La Bibliothèque nationale de France, ce ne sont pas seulement les 4 célèbres tours du site François Mitterrand : dans le 2e arrondissement de Paris se trouve le quadrilatère Richelieu, site historique de la BnF. Les travaux de restauration de cet espace de la BnF, commencés en 2010, prennent du retard : prévue en 2017, la fin du chantier est désormais programmée à 2021. Et les problèmes s'accumulent sur les zones déjà restaurées...
Le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France accueille, rappelons-le, les départements spécialisés (arts du spectacle, cartes et plans, estampes et photographie, manuscrits, monnaies, médailles et antiques, musique). Il se destine aussi à devenir un pôle d'excellence en matière de recherche sur l'histoire de l'art et le patrimoine écrit, avec le concours de l'Institut national de l'Histoire de l'art et l'École nationale des chartes.
Étape cruciale dans la réhabilitation du site Richelieu de la BnF, les travaux d'aménagement et de restauration, commencés en 2010 pour la phase 1, ont accusé 27 mois de retard à l'arrivée, la faute à la présence, non identifiée au préalable, d'amiante et de plomb. Prévue en 2013, la fin des travaux a finalement eu lieu en 2016. Autre conséquence de ce retard, un coût supplémentaire de 6,5 millions €, qui porte la facture totale des travaux du site Richelieu à 233,2 millions €, indique l'avis de Françoise Laborde, sénatrice de la Haute-Garonne.
La phase 2 du chantier a commencé il y a peu, et devrait se terminer en 2020, si aucun autre obstacle ne vient la ralentir, ce qui semble peu probable. Pour 2018, l'opérateur chargé de superviser les travaux, l'Oppic, estime la dépense à 20,3 millions €. À l'origine, la phase 2 devrait se dérouler de 2014 à... 2017.
L'Oppic, Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, placé sous tutelle du ministère de la Culture, est chargé par ce dernier de superviser les opérations immobilières dans le domaine de la culture, et supervise la rénovation du site Richelieu. Aujourd'hui dirigé par Clarisse Mazoyer, une ancienne du cabinet d'Aurélie Filippetti puis temporairement de Fleur Pellerin, l'Oppic a « catégoriquement » refusé de répondre à nos questions dans le cadre de cet article.
Ce qui a piqué au vif l'opérateur, c'est un article publié le 26 octobre faisant état d'un incendie criminel dans un des bureaux du site Richelieu, et dont les conséquences auraient pu être dramatiques. L'Oppic s'est retrouvé directement impliqué, car les personnels assurent qu'il « n'a pas donné un espace qui fonctionne, tout simplement. On a récupéré la zone 1 alors que les équipements n'avaient pas été testés. » Températures aléatoires, ascenseurs en panne, problèmes d'accès et de sécurisation des espaces, la liste est longue.
« L'Oppic, en tant que maître d'ouvrage délégué, nous a livré le bâtiment en mai 2016 », rappelle Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la BnF. « Cela signifie que le bâtiment était en ordre de marche, mais qu'il subsistait des réserves : l'Oppic a fait le constat de tout ce qui était mal fait, ou n'avait pas été fait, ce qui relève d'une procédure normale. Comme le bâtiment a été livré en mai et que nous le voulions ouvert au public pour la fin de l'année 2016, nous avons décidé de l'aménager en même temps que les sociétés levaient peu à peu les réserves », reconnaît la direction de l'établissement.
De toute façon, les entreprises « sont tenues à ce que l'on appelle “la garantie de parfait achèvement”, et, aujourd'hui, les interventions ont permis de lever 99 % de ces problèmes, qui relèvent de la responsabilité des entreprises. » Pour faire pression sur les entreprises engagées dans le chantier, l'Oppic diffère généralement le solde des paiements, et les frais supplémentaires sont pris en charge par l'opérateur et les entreprises. Seuls 700.000 €, environ, ont été mobilisés par la BnF pour des travaux complémentaires qui n'avaient pas été identifiés au début du chantier, en 2010, comme la rénovation de certaines fenêtres, par exemple, ou des aménagements et des équipements n'entrant pas dans le mandat de l'Oppic.
D'autres sources parlent plutôt d'« un volume des travaux mal évalué par l'Oppic, et des contentieux avec un certain nombre d'entreprises qui travaillent sur le chantier. Le diagnostic amiante, par exemple, a été mal réalisé ».
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
La BnF assure avoir travaillé en bonne intelligence avec l'Oppic : les problèmes de chauffage identifiés l'hiver dernier ne se reproduisent plus cette année, par exemple, mais « un temps de chauffe était nécessaire pour s'en rendre compte », car un simple test « n'est pas suffisant ».
À l'inverse, pour les problèmes de refroidissement dans les magasins, la direction explique qu'il s'agit là de conséquences de l'interconnexion entre la zone 1 et la zone 2 du site Richelieu : « Un certain nombre d'installations sont en zone 2, comme la centrale de froid, et c'est donc plus compliqué d'atteindre le fonctionnement optimal prévu, car nous avons du mal à accéder à cette centrale de froid », détaille Sylviane Tarsot-Gillery.
Les documents ne craignent rien, assure la direction, tant que les variations de température ne sont pas trop importantes.
Qui dit retard de chantier dit renchérissement, bien sûr, mais la direction explique que la phase 2 bénéficiera des expériences de la phase 1 : « Les diagnostics ont été plus poussés, et mieux compris, ce qui nous a permis d'anticiper la présence de plomb, par exemple. Ce qui compte, c'est de bien l'identifier pour que les travaux soient réalisés dans de bonnes conditions de sécurité pour les ouvriers et les agents. Un groupe de travail a d'ailleurs été mis en place sur le sujet. La responsabilité est du côté de l'Oppic et des entreprises, mais la BnF estime qu'elle a aussi la sienne. Il faut que l'attention soit permanente : des tests vont être effectués de manière régulière et les résultats remis au CHSCT. »
Aujourd'hui, la date de livraison de la phase 2 du chantier reste 2020, dans les plans de l'Oppic. « C'est toujours son calendrier, tel qu'il peut l'affirmer compte tenu des éléments dont il dispose », confirme Sylviane Tarsot-Gillery. « Ensuite, la BnF a besoin de 6 mois à 1 an pour investir le bâtiment. Dans notre planning, l'ouverture au public s'effectue en 2021 : nous voulons justement prendre le temps nécessaire pour tester tous les équipements avant l'aménagement et l'arrivée des agents. »
Certains agents, justement, ont apporté leur signature à une pétition intitulée « Pour Richelieu, ses collections, ses lecteurs et ses personnels » qui aurait rassemblé quelque 200 signatures en 3 jours. Dans ce texte, outre une meilleure gestion de la phase 2 des travaux, ils réclament la conservation d'un ou plusieurs bâtiments autour du quadrilatère Richelieu : le bâtiment Louvois, le 61 rue Richelieu et la maison de l’Abbé Barthélémy, qui relevaient auparavant de la BnF, vont en effet être vendus.
« Tout va devoir rentrer dans le quadrilatère, et 40 % des collections vont partir à Bussy-Saint-Georges, avec au minimum 48 heures pour les faire revenir sur place. Quant aux bureaux, on se retrouve parfois avec 8 mètres carrés par personne », déplore notamment la CGT BnF.
Une vision des choses que réfute la directrice générale : « Dans ce débat, je reste pragmatique : les espaces pour le personnel sont totalement suffisants dans le quadrilatère Richelieu. Les agents ont tous un bureau quand ce n'était pas le cas auparavant. Ce que je propose aux organisations syndicales, c'est de travailler plan en main : pour l'instant, je n'ai pas d'éléments qui me permettent d'expliquer que le réaménagement du site ne permettra pas d'installer correctement les agents dans les espaces livrés en 2020. Nous avons même pris sur les magasins pour mieux installer les agents. »
Certains membres du personnel déplorent que la politique documentaire du site Richelieu « ne mette pas mieux en valeur les trésors que nous avons au sein des collections. Qui plus est, 40 des cartes de lecteurs de Richelieu sont pour des lecteurs étrangers : ils ne vont sûrement pas revenir plusieurs fois en attendant que leurs documents reviennent de Bussy-Saint-Georges. » D'autres soulignent aussi la contradiction : en 2021, le quadrilatère Richelieu sera déjà plein et ne pourra plus accueillir de documents, selon leur estimation.
Les bâtiments en question seront vendus et probablement détruits, leur rénovation coûtant trop cher. Le bâtiment Louvois, qui abritait le département de la musique, est bourré d'amiante, tandis que l'hôtel de Nevers et la Maison Barthélémy sont « trop coûteux à réaménager ». Là aussi, certaines voix s'élèvent et assurent qu'il serait possible de sauver au moins un bâtiment : les estimations parlent de 7 millions € pour désamianter Louvois, et « on a bien dépensé 5,5 millions € pour refaire le hall Est du site Tolbiac, alors que ce n'était pas franchement utile ».
En attendant, « la décision n'appartient pas à la BnF mais au ministère de la Culture, ainsi qu'à celui des Finances, qui décide de la vente de ces propriétés de l'État. Le maintien d'implantations périphériques ne me semble pas nécessaire », termine Sylviane Tarsot-Gillery.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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