Dernier acteur à se lancer dans l'impression, Interforum, filiale d'Editis dédiée à la diffusion-distribution, s'est doté d'un service d'impression à la commande baptisé Copernics. Une variante de la désormais bien connue impression à la demande, qui entend fournir rapidement et sans surcoût majeur des titres en attente de réimpression, directement dans les commandes des libraires. Un service accessible et profitable à tous, assure Éric Lévy, PDG d'Interforum.
Éric Lévy : Lorsque la commande du libraire arrive chez Interforum, son analyse peut révéler la présence d'ouvrages 100 % Copernics : ces titres ont une rotation annuelle faible, et ils ne sont plus en stock. Nous les imprimons donc au moment de la commande, et ils sont ajoutés à cette dernière.
Il peut aussi y avoir d'autres ouvrages, qui normalement sont en stock. Il s'agit souvent de best-sellers, à gros tirage, d'habitude non éligibles à l'impression à la commande, car le coût d'impression est plus intéressant en circuit traditionnel. Mais Copernics permet de réagir rapidement en cas de rupture ou en attente d'une livraison d'une réimpression. Pendant ce laps de temps, Copernics produira l'ouvrage pour éviter la perte de ventes à cause d'une rupture. Cela permet de réagir rapidement en cas d'émission à forte audience, d'entretien, de l'actualité... Quand l'ouvrage est de nouveau disponible avec des réimpressions, on peut arrêter la production Copernics.
Éric Lévy : Ce qu'on joue, nous, c'est de la qualité de service et le service perçu par nos revendeurs qui sont les libraires, les Fnac, les ecommerçants... C'est notre capacité à livrer et à ne pas avoir de ruptures, de manquants, ou d'arrêts de commercialisation qui fait la différence.
Éric Lévy : Nous avons 4 types de papiers disponibles : avec bois, légères traces de bois, sans bois et du papier poche. Ces 4 choix de papiers couvrent environ 80 % de notre production, mais il est toujours possible de changer de bobine de papier et de mettre le papier voulu, en général pour un petit tirage. Pour les formats, tous sont possibles jusqu'à A4. Dans l'impression à la demande, les papiers, les couvertures et les formats sont très standards.
Notre ambition, puisque Copernics propose des livres qui sont disponibles en impression traditionnelle, c'est qu'un libraire ne puisse pas faire la différence entre les deux. Ce qui signifie que nous devons offrir la même qualité de finition des couvertures, comme le vernis sélectif, le soft touch, l'embossage, le métal... Pour l'instant, nous ne faisons pas les rabats ou le cousu, mais nous proposons déjà beaucoup de choses.
Éric Lévy : Pour la bande dessinée, nous n'aurons pas la qualité requise. De plus, on trouve souvent du dos rigide dans la BD, et nous ne faisons pas de cartonné, uniquement du souple, avec dos carré collé.
Éric Lévy : C'est nous qui gérons l'approvisionnement de papiers pour Copernics, comme nous gérons l'approvisionnement en papier chez nos imprimeurs.
(crédit photo Sylvain Leurent)
Éric Lévy : A priori, tous les éditeurs Editis souhaitent travailler avec Copernics et les éditeurs diffusés — une cinquantaine, qui ne font pas partie du groupe Editis, mais qui sont clients d'Interforum — également. Nous sommes déjà en train de travailler avec plusieurs d'entre eux, et nous l'avons déjà fait. Il y a une typologie d'éditeurs dont le tirage moyen est faible, parfois autour de 400 ou 450 exemplaires, et qui peuvent, avec Copernics, gérer leur maison quasiment sans stock. Ces éditeurs spécifiques ont souvent une production importante, mais en petits tirages.
L'avantage avec ce système, c'est que l'éditeur peut imprimer ce dont il a besoin pour sa mise en place, et en fonction du comportement de l'ouvrage, rester Copernics et imprimer à la commande ou, en cas de succès, passer à une réimpression en traditionnel.
De plus, pour un éditeur, investir et lancer de nouveaux auteurs, c'est toujours un risque en termes de production : peut-être que, grâce à Copernics, certains éditeurs pourront faire preuve de plus d'audace en contrôlant plus précisément leur production.
Éric Lévy : La partie de tirage la plus faible des éditeurs du groupe Editis, qui nous coûte le plus cher, va se reporter sur Copernics. Mais si l'on fait la règle de 3, avec 5 ou 10.000 exemplaires par jour pendant 300 jours, ça fait quelques millions d'exemplaires : chaque année, nous imprimons un peu plus de 100 millions d'exemplaires.
Cela représente donc un pourcentage très faible, retiré du circuit de l'impression traditionnelle : toutefois, les ouvrages en arrêt de commercialisation ou qui sont entre deux réimpressions n'auraient de toute façon pas été imprimés par des imprimeurs traditionnels. La grande majorité de nos tirages restera chez des imprimeurs traditionnels, qui sont nos partenaires.
Éric Lévy : Contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, Copernics ne tend pas à diminuer le nombre de références chez un libraire : bien au contraire, le service permet à un libraire, quelle que soit sa situation en France et quelle que soit sa taille, de pouvoir proposer la même qualité de référencement que de très grosses plateformes ou de très gros libraires, car il aura l'accès et la capacité de se fournir sur toutes nos références.
Éric Lévy : Non, car ces derniers sont intégrés à la commande globale du libraire. La promesse que nous essayons de respecter, c'est la diminution du nombre de manquants.
Il n'y a pas de limite de taille ou de seuil pour la commande des libraires, qu'il s'agisse d'un indépendant ou d'un gros libraire. L'objectif est de mettre en place un outil neutre pour l'écosystème du livre, et Copernics aura peut-être ce rôle de régulateur pour que, quel que soit le point de vente, sa taille, sa performance de service pour son client, son lecteur, soit quasiment équivalente.
Éric Lévy (crédit photo Sylvain Leurent)
Éric Lévy : Pour les professionnels, l'impression à la demande c'est un livre qui est imprimé et qui est vendu, qui n'a pas de droits de retour pour un libraire. À l'inverse, rien n'empêche un libraire de nous commander un ouvrage Copernics parce qu'il a envie de l'avoir dans sa librairie. Et s'il ne le vend pas, il aura un comportement traditionnel avec un retour, puisque les livres Copernics ne doivent pas être différenciés des autres livres — aussi bien au niveau de l'aspect que du comportement commercial.
Dans l'impression à la demande et le système de commande Dilicom, il est indiqué que ces livres sont sans retour. En général, ils sont envoyés de manière isolée, à une personne en particulier. Là, dans l'impression à la commande, le livre imprimé rejoint la commande et il bénéficie donc de l'effet de massification du transport, car ce qui coûte le plus cher dans l'impression à la demande, c'est l'envoi d'un ouvrage dans une enveloppe, à une seule personne.
Éric Lévy : Non, nous ne savons pas faire le particulier. Mais nous avons déjà entamé des discussions avec des plateformes d'autoédition pour qu'elles puissent permettre, à tout moment, que quelqu'un puisse décider de passer du numérique à une version papier. Par contre, un agrégateur restera nécessaire pour ces commandes, qu'il s'agisse d'une plateforme ou d'un groupe d'auteurs. En effet, l'interaction avec chaque client ne fait pas partie de notre métier : nous ne sommes ni imprimeur ni libraire et nous respectons ces frontières. Nous ne voulons pas être en compétition, nous avons besoin des imprimeurs.
Éric Lévy : Il y a peu de main-d’œuvre et elle est essentiellement qualifiée : des ingénieurs, des experts en robotique ainsi que des imprimeurs, tout de même, pour vérifier la qualité d'impression, les couleurs, ces aspects techniques. C'est plutôt entre 6 et 8 personnes, ce qui est peu. Ils travaillent en deux ou trois équipes, en fonction des volumes.
Éric Lévy : Nous venons de démarrer, et nous attendons donc une montée en puissance progressive. Nous avons commencé avec quelques centaines d'ouvrages par jour, puis quelques milliers en mai et en juin. Au mois de septembre, nous avons atteint les 150.000 exemplaires, peut-être 200.000. Et il ne s'agit pas de la capacité maximale : nous pouvons produire jusqu'à 15.000 exemplaires par jour. Pas 15.000 fois le même exemplaire, mais 15.000 exemplaires uniques, avec des formats, des couvertures et des papiers différents.
Éric Lévy : Le seuil de rentabilité n'est pas vraiment à 15.000 exemplaires : entre 5.000 et 10.000, il est déjà satisfaisant. Il faut ensuite comprendre que Copernics n'est pas non plus limité à l'impression d'un seul exemplaire : il y a certains types d'ouvrages, qui sont plus confidentiels, où la mise en place commence à 1200, 2000 exemplaires, et nous sommes capables d'en imprimer 800 à 2000.
Nous ne sommes pas obligés de faire uniquement de l'online, c'est-à-dire de l'impression à la commande : la nuit, par exemple, nous n'avons plus d'opérateurs sur le site de Malesherbes [le site historique d'Interforum, NdR], nous pouvons faire des petits tirages, entre 2000 et 3000. Ces petits tirages ne seront pas consécutifs à une commande, ce sera du offline, ils seront en stock traditionnel. Le prix unitaire reste tout à fait compétitif par rapport à un imprimeur traditionnel, l'avantage ici c'est qu'il n'y a pas de transport, il y a juste à faire traverser le convoyeur pour rentrer dans notre stock. Au-delà, ce n'est plus justifié.
Éric Lévy : Non, pas du tout. Je sais bien que les imprimeurs ne sont pas fans de ce que nous sommes en train de faire : un pourcentage, faible, échappe certes à l'écosystème dont ils font partie, mais c'est au bénéfice des libraires, des lecteurs et de la planète.
Même s'il n'y a pas un développement massif, une partie des lecteurs passent sur le numérique, et, en nombre d'exemplaires, ces livres contribuent sans doute plus à la diminution de la production des imprimeurs que Copernics.
(crédit photo Sylvain Leurent)
Éric Lévy : Oui, il y a une forme de contribution écologique à tout cela, car la tendance du monde de l'édition, c'est d'imprimer en quantité, en cherchant le meilleur prix unitaire possible, quitte à avoir un an, deux ans, trois ans de stock, ou du pilon. Sans parler du transport, considérablement réduit avec EPAC : pour l'impression traditionnelle, on imprime en Espagne, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, en plus de la France. Ici, si c'est quelques dizaines de livres, ils sont transportés en tapis roulant sur le site de distribution, et un petit camion suffit pour faire le tour jusqu'au site de Malesherbes si c'est nécessaire.
Éric Lévy : Volumen, c'est la partie diffusion, Loglibris, c'est la logistique. Cette dernière partie distribution nous a donné un site supplémentaire où nous faisons tous les offices, sur le site historique de Loglibris. Nous avons par contre spécialisé Malherbes pour y avoir 100 % du réassort, pour avoir le maximum de références stockées au même endroit et ainsi une préparation plus efficace.
Nous avons intégré les forces de vente Volumen, avec un partenariat très proche avec le groupe La Martinière-Le Seuil. Dans ces groupes, il y a des candidats et des éditeurs demandeurs pour Copernics. Cela nous a donné, a posteriori, un potentiel plus important de volume.
Après, la quantité viendra aussi du nombre de références : actuellement, nous avons un peu moins de 10.000 références en actif, et que du noir, des romans. Nous comptons bien commencer la couleur d'ici la fin de l'année - pas pour le livre d'art, mais pour tous ces livres en couleurs éligibles, comme des guides, des livres de recettes, le scolaire ou le parascolaire.
Éric Lévy : Si on remplit la perspective à 3 ans d'avoir à peu près 40.000 références et une production entre 6 et 8 millions d'exemplaires à l'année, ce sera déjà un énorme succès. D'ici là, il y aura certainement beaucoup de choses qui évolueront.
Si nous le pouvions, nous aimerions garantir une livraison en 24 ou 48 heures, ce serait formidable. Mais là, c'est sur le stock traditionnel, la préparation et le système Interforum qui doit s'améliorer, c'est cela qui fera la différence.
Commenter cet article