Certes, Noël est une période phare pour la vente de livres. Cependant, sur les médias sociaux, elle est très loin de l’être. Alors quand on m’a dit (exceptionnellement) : « Ça serait bien que tu écrives autour de la communication livres et Noël », j’ai dit oui un peu trop vite avant de me repentir.
Le 20/12/2017 à 15:15 par Stephanie Vecchione
Publié le :
20/12/2017 à 15:15
Écumant page Facebook après page Facebook, voguant de compte Instagram en compte Twitter, force était de constater que seules quelques typologies de publications revenaient en boucle : le calendrier de l’Avent, le récurrent concours de Noël, le sapin de livres, et les idées cadeaux pour un profil de lecteur « type ».
Certes, ces publications, désormais traditionnelles sur les médias sociaux, fonctionnent et parviennent à engager les communautés de lecteurs. Toutefois, en empruntant cette voie, on oublie de se distinguer, de marquer son identité, de visualiser ses objectifs en termes de communication et d’impact sur les ventes. On oublie aussi que ce moment commercial phare mérite que l’on s’y penche très sérieusement, et que, pour cela, il doit être préparé bien en amont.
Attention, je ne blâme personne. Je sais ce qu'est d'être pris dans le feu des médias sociaux, je connais l'étendue du travail de modération et de planification. Il y a peu de place pour l'anticipation et le recul, et ce, d'autant plus dans le secteur du livre où le community manager est rarement à temps plein sur cette mission. Mon objectif, à travers ces articles, est justement d'aider à cette prise de recul nécessaire mais peu compatible avec le quotidien de l'animation de communautés.
Revenons ensemble sur les enjeux clés générés par cette période de fêtes. Les cadeaux consacrés aux produits culturels (livres, films et musique confondus) vont représenter 35,6% des achats en 2017 (étude de Toluna Quick Survey pour LSA et le label « Approuvé Par Les Familles »). Coté éditeurs et points de vente, l'enjeu principal est de faire en sorte que les livres de sa maison soient privilégiés, son point de vente visité plutôt qu'un autre.
Côté acheteur par contre, tout est dans la problématique du choix. Comment parvenir à faire plaisir lorsque l'on ne maîtrise pas totalement les choix et les préférences de la personne que l'on veut gâter ?
Sur vos médias sociaux, vous avez réuni autour de vous de gros lecteurs mais aussi ceux qui sont les plus fidèles à votre maison ou enseigne. Ce sont donc eux d'abord, qu'il faut parvenir à transformer. Pour cela, trois leviers sont pertinents.
C'est à mon sens l'une des actions premières à entreprendre lors de cette période de fêtes, car la thématique du don/contre-don est récurrente. C'est sûrement pour cette raison que l'on se sent systématiquement obligés d'organiser un concours.
On néglige ainsi une autre partie du don, une partie non matérielle : celui qui est venu de vos lecteurs eux-mêmes car finalement, leur engagement sur vos médias sociaux leur prend du temps et de l'énergie, et celui qui viendra de vous à travers un très simple mais utile remerciement.
Aux Presses de la Cité, on a opté pour une publication Facebook toute simple. Certes, la publication elle-même est un concours. Cependant, ce n'est pas ce qui est mis en avant. C'est la communauté de lecteurs elle-même qui y est valorisée. On prend le temps de la remercier et surtout de communiquer sur ce qu'elle a apporté à la maison. Le concours est alors présenté comme une forme de remerciement secondaire, une conséquence et non comme un simple moyen d'animation lors des fêtes de Noël. Et cela change tout : il suffit de regarder l'engagement autour de cette publication pour le comprendre.
Chez 404 éditions, la communauté est beaucoup plus geek. On fait donc moins dans le sentiment mais plus dans le jeu en décernant un prix aux membres les plus actifs. Un moyen ludique et également simple de montrer que l'on apprécie l'engagement de ses lecteurs et de l'encourager via une forme de complicité taquine.
Chez Cultura, on a opté pour le sacro-saint et très efficace calendrier de l'Avent, mais on utilise cette fois le format Stories pour le diffuser. Qu'est-ce que cela change concrètement ? J'avais présenté dans un précédent un article l'intimité du lien qui se créait entre le lecteur et l'éditeur ou le libraire à travers les Stories sur Instagram (lien vers l'article). En utilisant le format Stories, qui n'est disponible que 24h, Cultura incite sa communauté de lecteurs à revenir sur son compte chaque jour.
Elle éloigne en même temps ce que l'on appelle "les concours addicts" qui réagissent au hashtag #concours sans réellement s'engager autour de l'enseigne et de ses produits. Remarquez bien dans le premier post (qui est un contenu evergreen, c'est à dire qu'il ne disparait pas et reste sur le compte du Cultura) les premiers commentaires provenant de ces "concours addicts". Ils déposent simplement un "je participe" sans prendre le temps de se pencher sur la mécanique du concours qui est, quant à elle, beaucoup plus complexe. En effet, et c'est l'autre originalité de cette opération, il s'agit d'une grille aux images brouillées, ou floutées. C'est ce que l'on appelle une "gamification" réussie puisque le défi de deviner ce qui se cache sous les images est presque plus stimulant que l'enjeu lui-même.
Remercier, valoriser et favoriser l'intimité, trois manières de renforcer les liens avec sa communauté de fidèles, et un premier pas donc pour occuper les esprits en cette période où vos lecteurs sont particulièrement sollicités. L'autre étape à mon sens est tout aussi classique et pourtant, elle est souvent négligée : le désir. Certes, on achète pour les autres mais une petite partie de cet achat est également motivé (même inconsciemment) par le plaisir que nous allons en retirer.
Pour le provoquer sur les médias sociaux, c'est assez simple en apparence : il suffit de mettre en scène le livre. Oui, mais pas n'importe comment. Tout ne fonctionne pas de la même façon et une belle image est souvent plus complexe à produire qu'elle n'y paraît. Les deux techniques suivantes parviennent toujours à faire mouche lorsque le juste texte les accompagne.
La première a été observée chez Fleuve éditions. On a une image bien léchée comme Instagram les aiment, mais aussi un texte à propos qui reprend le lexique des gros lecteurs avec la PAL (Pile à lire), et un premier mot, "Imaginez", qui invite à la projection.
Second visuel efficace pourprésenter l'étendue d'un catalogue, le mur de livres. Rappelons que, sur les salons littéraires, les photos les plus partagées sont celles des étalages de livres. Cette image donne une idée de profusion qui est particulièrement opportune durant les fêtes. Chez 10-18, on a pris soin de faire une sélection s'adressant à tous types de lecteurs, mais aussi, comme dans la publication précédente, d'interpeller son lecteur sur ses préférences littéraires.
Si susciter le désir en montrant l'étendue de son catalogue est nécessaire, la dernière étape l'est plus encore car c'est elle qui a le potentiel de transformer vos fans en acheteurs. Elle est par contre beaucoup plus complexe à mettre en oeuvre et elle demande un véritable investissement des équipes en interne.
Comme souvent lorsqu'il s'agit d'opérations médias sociaux innovantes, j'ai trouvé des exemples du côté de Penguin, qui est parvenu à engager autour d'un outil de recommandation personnalisée.
L'opération porte un nom et un hashtag : la #PenguinHotline. Elle renvoie vers un questionnaire sur le site web de l'éditeur qui permet, non seulement de renseigner les préférences littéraires et culturelles, de la personne à laquelle le livre est destiné, mais également de récolter (sans en avoir l'air) les adresses mail des lecteurs et ainsi d'alimenter leur CRM.
Cette opération ne néglige pas non plus l'aspect humain puisque chaque recommandation est réalisée par les soins d'une vraie personne et non d'une intelligence artificielle.
Pour parachever l'opération et faire en sorte qu'elle engage les lecteurs au-delà de sa propre communauté, Penguin a fait appel à des ambassadeurs choisis parmi les influenceurs. Ces derniers interviennent à la fois en tant que lecteur pour établir leur top des lectures de l'année et en tant que porte-parole pour donner une vision plus personnelle et plus didactique sur la #penguinhotline.
Pour conclure cet article, j'avais envie de vous raconter une petite anecdote. En me baladant dans Le Nature et Découvertes du centre commercial d'Italie 2, à la recherche d cadeaux pour mes proches, il y a avait ce père de famille un peu perdu, collé aux basques d'un vendeur bienveillant qui tentait tant bien que mal de l'orienter parmi les rayons du magasin. Lorsqu'il s'est arrêté devant le rayon livres, le père de famille s'est détourné mi-blasé, mi-contrit en disant : "Ah non ! Nous avons déjà du mal à les décoller de leur Smartphone et leurs jeux vidéo." Et voilà. Il repartait aussi vite vers de nouveaux rayons sans laisser sa chance aux livres qui, malgré ce qu'il disait, auraient certainement pu plaire à ses enfants (même si forcés un peu au début).
Que faire donc pour transformer ces comportements d'achat ? S'adresser à un lectorat non encore initié ? Et le faire tout particulièrement lors des fêtes de Noël ?
Il ne s'agit plus alors d'informer, de nouer des liens plus ténus avec sa propre communauté, déjà gagnée à sa cause. Toucher ce nouveau public, c'est commencer par s'intéresser aux sources même qui influencent leur comportement. Ce père de famille aurait très certainement eu moins de mal à convaincre ses enfants qu'un livre était un beau cadeau pour Noël si leur Youtubeur préféré en avait quelque peu parlé auparavant.
Très bonnes fêtes de fin d'années à toutes et à tous ! Et rendez-vous en 2018 pour de nouveaux articles.
Stéphanie Vecchione,
La nouvelle promotion du livre
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