La cour d’appel du tribunal de Commerce de Montpellier a tranché. Désormais, plus question de tergiverser sur l’avenir des librairies Sauramps. Après que le Furet du Nord avait reçu l’aval en première instance du tribunal de commerce, le futur ex-PDG, Jean-Marie Sevestre, avait interjeté appel. La décision de ce 19 juillet était attendue par tous avec impatience. Verdict : l'offre d'Amétis, portée par François Fontès, a cette fois été préférée.
Le 19/07/2017 à 14:17 par Victor De Sepausy
Publié le :
19/07/2017 à 14:17
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Le 28 juin, le tribunal de commerce avait confié l’avenir des librairies au Furet du Nord, groupe dirigé par Pierre Coursières. Une offre qui conservait les établissements de Triangle et Alès, mais avec une différence de 37 postes non repris. En face, l’offre portée par l’architecte montpelliérain, François Fontès, et sa société Amétis, avait élargi le périmètre de reprise à la totalité des établissements, y compris la holding Mosaïque.
C'est cette dernière offre qui a finalement été retenue.
Il n’avait fallu que quelques jours pour que l’ex-PDG Jean-Marie Sevestre décide de faire appel de la décision du tribunal, alors qu’une grève était lancée devant la librairie du centre commercial Odysseum. Un appel devenu suspensif, et qui empêchait alors le Furet du Nord de poursuivre l’activité, tout en faisant revenir les salariés d’Odyssée sur leur lieu de travail.
Le 3 juillet, le tribunal décidait en effet de suspendre la reprise en attendant la décision de la cour d’appel, et dans l’intervalle, chacune des parties décidait de reviser son offre pour l’améliorer autant que faire se peut. Mais socialement, les salariés qui intégraient l’offre du Furet et ceux qui étaient laissés sur le carreau se retrouvaient divisés. Dans une lettre ouverte communiquée à ActuaLitté, ils assuraient :
Plus terrible encore, cette situation qui nous fragilise tous menace de nous diviser. Que ce soit à Alès ou sur les différents sites de Montpellier, nous sommes usés, exaspérés, et partageons le sentiment d’un immense gâchis.
Mais nous restons attachés à ces si belles librairies et nous, employés des magasins du centre-ville, espérons qu’elles pourront continuer leur route en préservant le plus grand nombre possible des femmes et des hommes qui les font vivre.
À nos yeux, aucune des solutions qui s’offrent à nous n’est réellement enthousiasmante, et nous soutenons pleinement ceux de nos collègues qui perdront leur emploi dans le cadre de l’une ou l’autre de ces offres de reprise.
La décision de la cour d'appel vient ainsi conforter les uns et perturber les autres.
mise à jour 1 : 15h37
« Toutes nos propositions ont été rejetées, y compris l’irrecevabilité de l’appel », commence Pierre Coursières, PDG du Furet. « C’est affligeant, parce que personne ne semble se rendre compte que la librairie comme la distribution sont en train de changer. Et quiconque pense encore pouvoir gérer une librairie à la papa, place toute entreprise en grand danger. »
C’est également un sentiment de gâchis, « parce que nous pouvions créer une belle synergie. Mais il est aussi important que tout cela s’achève, pour les équipes de Sauramps, et pour les nôtres ». Aucun pourvoi en cassation n’interviendra, Pierre Coursières reconnaissant que la forme juridique a été pleinement respectée. Alors, « bien entendu, c'est décevant, mais nous ne nous arrêterons pas à cela », poursuit-il.
« Il nous reste à tenter de décrypter ce que j’appellerai une victoire à la Pyrrhus. Et d’espérer pour les équipes en place qu’on leur trouve une vraie direction. En attendant, il va s’agir de perdre de l’argent, et combler des pertes. Peut-être que M. Fontes nous contactera dans quelque temps, en s’apercevant que reprendre Sauramps, ce n’est pas simplement injecter immédiatement de l’argent, sans prendre des mesures. »
mise à jour 2 : 16h05
Dans le délibéré, le juge souligne que la société Amétis s’est engagée à « maintenir le nombre d’emplois pendant une période minimale de 4 années courant à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir ». Un point crucial manifestement, puisque le juge retient également les observations écrites déposées par le comité d’entreprise.
Ces dernières « entendent faire observer que l’offre de reprise formulée par la société Amétis est celle qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé et celle qui présente les meilleures garanties d’exécution. » Au total, Amétis reprendra 94 emplois contre 57 pour Furet.
Concernant l’irrecevabilité de l’appel, le Furet soutenait « le défaut d’intérêt à agir du débiteur [Jean-Marie Sevestre, NdR] en l’absence de préjudice personnel, estimant que ces appels détournent l’interdiction de la voie d’appel au profit du repreneur évincé ».
Plus loin, la cour balaye l’argument avancé d’un « obstacle quasi insurmontable » à la pérennisation de l’exploitation du groupe, représenté par Odyssée. De même, n’est pas considéré comme un « handicap majeur » le manque de connaissance du métier de libraire de la société Amétis. Cette dernière projette par ailleurs un premier investissement de 540.000 € pour une modernisation, et rénovation de l’établissement Odyssée.
Car tout se résume bien à une histoire d’argent : Amétis a en effet présenté des disponibilités de plus de 60 millions €, pour moins de 2 millions € d'endettement, alors que Furet avançait des disponibilités de moins de 6 millions € avec 28 millions € d’endettement. « En clair, Odyssée deviendra une librairie populaire et culturelle et Triangle se repositionnera comme la librairie incontournable de la ville », ironise-t-on.
Reste à attendre, pour chacun, d’abord l’inventaire, puis le recrutement et la prise de fonction d’un directeur général. Le délégué du personnel de Sauramps Odyssée, Philippe Castelneau, expliquait à ActuaLitté : « Ils nous ont indiqué que le recrutement se ferait sous 15 jours, pour le DG. Ensuite... Ensuite, s’il s’avérait qu’Alain Panaget devait conserver sa place, alors ça ne passera pas. Ce serait notre confiance qu’Ametis trahirait et cela entraînerait certainement un mouvement social. »
À cette heure, Jean-Marie Sevestre n'a pas pu être joint.
mise à jour 3 : 17h20
Joint par téléphone, Philippe Castelneau assure que les salariés « feront preuve d’une particulière vigilance, maintenant que la société Amétis est retenue. Mais nous partons désormais en faisant confiance au repreneur ».
Une fois encore, pour cet employé d’Odyssée, il importait que la cour d’appel indique — comme déjà souligné durant l’audience — que la librairie « n’est pas un magasin voué à perdre de l’argent, contrairement à ce que disait le Furet. Nous ne sommes pas éternellement condamnés : ce qui plombait les comptes, ce sont les frais d’amortissements. Ils ont cours durant deux ans encore, et nous verrons à l’échéance du prêt, comment se déroulent les négociations ».
Ce 20 juillet se déroulera une réunion générale à Triangle, regroupant également les salariés d’Odyssée, avec Amétis et l’administrateur qui gère Sauramps. « François Fontes et son associé Bertrand Barascud feront le passage de relais, et nous attendons désormais la mise en route, parce que les chantiers ne manquent pas. On ignore si les salariés d’Alès seront présents. »
En tout premier lieu, la nouvelle société qui reprend les établissements Sauramps devra ouvrir des comptes auprès de l’ensemble des fournisseurs. « Une nouvelle structure implique de nouvelles relations, mais il faudra également réalimenter le fonds, qui s’est progressivement restreint. Et puis, il y a la rentrée littéraire, et le marché scolaire pour Triangle. La logistique est déjà là, et maintenant nous attendons les fonds pour ce faire. »
Amétis a promis un apport financier immédiat, permettant de couvrir le montant du marché scolaire. « Cela dit, nous ne sommes aucunement naïfs devant cette reprise. Nous travaillons au sein d’un groupe avec un passif très lourd. Le départ de certaines personnes est primordial si nous souhaitons repartir. »
mise à jour 4 : 21h34
Un message diffusé auprès des salariés résume efficacement la situation.
C'est un double soulagement pour les salariés. En premier lieu car cela sauve un bien plus grand nombre d'emplois (94 contre 57), mais surtout car c'est la fin d'un trop long épisode judiciaire.
Les équipes de Sauramps souhaitent maintenant se remettre au travail, passer à une autre direction que celle qui les a amené au bord du précipice et rencontrer ses nouveaux "patrons" pour qu'ils puissent répondre aux interrogations qui perdurent dans l'esprit de quelques uns.
Nous espérons également pouvoir rapidement entammer des négociations pour que soit conserver encore plus de personnes et éventuellement accompagner d'avantage les salariés licenciés.
Et d'ajouter : « Nous remercions les montpelliérains, les syndicats Sud Solidaires, Me Cadoret, le cabinet d'expertise Secafi et tous les amoureux de Sauramps qui nous ont soutenu tout au long de ces péripéties, c'est aussi grâce à eux que 37 personnes supplémentaires et une autre idée de la librairie (indépendante !) sont sauvées. »
Commenter cet article