Les Editions L'éveilleur rééditent ce chef d'oeuvre qu'est "L'élève Gilles" d'André Lafon, ami de Mauriac, tué en 1915, à l'aube d'une carrière littéraire qui aurait été belle, n'en doutons pas. C'est cela la faiblesse et la supériorité de la littérature sur la science: alors que les découvertes scientifiques ne sont jamais que retardées par la mort d'un savant, l'humanité perd à jamais les romans qui n'ont pas été écrits. Nous reproduisons ici un article paru en 2011.
Le 24/12/2017 à 09:00 par Les ensablés
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24/12/2017 à 09:00
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Par Hervé Bel
« Je ne savais de la saison triste que le visage ennuyé qu'elle montre à la ville, ses ciels lourds sur les toits et la boue des rues obscures. Je découvris la splendeur de l'hiver. Ma chambre, située à l'extrémité de l'aile gauche, ouvrait sur les champs que les vignes dépouillées peuplaient de serpents noirs et de piquets, mais la pureté du ciel pâle s'étendait sur elles, jusqu'aux lointains à peine brumeux; un coteau se haussait, portant un village où le clocher pointait (...)
L'air qui entrait sentait le foin, le chant des grillons vibrait à l'infini et, par instants, se détachait la note flûtée des crapauds d'été. Je m'éveillais aux fraîcheurs de l'aube, toute pépiante d'oiseaux. Par sa présence, ma mère, toute soucieuse qu'elle fut, me donnait le bonheur. Dès le matin, je la rejoignais au jardin où elle s'installait à broder en robe claire. Près d'elle, je goûtais l'oubli de toutes les atteintes; je trouvais le calme à son côté, la fraîcheur dans son ombre, et quand tout ce qui peut menacer un enfant se fût rué dans l'enclos, je n'en aurais conçu aucun trouble en mon âme, dans l'assurance où j'étais que toutes les puissances mauvaises n'eussent pu dépasser le cercle tracé par son regard. (...) Elle me demandait de lui lire quelque passage de mon livre de prix, où étaient des pages choisies des Mille et une nuits. »
Ce texte n'est pas de Marcel Proust. L'élève Gilles a été publié en 1912, un an avant Du côté de chez Swann... Et pourtant, on en jurerait. L'auteur s'appelait André Lafon, il est mort en 1915, comme Alain Fournier, et ce n'est pas la seule similitude entre les deux auteurs: Le Grand Maulnes raconte l'enfance, comme L'élève Gilles. C'était samedi, j'avais reçu ce livre dont Mauriac disait le plus grand bien. J'étais curieux, comme à chaque fois que je m'apprête à découvrir un nom, un texte oublié. Il y en a qui me disent que je perds mon temps, que je ferais mieux de lire les classiques, les grands, les valeurs sûres. Mais la postérité n'a pas toujours raison, et la découverte de L'élève Gilles, un chef-d'œuvre, le confirme une fois de plus.
C'est une histoire triste et gaie tout à la fois. Un petit garçon, Jean Gilles, onze ans, est confié à sa grande tante par ses parents partis en voyage dans le Midi. Il craint son père, un musicien sombre, sans méchanceté, mais ailleurs, et dont on soupçonne un secret. Il adore sa mère, à la façon du narrateur de Proust, d'une manière exclusive. Près d'elle, aucune crainte. Sans elle, le monde est nu. Mais bien vite, courageux, le petit garçon goûte à la gentillesse de sa tante, et surtout à sa propriété, la Grangère, dont il finit par s'approprier le jardin et fait des descriptions qui sont des poèmes.
Il resterait bien là, mais il lui faut aller au collège, en pension, dans une petite ville voisine. Ce ne sera pas une pension à la Dickens. Les professeurs y sont sévères mais justes. Et puis il y a les autres élèves, un grand notamment qui le fascine et dont il fait tout pour se rapprocher. Et puis Charlot, un pauvre gamin abandonné de ses parents, et que Gilles, partant pour la Grangère à chaque fin de semaine, quitte le cœur serré, se retournant pour le découvrir en train de pleurer au milieu du préau. Gilles ne souffre pas, ou pas plus que tout autre enfant, car il trouve dans le spectacle du monde une joie insoupçonnée.
De son lit, dans le dortoir, il voit pendant les longues nuits d'hiver une étoile qu'il croit à lui. Et toutes sortes de choses.
Pendant les grandes vacances, ses parents reviennent. Le père est toujours sombre. Son voyage ne l'a pas guéri. Il joue du piano toutes les nuits, et ce ne sont qu'à ces moments-là que l'enfant, sans crainte, chérit son père par la musique qui le berce. Pendant le jour, le père ne dit mot. Sa mère est tracassée, parle à voix basse à la bonne tante et à la servante, Segonde, qui n'est pas sans rappeler la Françoise, de la Recherche. Il fait beau, chaud, le jardin est plein d'effluves enivrantes, mais l'enfant pressent de sombres choses. Tout est dit sans être dit, comme il en est souvent à cet âge qui ressent sans comprendre.
Ce roman est un poème doux et mélancolique, d'une langue pure qui n'a pas pris une ride. En le lisant monte une joie un peu triste qui appelle les souvenirs de notre enfance. Pas seulement les jeux, les punitions, les copains, mais aussi ces premiers instants où nous nous sommes sentis seuls, où, découvrant le monde, nous étions émerveillés, inquiets, persuadés que les choses étaient animées d'une vie secrète dont nous avions la clé.
Et j'ai pensé, en refermant L'élève Gilles, déçu qu'il fût si court, à ma propre enfance, à mes grandes vacances passées comme Gilles dans un grand jardin avec mes grands-parents; à ces moments aussi où je me sentais si fort, si tranquille. A toutes ces émotions que, j'en suis sûr, nous avons tous en nous, et que L'élève Gilles fait remonter à la surface.
Un livre à lire un jour d'hiver, en écoutant un concert de musique française, de piano et de violon, un samedi, avec le dimanche devant qui nous protège du sinistre lundi.
André Lafon - L'élève Gilles - Editions L'Eveilleur - 9791096011148 - 17€
Par Les ensablés
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 24/08/2017
175 pages
L'éveilleur éditions - Bordeaux
17,00 €
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17/07/2025, 09:17
À contre-courant d’une historiographie francophone lacunaire, cet essai de Michael Lucken interroge avec rigueur l’occupation américaine du Japon après 1945. En faisant du pragmatisme le fil rouge de son essai, l’auteur explore les ambiguïtés d’un projet démocratique sous contrôle militaire.
17/07/2025, 09:13
Mettre au monde, c’est le métier de Jill, sage-femme dans un hôpital de la banlieue parisienne. Ne pas mettre au monde, c’est le sujet de Marguerite, chercheuse à l’université, qui étudie l’histoire des avortements illégaux et prépare un colloque sur la loi Veil.
17/07/2025, 09:00
Peter est un jeune garçon, différent des autres, qui dit ce qu’il pense, un peu torturé, souffre-douleur des brutes de sa classe dont Gus, son voisin particulièrement violent. L’arrivée de Charlie qui va prendre sa défense et vouloir devenir son amie, lui ouvrira de nouveaux espoirs pour alléger un quotidien bien lourd à porter.
17/07/2025, 08:41
Avec éclat, la comédie musicale états-unienne incarne et justifie l’artifice de Hollywood. Pénétrer dans son intimité, tel est le but de cet opus. Avec ses coutumes et ses légendes, sa frivolité et sa morale, sa passion des corps et son goût de l’espace, pendant trente ans, le musical fut un monde. Il fallait examiner sa genèse, ses lois et sa fin, décrire ses régions, Warner, mgm ou Fox, mais aussi découvrir son unité et son sens.
17/07/2025, 07:00
Ruth vit dans une maison victorienne avec Dino, son ancien compagnon, un petit trafiquant au comportement fantasque. Les journées s’étirent entre désœuvrement et mélancolie, jusqu’à ce qu’elle entame une nouvelle vie sous le nom de Baby, danseuse dans un club de strip-tease. Sous les projecteurs, elle revêt un autre visage. Mais la disparition soudaine de Dino fait basculer son fragile équilibre.
16/07/2025, 17:17
« Il est incroyable que la perspective d’avoir un biographe n’ait fait renoncer personne à avoir une vie ». Cette boutade de Cioran ne s’applique guère à la biographie d’Antoinette Fouque sous la plume de Jocelyne Sauvard. En effet, elle relève avec brio le défi d’avoir à faire surgir d’entre ses pages la figure d’une femme, une femme à la raison ardente, au pragmatisme inspiré, à la fougue réfléchie, une femme écartant les césures artificielles pour affronter le réel et pour dire la réalité d’un combat pour les femmes. Texte par Laurence Zordan.
16/07/2025, 14:03
Avec Les héros du peuple sont immortels, Stéphane Oiry raconte l’histoire de Gilles Bertin, de l’ascension du groupe punk Camera Silens qui a animé la scène bordelaise entre 1981 et 1986, d’un braquage désormais fameux, d’un exil douloureux, de relations amoureuses, d’une maladie infectieuse et finalement d’une rédemption salvatrice. Il retrace toute une époque (presque une épopée), à travers une destinée hors du commun et pourtant profondément humaine.
16/07/2025, 13:52
Dans Rêve d’une pomme acide, Justine Arnal dissèque la vie ordinaire d’une femme mariée et mère de famille avec une lucidité implacable. Sous une prose apparemment douce s’enroule un texte tendu, ironique et amer, où l’usure domestique se mêle à la résignation silencieuse.
16/07/2025, 09:48
Dans ce nouveau roman et brûlent les enfances, Virginie Noar dissèque l’enfance sous un jour peu flatteur, loin des clichés d’innocence et de spontanéité. Un récit dense, porté par une langue nerveuse, où le désespoir affleure sous les faux-semblants du quotidien.
16/07/2025, 09:40
Le jour de la rentrée, Emma, 12 ans, partage un petit rituel secret avec ses meilleures amies. Un moment complice, entre amulette improvisée et formule murmurée. Chacune glisse un vœu dans l’univers, sans vraiment y croire. Sauf que, cette fois, quelque chose se passe.
15/07/2025, 18:38
Il y a des livres qui marquent, celui-ci en fait partie. Il frappe autant par ce qu’il raconte, les mémoires de Marie Lafarge écrites depuis sa prison, que par l’aventure éditoriale qu’il représente : celle de cinq jeunes étudiantes en édition de l’Université Bordeaux Montaigne, Mélissa Bajolle, Marie Château, Rosine Desnave, Flavie Gilibert et Eva Griso.
15/07/2025, 12:28
Dans une ville où les chaussures disparaissent mystérieusement et où les enfants devinent les failles du monde des adultes, Momtchil Milanov tisse, avec Le Ministère des rêves, une fable oscillant entre burlesque et mélancolie. Un roman qui dissimule son inquiétude derrière l'apparence d'un conte, sans parvenir totalement à l'enrober.
15/07/2025, 11:45
Annie est une Stella. Un robot qui ressemble en tout point à une femme, conçu avec la technologie la plus avancée – un produit de haute qualité, somme toute. Depuis peu, elle appartient à Doug, récemment divorcé, un homme en manque d’affection et de compagnie. Cette amante artificielle est destinée à le satisfaire, en tout point. Un jour, Doug enclenche son intelligence émotionnelle, décidant de faire d’Annie une partenaire à part entière…
15/07/2025, 10:26
Quelque part dans les Alpes en 1908, quatre voyageurs, un homme et trois femmes se pressent de rejoindre la ville d’Aloret-les-Bains, poursuivis par une milice officieusement mandatée par le cabinet du ministre de l’Intérieur. L‘arrivée de ces inconnus et de leurs poursuivants va provoquer du désordre dans cette petite ville tranquille.
15/07/2025, 09:51
Impossible de ne pas être enthousiaste pour parler de ce premier roman dont le communiqué de presse l’annonce comme « Punk, queer et sexy ». Il manque un adjectif : lumineux ! Sibylle et Simon sont deux marginaux vivant dans le nord de la France, malgré leur différence d’âge, ils entretiennent une relation dominée par l’angoisse, la drogue et beaucoup de tendresse.
15/07/2025, 09:44
À travers un travail aussi bien d’historienne que de chercheuse, Marie Richeux livre un récit bouleversant. Par l’histoire intime, puisqu'il traverse sa propre famille. Mais également parce qu'il évoque les destins interrompus de celles et ceux qu’elle croise sur son chemin.
14/07/2025, 10:00
Imaginons, et l'époque y est propice, un monde – le nôtre – où la fiction elle-même n’échapperait plus à l’automatisation. Avec un humour froid et une précision clinique (ou l'inverse), Clément Camar-Mercier dissèque dans ce nouveau roman, ce que proposerait la bascule vers un imaginaire standardisé. Grinçant, et plus inquiétant que comique.
14/07/2025, 09:30
Le cœur du poète est « un bazar sans index » et c’est bien pourquoi il faut absolument en écouter le « petit rien » qu’il libère tel un instant gigogne où se glisser, de taille en taille emboîté, jusqu’à cette « infime tendresse/ Qui se dresse dans la pénombre des maux ».
14/07/2025, 08:43
En 1890, au moment où elle amorce les premières versions de L’Âge mûr, Camille Claudel traverse une période de pleine effervescence artistique. Aucun signe de déséquilibre psychique ne transparaît alors. Seule sa fougue, son tempérament farouche, tranchent avec l’image attendue des femmes sous la Troisième République.
14/07/2025, 08:00
Voici un roman en forme de fable grinçante, qui explore les dérives d’un idéal qui promet la paix intérieure à coups de stages, d’optimisme forcé et de pensée magique. Sous couvert d’harmonie, il révèle un système lisse et séduisant qui s’infiltre partout : dans les open spaces, les applis de coaching et jusque dans les discours politiques.
14/07/2025, 07:30
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