Conscient d’avoir commencé sur de mauvaises bases avec la francophonie lors de son discours de Ouagadougou — il l’a lui-même reconnu —, Emmanuel Macron a pris son temps, durant une heure à l’Académie française, pour présenter son plan pour la francophonie et le plurilinguisme. Les ministres auront à détailler les mesures et leur mise en œuvre, le président de la République a tout de même laissé passer quelques-unes de ses idées... On récapitule, avec au passage quelques petites phrases, pour le plaisir.
Le 21/03/2018 à 11:00 par Antoine Oury
Publié le :
21/03/2018 à 11:00
Macron n’ignore pas que le discours est marqué, et peut notamment l’être dans une logique de domination. Revenant sur le passé colonial qui a parfois forgé la francophonie dans le monde entier, le président de la République s’est lancé dans une formule pour le moins étrange. « Mais il serait arrogant de dire que le français serait cette langue seule de la liberté. Non. On a torturé en français, on a fait des choses merveilleuses en français, et on continue à faire des choses merveilleuses et terribles en français. »
Des exemples ? Dans la phrase suivante, Macron évoque « les tyrans » qui utilisent le français, ajoutant qu’aimer cette langue « n’est pas leur donner quitus », réponse à la tribune d’Alain Mabanckou, qui avait refusé de participé à son plan francophonie, notamment pour cette raison.
Ces derniers mois, l’Académie française a pu participer à des débats autour de la langue française, certes, mais qui débordaient quelque peu sur la société tout entière : la féminisation des noms de métier ou le fameux point médian a agité les foules et les discussions, poussant même l’institution à affirmer que l’écriture inclusive était un « danger mortel » pour le français.
Évoquant le rôle de l’Académie, Macron semble avoir choisi son camp... « L’Académie a été conçue pour protéger la langue des coups de force inévitables de ceux qui veulent la soumettre à leur agenda politique ou dogmatique et faire de la langue non pas un être qui vit et respire, mais un outil soumis au programme de quelques-uns. L’idée fondatrice fut que la langue française ne vivrait réellement que si on donnait la prééminence à l’usage, que les règles donc devaient être préservées et observées contre les précieuses et les précieux, de tout temps. Et nous en avons encore. »
Façon Albert Camus avec Monsieur Germain, Emmanuel Macron a rendu un vibrant hommage aux professeurs de français pour la première mesure de son plan pour la francophonie et le plurilinguisme. Malgré un « conflit d’intérêts biographique » que relève le président vis-à-vis de sa propre personne, il souhaite « faire se lever une génération nouvelle, militante, ambitieuse, une génération de ces héros bien particuliers qu’on appelle les professeurs de français ».
Le président veut investir et replacer la lecture et l’écriture au centre de l’apprentissage, avec la « grammaire, le vocabulaire, l’étymologie et bien souvent la littérature [qui] sont le terreau où nos vies s’enracinent ». Un accent mis sur l’éducation à la fois en France, notamment dans les zones d’éducation prioritaires, et hors des frontières.
« La lecture redeviendra le cœur de l’apprentissage », a affirmé Emmanuel Macron. Les œuvres intégrales seront à nouveau mises en avant, mais aussi les auteurs de langue française, « même s’ils ne sont pas Français ou d’origine ». Par ailleurs, la journée du 20 mars sera désormais dédiée « à la connaissance des littératures en langue française ».
« Les recommandations formulées par Erik Orsenna et Noël Corbin [...] seront suivies scrupuleusement », a rappelé le président de la République. « L’ouverture des bibliothèques est un combat pour l’émancipation. Ouvrir dans les villes et les villages, où cela a du sens, où cela est souhaité, porté par les élus, les maires, au premier chef », c’est permettre d’avoir accès au livre et à la tranquillité qui l’accompagne, indique le président.
Alors que le traitement des personnes réfugiées en France fait débat, Emmanuel Macron n’a pas hésité à citer leur cas : « Ce devoir d’apprendre le français en France s’impose de manière plus impérieuse au moment où nous devons accueillir des hommes et des femmes chassés par la guerre et leur donner un destin au sein de notre communauté nationale. Je ne vois pas de meilleur titre de séjour pour eux que la langue française, et c’est par là aussi qu’ils entreront dans la nation, qu’ils trouveront leur juste place. »
Les 250 heures de cours de français proposées aux réfugiés seront portées à 400, « voire 600 heures » pour les personnes les plus vulnérables, ne sachant ni lire ni écrire. Des bibliothèques et médiathèques de référence seront aussi mises en place dans les villes.
Soulignant la force du plurilinguisme et celle du français comme « langue de traduction ». « Le Grand Prix de la Traduction est en effet un moment important qui met en lumière et en valeur le rôle essentiel des traducteurs. Je souhaite que nous puissions aller plus loin, accompagner les éditeurs dans ce travail essentiel », a déclaré Emmanuel Macron en évoquant à la fois les langues européennes et non européennes, avec l’arabe, le chinois et le russe en tête. Évidemment, la traduction du français dans les autres langues fait aussi partie du programme.
Emmanuel Macron a profité de son discours pour préciser la mission confiée à Leïla Slimani sur la création en français : « Son rôle est de relier, nouer, faire converger et donc de repérer et sentir les dynamiques qui sont à l’œuvre, de percevoir les signaux faibles et de saisir les mouvements qui émergent. » On ne sait pas trop ce que cela signifie, mais Macron évoque la création d’un Collège des Francophonies, « qui mettrait en relation les académies des pays d’expression française », réunis au moins une fois par an pour collecter la diversité des usages du français et superviser la rédaction des dictionnaires.
Pour « décloisonner les milieux de l’édition francophone et favoriser les cessions de droit du français vers le français », Macron veut des états généraux de l’édition en français. Ce serait là une solution à la question récurrente de l’accès aux livres numériques à l’étranger et dans les territoires d’outre-mer, trop souvent bloqués pour des questions de droits et de territorialité. Macron évoque aussi le prix des livres, et l’on pense à celui des livres imprimés, majoré en raison de l’éloignement de la métropole.
Ces États généraux de l’édition en français auraient lieu lors du Festival Étonnants Voyageurs, dès son édition 2018. Épatant : même le cabinet de la ministre de la Culture n'était pas informé de ce projet...
« L’Institut français sera renforcé dans son rôle », a assuré Emmanuel Macron, tandis qu’à Paris seront réunis Institut français et Alliance française dans un même lieu pour assurer une bonne coopération. Par ailleurs, le président a annoncé 10 ouvertures d’Alliance française par an, dès 2019. « Je souhaite aussi que les crédits alloués à ces institutions soient pleinement sanctuarisés », a souligné Macron, précisant par ailleurs que les diplomaties culturelles devaient se déplacer dans les villes et ne plus « se cantonner aux beaux quartiers ».
Le discours est disponible en intégralité ci-dessous.
LIVE | Notre ambition pour la langue française et le plurilinguisme. #Francophoniehttps://t.co/wvR4Fe06op
— Élysée (@Elysee) 20 mars 2018
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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