme à l’animal pour devenir un espace d’exploitation industriel.
Un thème central, « d’où vient cet héritage tacite qui va peser sur les épaules de ces hommes et ces femmes », mais également faire état de la perte de liberté pour les humains, à mesure que l’animal est sujet de violence. Un lien perdu avec la nature, mais à mesure que la ferme grossit, c’est une disparition progressive de cette connexion que l’on découvre.
C’est à l’occasion d’une visite d’une porcherie industrielle, avec Tristan Garcia – prix du livre Inter 2016 en passant. Il s’agissait d’une recherche dans le cadre d’un projet de scénario pour le cinéma. Mais le romancier y découvre une matière spécifique qui pourrait faire l’objet d’un livre en soi. « Je n’y ai rien vu de spectaculaire. J’ai vu un bâtiment gris dans une campagne silencieuse. On a ouvert de grandes portes et, là, il y a un concert de hurlements absolument sidérants : on était complètement assaillis d’un point de vue sensitif par les cris, les odeurs, les corps de ces animaux qui se jetaient les uns contre les autres sur les barrières. »
Membre de l’association L214, engagée dans la défense du droit des animaux, Jean-Baptiste Del Amo estime qu’il existe « un mouvement de fond, qui prendra bien évidemment des années, mais qui est lancé, et qui va nécessairement engager un changement dans la société ».
Il ne s’agissait pas d’idéaliser un élevage d’antan, plus respectueux – dans tous les cas, on aboutit à la mort de l’animal. Mais l’industrialisation a fini par décupler la violence faite aux animaux, objet même du livre. « Je voulais montrer comment ces hommes, au fil des ans, au fil du siècle, ont été finalement eux-mêmes gangrénés par cette violence-là. »
Quant au cochon, l’auteur en possède deux, qui vivent dans sa maison en banlieue, où ils passent des jours tranquilles dans le jardin. « J’ai toujours eu une affection particulière pour cet animal, sans doute parce qu’on a une forme de mépris pour lui alors qu’en réalité c’est un animal très intelligent, très sensible... très proche de l’homme. » Et de leur trouver un comportement proche de celui du chien, en terme d'affection et de fidélité.
Règne animal retrace, du début à la fin du vingtième siècle, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l’omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d’une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d’une violence ancestrale.
Seuls territoires d’enchantement, l’enfance — celle d’Eléonore, la matriarche, celle de Jérôme, le dernier de la lignée — et l’incorruptible liberté des bêtes parviendront-elles à former un rempart contre la folie des hommes ?
Règne animal est un grand roman sur la dérive d’une humanité acharnée à dominer la nature, et qui dans ce combat sans pitié révèle toute sa sauvagerie — et toute sa misère.
Le prix s'est déroulé cette année sous la présidence d'Elisabeth Badinter.
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