Rebondissement totalement inattendu dans la procédure de reprise des librairies Sauramps. L’ex-PDG, Jean-Marie Sevestre, avait décidé d’interjeter l'appel du choix formulé par le tribunal de Commerce. Ce dernier avait opté pour le Furet du Nord comme repreneur. Et ce matin, on apprend que l’appel devient suspensif.
Le 07/07/2017 à 10:10 par Nicolas Gary
Publié le :
07/07/2017 à 10:10
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
« Là, c’est bordélique », s’exclame une salariée. En entamant un recours contre la décision du tribunal, pour empêcher son exécution, l’ancien PDG des librairies Sauramps, Jean-Marie Sevestre avait déjà plongé tout le monde dans une grande perplexité.
Ce matin, la cour d’appel devait définir si la procédure d’appel avait un effet suspensif – chose qui semblait totalement improbable. Au sortir de l’audience du 5 juillet, un témoin nous rapportait « d’une part son comptable [de l’ex-PDG] est en vacances, d’autre part, son avocat n’a pas été en mesure de produire, en aucune manière, un compte prévisionnel pour expliquer comment il compte assumer la suspension ».
Autrement dit, aucune perspective financière pour assurer les dépenses immédiates — que la société doit donc prendre en charge. « La décision devient suspensive, ce qui signifie que l’on va également devoir rouvrir la librairie Odyssée – alors que les salariés ont pris acte de la fermeture. »
Le jugement sur le fond – la procédure d’appel elle-même – sera rendu le 13 juillet. « Comment va-t-on expliquer aux équipes qu’il faut reprendre le travail dans ces conditions ? »
« Des gens qui étaient sauvés par le Furet vont alors devoir partir », indique une source proche du dossier. Quant à Pierre Coursières, PDG du Furet il n’en revient pas : « Cette situation est incompréhensible : les avocats sont en train de décortiquer la décision pour tâcher de saisir ce qui s’est passé. En l’état, la justice a totalement fait fi des enjeux humains. »
Et de poursuivre : « Autant l’appel pouvait faire débat, autant la suspension semblait improbable. »
mise à jour 1 - 10h20
Joint par ActuaLitté, Jean-Marie Sevestre reconnaît : « Je ne m’y attendais absolument pas hier soir. J’ai appris la nouvelle à la première heure ce matin, et je suis extrêmement content. D’autant que le jugement va être rendu prochainement. Désormais, nous devons faire très vite, et je me rends à la librairie ce matin pour prendre les décisions nécessaires. »
Un rendez-vous est en effet fixé avec l’administrateur et le comité de direction, notamment pour définir ce qui doit se passer avec Odyssée. « Je n’avais pas imaginé que la suspension puisse intervenir, pas plus que notre administrateur. Cela m’étonnerait que l’on rouvre Odyssée pour si peu de temps – et les salariés sont désemparés. »
Question : comment cette suspension sera-t-elle financée ? « Nous allons examiner cela avec l’administrateur, et chercher la trésorerie nécessaire. En l’état, le Furet a vendu cette semaine des livres qui nous appartenaient, alors que tout cela n’était pas réglé. »
Selon nos informations, l’établissement d’Odyssée n’est absolument pas en état de rouvrir. « Plus rien ne fonctionne, nous n’avons plus d’équipe de sécurité », explique-t-on. « Si nous devions les rappeler, la moitié des salariés n’hésiteraient pas à se mettre en arrêt maladie pour ne pas avoir à revenir. »
On redoute également « des réactions épidermiques sur Triangle », l’établissement situé place de la Comédie.
Mais le choix de la cour d’appel est « tout bonnement incompréhensible, d’autant qu’au cours de l’audience, le liquidateur et l’administrateur avaient garanti qu’il n’y avait plus d’argent. Pour juger au fond, il n’était absolument pas nécessaire de passer par une suspension », déplore un proche du dossier.
Dans son projet de reprise, le Furet du Nord devait reprendre 62 des 119 salariés, contre 94 pour l'offre de la société Amétis, qui avait été écartée, considérée comme trop novice par le Tribunal de commerce.
mise à jour 2 - 11h57
Réagissant à notre article, Philippe Castelneau, délégué du personnel et responsable du secteur livre à Odyssée, tient à apporter des précisions. « Je suis en contact avec toutes les équipes de vente par mail et téléphone depuis l’annonce de la liquidation, et tout le monde attendait cette décision : nous sommes prêts à repartir demain si c’est nécessaire. »
Et de souligner que le soutien qu’il a pu apporter ainsi que le délégué Sud, Julien Domergue, à l’offre de reprise d’Amétis, « n’est pas un blanc-seing accordé à Jean-Marie Sevestre ni à l’ancienne direction. Nous demeurons dans l’expectative concernant leur projet, et nous avons toujours été clairs sur ce point. Mais c’est l’offre la mieux-disante et qui socialement limite la casse. Les salariés d’Odyssée sont prêts à repartir ! »
En terme de management, il assure que l’équipe est non seulement très soudée, mais porte également une grande confiance à la directrice de l’établissement. « Les loyers et les charges d’Odyssée sont importants, et l’amortissement des prêts pèse lourd. Mais si l’on enlève ces éléments, le magasin gagne de l’argent. »
Et de conclure : « Dire que la moitié des salariés ne serait pas disposée à reprendre le travail est une vision biaisée ou orientée du dossier, et pas le reflet de la majorité des employés. »
mise à jour 3 - 12h25
Preuve, assurément, de ce que l’appel porté par le PDG aura au moins eu pour conséquence de semer la zizanie entre les salariés, une nouvelle intervention nous parvient. Un groupe de discussion réunissant une vingtaine de personnes d’Odyssée a été mis en place. « Il est faux et archi faux de dire que les employés d’Odyssée sont enchantés de reprendre. Certains à Odysseum sont bien entendu contents pour leur emploi, mais beaucoup d’autres sont objectifs sur la situation actuelle », nous précise-t-on.
Et de poursuivre : « La majorité d’entre nous veut que l’hémorragie cesse. Personnellement je n’attendais qu’une chose c’était le licenciement pour enfin passer à autre chose, mais il va falloir attendre encore en mettant tout le groupe en danger et, éventuellement, recommencer à travailler avec les mêmes personnes qui ont fait couler l’entreprise. La majorité est à peine atteinte à Odysseum sur ces questions. On n'imagine même pas au triangle et à Alès... »
La conclusion s’impose d’elle-même :
oh purée mais c'est interminable les pauvres libraires https://t.co/avjcUSvf5t
— zoobizarre (@zoobizarre) 7 juillet 2017
mise à jour 4 - 13h40
Une réunion décidée dans l’urgence a été organisée à Triangle. « Le travail que l’on fait ne sert à rien », entend-on. « Ras le bol de cette situation » ou encore « Pourquoi travailler... et pour qui ? » Et comment ouvrir ce samedi de vacances sans personnes aux caisses ? Jean-Marie Sevestre aura même eu le droit à une salve d’applaudissements ironique et glaçante. Preuve que les salariés sont excédés, et que la limite de ce qu’ils peuvent supporter est proche.
« En arriver là, c’est désolant ! » Et quand on interroge le PDG sur « vos motivations réelles ? Est-ce de sauver les librairies ? » Et surtout, « comment allez-vous faire » ? On l’interpelle encore : « Vous prétendez protéger les salariés, alors que depuis des années vous n’avez rien fait ! »
Alain Panaget, pris à partie et sommé de « faire son travail de chef », aura toutes les peines du monde à prendre position. Le personnel de Triangle va se réunir à 14 h, pour définir une possible reprise du travail. Au cours de la réunion, plusieurs d’entre eux ont explicitement dit au mandataire qu’ils étaient démotivés et ne voulaient plus travailler – comment ne pas le comprendre devant un pareil marasme ?
mise à jour 4 - 15h04
Les salariés de Triangle ont confirmé qu'ils n'ouvriraient pas la librairie cet après-midi. Une concertation est en cours pour définir qui serait disposé d'ouvrir demain pour le premier samedi des vacances.
[Cet article sera mis à jour régulièrement au cours de la journée]
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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