La ministre de la Culture Françoise Nyssen passait aujourd'hui le grand oral des ministres, avec une audition devant la Commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale, désormais présidée par Bruno Studer, député LREM de la 3e circonscription du Bas-Rhin. L'occasion d'évoquer les politiques générales, le budget de la culture ou encore l'ouverture des bibliothèques.
Le 18/07/2017 à 20:46 par Antoine Oury
Publié le :
18/07/2017 à 20:46
« J'ai regardé les discours de mes prédécesseurs pour préparer cette audition, je ne réinvente pas l'eau chaude et je ne veux pas faire table rase du passé », avertit tout de go Françoise Nyssen, ministre de la Culture, pour son premier passage devant la Commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale. L'occasion pour les différents députés d'interroger la ministre sur son projet politique pour la culture.
Rappelant son parcours professionnel et les raisons de son engagement auprès d'Emmanuel Macron, Françoise Nyssen observe que « la politique culturelle souffre de certains tabous, à la fois au sein du ministère et entre le ministère et ses interlocuteurs. Le constater me donne l'envie d'essayer de le surmonter. » De la bonne volonté et de l'enthousiasme, donc, notamment vis-à-vis de l'action avec le Parlement et plus particulièrement avec la commission des Affaires culturelles.
Passées les amabilités, la ministre présente sa politique culturelle en quelques axes, déjà connus : un « combat pour les publics, d'abord », avec le développement des accès à la culture. « La jeunesse est ma priorité, car elle est la première victime du chômage, du terrorisme, du défi climatique, et elle a besoin d'outils pour y faire face », ajoute la ministre. Un autre combat, pour les artistes et les créateurs, avec « la pérennisation du soutien public à la création, l'investissement dans le patrimoine, mais aussi faire de la France une terre d'accueil pour les artistes menacés dans le monde entier parce qu'ils créent ».
Mais « la priorité des priorités » de la ministre, c'est l'éducation artistique et culturelle, « une ambition qui n'est pas inédite, mais qui doit être concrétisé ». Les directions régionales des affaires culturelles et les recteurs ont été réunis pour dessiner une feuille de route, tandis que le Haut conseil à l'éducation artistique et culturelle sera réuni ce jeudi : la ministre assure que tout s'organise, et que la coopération avec son collègue Jean-Michel Blanquer sera totale. Le sujet est en tout cas « une obsession pour les deux ministères : nous voulons toucher 100 % des élèves contre moins de la moitié aujourd'hui ».
Le rôle du ministère de la Culture est de mener un projet de société. C'est un ministère du sens, des langues, de l'histoire, de la mémoire, de la cohésion sociale, de la conscience collective...
Françoise Nyssen
Concrètement, la ministre annonce « La rentrée des classes en musique », dès cette année, mais aussi un travail sur l'éducation à l'image et le fameux pass culture de 500 € annoncé par Emmanuel Macron dès sa campagne.
Autre axe, la politique territoriale de la culture, avec de nouveaux moyens investis « là où la culture est la plus fragile », dans les territoires ruraux, prioritaires et d'outre-mer. Le premier levier de la ministre, pour ce faire, seront les bibliothèques et leur ouverture — « les ouvrir plus et mieux » —, avec l'aide d'Erik Orsenna comme ambassadeur auprès des mairies.
Autre territoire, l'Europe, qualifiée par Françoise Nyssen d'« espace de partage qui nourrit la diversité culturelle » : la ministre veut appuyer ce rôle, en créant tout d'abord un « Erasmus pour les professionnels », qui faciliterait la découverte d'autres lieux de travail, et un soutien renouvelé aux « traductions », car « c'est comme cela que l'on connaît l'autre », souligne Françoise Nyssen, sans toutefois préciser ce soutien. L'action européenne de la ministre passera évidemment par la défense de l'exception culturelle, comme cet accord négocié quelques jours après sa prise de fonction sur un quota de films européens sur les plateformes de streaming.
Enfin, Françoise Nyssen assure vouloir « pérenniser le système de soutien public » à la création et aux artistes, et promet toute « sa vigilance vis-à-vis de la précarité des artistes et des travailleurs du spectacle ». À ce titre, interrogée sur la crise entre les sociétés d'auteur et Canal +, qui refuse de payer ces derniers, Françoise Nyssen souligne que « [q]uand il existe un contrat, on ne peut pas s'exonérer des obligations de ce contrat. Les auteurs ne sont pas une variable d'ajustement. » Pour soutenir la création, les résidences d'artistes seront également développées par le ministère de la Culture, notamment à travers Création en cours.
Pour finir, et malgré les accrochages du gouvernement avec la presse, Françoise Nyssen assure que « l'État doit se poser en garant de la diversité et de l'indépendance de la presse, menacée par le numérique ».
Les questions des députés à la ministre ont essentiellement porté sur le budget du ministère : l'annonce d'une économie de 50 millions € au ministère de la Culture, conjuguée à une baisse de dotations des collectivités de 13 milliards €, a considérablement effrayé, dans les rangs. La ministre se veut évidemment rassurante, garantit que « rien ne sera pris du soutien aux artistes et à la création » et que les 50 millions € seront tirés de « lignes budgétaires non utilisées ou de reports de crédit non utilisés ».
Puis évoque le discours de Victor Hugo et la fable du colibri dans ce qui ressemble à une tentative de noyer le poisson : faudrait-il comprendre que la ministre n'en sait pas plus que les députés ?
En attendant, le gouvernement réclame bien des efforts aux collectivités dans l'accès des citoyens à la culture, mais Françoise Nyssen promet un soutien et une écoute attentive, notamment à travers des « contractualisations » et une action politique définie avec le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC).
L'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques fait partie du prochain chantier avec les collectivités : Erik Orsenna fera son tour de France, donc, avant « un large débat national au mois de mars ». La ministre poursuivra la réflexion avec la sénatrice Sylvie Robert, devenue spécialiste des horaires des bibliothèques, tandis que l'État « accompagnera par des expertises et un concours financier à définir avec le ministère de l'Intérieur et de l'Enseignement supérieur ».
Sur cette aide financière, Françoise Nyssen assure que « l'aide de l'État sera pérenne » : « Je ne peux pas imaginer qu'elle soit ponctuelle, cela n'aurait pas de sens. » Certains maires s'étaient émus du fait que l'aide apportée par la Dotation Générale de Décentralisation soit limitée à trois années uniquement, d'autant plus que son niveau a baissé en 2017.
Une autre interrogation portait sur le pass culture : pour la ministre, celui-ci s'inscrit « dans une logique d'accès à la culture » et laissera « le jeune pilote de son parcours culturel ». Elle assure que les formules existantes seront étudiées, et heureusement : en Italie, d'où vient l'idée, des jeunes ont revendu les crédits de leur pass. Mais, pour Françoise Nyssen, cela « fait partie de la société de confiance que nous voulons créer ».
“Notre pays est dans un état d'urgence culturelle” (Françoise Nyssen)
Après plus de deux heures d'audition, tout de même, d'autres questions ont été posées, sans réponse de la ministre, notamment sur la place du livre et de la lecture ou le statut des hébergeurs.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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