Quartier livre est un projet porté par Livre et lecture en Bretagne et financé par la DISP du Grand-Ouest et la DRAC Bretagne, dans le cadre de la Convention régionale culture/justice. Il s’est décliné à travers trois volets, du mobilier spécifique, l’intervention de compagnie de théâtre et une résidence d’écrivain.
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Pour commencer, des espaces « Facile à lire » ont été conçus selon le choix du coordinateur culturel, soit par un artiste, soit en atelier avec les détenus, puis installés en détention, en dehors des bibliothèques, dans des lieux de passage ou des lieux très fréquentés par les détenus : accès au soin, espaces de l’école, salle d’attente du Spip, cour de promenade, lieux de passage de la détention...
Les mobiliers créés sont la plupart du temps très appréciés, pour leur esthétique notamment. Ils apportent du changement, et les choix d’implantation sont stratégiques. Concernant le choix des quelque cent ouvrages « Facile à lire », les retours sont positifs, avec une réserve à la marge : si les ouvrages ont partout circulé très facilement, la question de leur perte et de leur remplacement est assez présente, bien que l’idée de départ, assumée, est de proposer un accès complètement libre, sans aucune contrainte ni formalité de prêt, qui encourage largement les personnes détenues à se servir.
Pour attirer l’attention des personnes détenues sur ces nouveaux mobiliers, et sur les collections de livres « Facile à lire » qui y ont pris place, des temps de médiation ont été organisés. Selon les départements, des compagnies sont intervenues en détention pour réaliser des lectures impromptues de ces ouvrages, interpellant les personnes là où elles se trouvaient en détention (salle de sport, cours de promenade...), ou bien en atelier avec les détenus pour s’approprier les textes et les porter à voix haute.
Le troisième volet du projet est l’accueil d’un auteur en résidence à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc : l’écrivain nantaise Laurence Vilaine a été présente à Saint-Brieuc du 26 avril au 3 juin 2016. Après un temps de bilan, plusieurs pistes de réflexion s’ouvrent pour la pérennisation de ce projet de prévention de l’illettrisme. Le souhait de départ était d’associer largement les enseignants, les personnels de la détention, les Spip et les partenaires des bibliothèques ; selon les établissements, l’investissement des partenaires a été variable.
Une attention particulière devra également être portée au renouvellement régulier des collections, qui permettra de rendre ces espaces dynamiques.
Les espaces créés étant pérennes, ils peuvent servir de support à d’autres projets, en lien avec le livre et la lecture, ou avec la programmation culturelle de l’établissement, mais surtout pour favoriser la réinsertion, comme le souligne cet intervenant du Spip : « Ces nouveaux espaces me permettent d’échanger avec des détenus en dehors du contact habituel d’entretien, d’assister à des échanges entre détenus ; et de parler de l’activité lecture, ce que je faisais rarement lors des entretiens. »
Jean-Charles Sinaud est directeur du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) des Côtes-d’Armor depuis 2014. Un organisme lié au ministère de la Justice, qui joue un rôle majeur dans la lutte contre l’illettrisme en prison.
Les missions et méthodes d’intervention des Spip ont été précisées dans une circulaire datée du 19 mars 2008, telles que mentionnées dans le Code de procédure pénale. Parmi ces missions, l’accent est mis sur les activités socio-culturelles et en particulier sur la lutte contre l’illettrisme en milieu carcéral, afin de maintenir et développer le lien social. Les actions sont menées en partenariat avec les bibliothèques. « Nous travaillons aussi en relation avec le responsable local de l’enseignement, détaché par l’Éducation nationale à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc. »
À signaler que si celui — ci coordonne les interventions des différents enseignants appelés à travailler à la prison de Saint-Brieuc, un proviseur a la responsabilité de l’administration de l’enseignement pour l’ensemble des établissements pénitentiaires du Grand-Ouest, auprès de la Disp (Direction interrégionale des services pénitentiaires).
« Des visiteurs de prisons assurent aussi, bénévolement, des animations autour de la lecture. Lire, c’est quelque chose qui crée du lien, qui permet de réfléchir et d’ouvrir sur autre chose que la télé. De plus, la
bibliothèque assure un lien indispensable, puisque les livres circulent librement entre dedans et dehors. La lecture nous permet aussi d’obtenir des permissions de sortie pour les détenus, pour faire découvrir des expositions, répondre à des questions et enrichir ensuite la réflexion par des lectures. Par exemple, nous avons organisé une sortie autour de la découverte de la baie de Saint-Brieuc. Et ensuite, il a été possible d’approfondir, à travers la lecture d’ouvrages sur la nature, les oiseaux. Les détenus en sont très friands. »
La nature prend beaucoup d’importance quand on est privé de tout contact avec elle. Cela revient souvent dans les témoignages de détenus.
En décelant des difficultés de lecture nous pointons d’éventuels freins à l’insertion : difficultés de compréhension, de rédaction d’une lettre, et nous accompagnons le détenu par une formation appropriée.
« Le livre permet de mettre à bas pas mal de préjugés. Les détenus aiment les témoignages de vie, pour leur exemplarité. La bande dessinée est aussi un bon outil, car elle permet le commentaire autour de l’image. » Le Spip a également été partenaire de l’opération Quartier Livre.
Le renouvellement des ouvrages dans les meubles fabriqués pour l’occasion par les détenus reste essentiel et dépend en grande partie du travail des détenus auxiliaires de la biblio — thèque. « Quand les ouvrages sont là et qu’il y a un bon renouvellement, ils sont empruntés. D’où l’importance du partenariat avec la bibliothèque municipale. »
par Gérard Alle
en partenariat avec Livre et lecture en Bretagne
Par Auteur invité
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