« Il y a détresse quand il n’y a plus d’oiseau par la fenêtre. » Les mots sont signés Patrick, Lakdar, Julien, Fares, Dominique, David, Thomas, Olivier ou Anthony... Impossible de citer tout le monde. Derrière chaque écriture, il y a un être, une personne détenue.
Sur ma peau, j’ai gardé
La brûlure du sel la première fois que j’ai vu la mer
Les séquelles de mon passé
L’empreinte de ta main
Mes cicatrices présentes et futures
Le nom de ma fille tatoué
Les traces du soleil.
Dans toute leur force et leur émotion, les mots sont extraits de carnets de poèmes, de paroles et de voyages intérieurs du centre pénitentiaire de Maubeuge. Chaque vendredi, Dominique Sampiero y mène un atelier d’écriture : Les Voix de L’Immobile. « J’ai emprunté le titre au poète Joe Bousquet qui passa sa vie, paralysé, enfermé dans une chambre à Nîmes. »
Une bibliothèque en centre pénitentiaire, c’est bien, mais ça ne suffit pas. Le livre, il faut l’accompagner. « Beaucoup de personnes détenues sont en souffrance par rapport à de mauvais souvenirs scolaires, des échecs, des difficultés. L’enjeu est de désamorcer les anciens carcans de la souffrance pour retrouver une émotion, un langage, un plaisir de la lecture et de l’écriture. »
Pour Dominique Sampiero, il s’agit de permettre à chacun de se réconcilier avec son imaginaire, avec sa parole. La poésie est une voie possible. « Dans l’atelier, j’utilise des poètes comme Luc Bérimont, des poètes de l’École de Rochefort, des poèmes sur la nature. Ou des fragments de Rimbaud, de René Char... »
Le scénariste, écrivain, poète, ancien « instit », avoue prendre du plaisir à cet atelier du vendredi. « Il y a la confiance des surveillants qui est importante. Il y a celle des détenus. Ce sont de vraies rencontres. Il n’y a pas de tricherie. On joue cartes sur table. C’est toujours très riche. Écrire, lire, rêver en lisant, moi, ça m’a ouvert des portes. Ce sont ces portes de l’émotion qu’il faut pousser. »
Oh, il ne s’agit pas de tomber dans l’angélisme. « Je sens la solitude qui est palpitante dans vos paroles, dans vos corps », confie Sampiero aux participants de son atelier. Il ne s’agit pas d’être au-dessus, ailleurs, à côté, figé dans l’espace du livre, mais bien plutôt d’avoir de l’empathie... d’être « avec ». Cela dépasse le simple cadre de l’identité de l’écrivain. C’est du citoyen dont il s’agit.
« Je fonctionne comme cela depuis l’enfance. Je me pose toujours la question... “Et si, cela m’arrivait ?”... “Et si c’était moi, en face ?” Même si ce n’est pas inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme, un des devoirs du citoyen, c’est la conscience d’être avec... Avec la personne qui n’est pas en bonne santé. Avec la personne qui est détenue. Avec celle qui n’a pas de travail. Avec la personne qui souffre de handicap. Avec celle qui n’est pas comme les autres. Pour moi, c’est la clé de voûte pour vivre ensemble. »
L’une des plus belles récompenses de Dominique Sampiero lui est venue de l’intérieur du centre pénitentiaire de Maubeuge. Dans un film réalisé par Hors Cadre pour la collection « Portraits citoyens », un détenu confie : « Avant de rentrer en prison, je ne me rendais pas compte qu’un simple dialogue avec une personne que j’aime du dehors, ça vaut bien plus qu’un luxe de dehors, comme une grosse voiture par exemple. La rencontre dans l’atelier d’écriture m’a fait prendre conscience de ça. »
Sur le blog Les Voix de l’Immobile consacré aux carnets de poèmes, de paroles et de voyages intérieurs du centre pénitentiaire de Maubeuge, on peut lire...
Vivre dans l’intimité des rencontres et leur trésor [...]/
Vivre jusqu’à ressembler à chacun d’entre nous.
Hervé Leroy
en partenariat avec le CRLL Nord Pas de Calais
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