« Au tout début de son épopée, Marvel est l’équivalent d’un groupe de rock médiocre qui se produit dans des bars. La société n’est pas encore “la maison des idées”, qu’elle deviendra plus tard. À ce moment-là, c’est davantage “la maison des idées des autres”. » Ainsi, l'ouvrage de Reed Tucker explique l'évolution du marché du comics, et spécifiquement de la maison Marvel.
Le 19/04/2018 à 13:57 par Auteur invité
Publié le :
19/04/2018 à 13:57
Toute la semaine, ActuaLitté vous propose de découvrir des pasages de Super-war ; Marvel versus DC Comics, Fantask Editions. Une somme, et livre de référence...
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
« Nous étions une boîte de copieurs et de plagiaires », avouera Stan Lee plus tard à propos de l’éditeur qu’il rejoint pour la première fois en 1940, en tant que coursier. Le fondateur de Marvel s’appelle Martin Goodman. Né à Brooklyn, il commence à produire des magazines bas de gamme, un peu comme les hommes qui ont lancé DC.
Au cours des années 1930, son empire gonfle pour englober plusieurs dizaines de petites structures éditoriales différentes. (Dit comme ça, ça en impose, mais, en vérité, cette structuration a pour but l’évasion fiscale.) La majeure partie de son activité gravite autour de magazines qui, soi-disant, « donnent à transpirer », en premier lieu desquels Swank et Stag. Mais ses sociétés vomissent également des centaines de titres pulp autour du western, d’aventures qui se déroulent dans des jungles, et d’histoires de détectives. Goodman sort son tout premier comic book en 1939, via sa petite structure Timely.
Marvel Comics no1, comme tant d’autres qui remplissent alors les étals des kiosques durant ces années-là, a été conçu pour surfer sur la vague du succès qu’a engagée DC avec son Superman. Le numéro introduit les premiers super-héros du groupe : la Torche Humaine, l’androïde combustible de Carl Burgos, et le Prince des mers de Bill Everett. « Franchement, on essayait de damer le pion à Superman », avouera plus tard Everett à propos de Namor en 1971.
Ces deux personnages, auxquels il convient de rajouter un héros patriote créé par Joe Simon et Jack Kirby, dont la publication, Captain America Comics, et constituant le grand succès de l’éditeur, restent notables aujourd’hui encore (non sans un certain degré de fluctuation quant à leur popularité) et ils demeurent l’exception, les autres créations du catalogue sombrant lentement mais sûrement dans l’oubli. Martin Goodman axe la suite du développement autour du succès de Marvel Comics no1 en pondant une liste de super-héros qui ne feront pas long feu, à commencer par le Phantom Bullet, le Blue Blaze et la Blonde Phantom.
Quand les ventes du genre s’effondrent à la fin des années 1940, il se tourne vers d’autres horizons. « Marvel s’était construit sur une idée : “‘Regardons ce qui se vend chez les autres et faisons la même chose”’, raconte l’auteur de comics et historien Mark Evanier. C’était là toute l’histoire de Martin Goodman. Il était connu pour ça et lui-même le confessait tout le temps. » Le grand manitou de Marvel résume son approche stratégique ainsi, de son propre aveu : « Si tu repères un titre qui connaît le succès, alors n’hésite pas à lui faire des petits. Tu en dégageras de bons bénéfices. »
Cette philosophie singulière peut s’avérer pertinente en vue des résultats financiers, mais, dès lors qu’il s’agit de créer un produit de qualité, l’idée laisse franchement à désirer. Vous n’avez qu’à demander à ceux qui se sont cognés ce deuxième film à propos d’un astéroïde dont la collision avec la Terre est imminente, ou l’autre qui met encore en scène une nouvelle catastrophe volcanique.
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ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Depuis son arrivée chez Marvel, Kirby passe le plus clair de son temps a` produire des histoires de monstres de série B, comme The Creature From Krogarr. En 1961, il fait donc équipe avec Lee pour concevoir les péripéties d’une équipe de héros d’un nouveau genre, et les résultats seront autrement plus mémorables.
Ils débouchent alors sur cette idée, une bande d’aventuriers qui reçoivent des super-pouvoirs après avoir séjourné dans l’espace où ils ont été bombardés par des rayons cosmiques. Le scientifique Reed Richards – alias Mister Fantastic –, obtient la capacité d’étirer son corps comme du caoutchouc. Sa petite amie, Sue Storm, parvient à se rendre invisible, donc elle se choisit le surnom de Femme Invisible.
Le frère de cette dernière, Johnny Storm (la Torche Humaine) arrive à s’enflammer et, enfin, l’ami de Reed, Ben Grimm (la Chose) est transformé en un monstre de roche orange. Écrit comme ça, on peut ne pas trouver l’idée bien originale. D’autant que le cadre n’est pas sans faire écho à une série que Kirby avait illustrée pour DC en 1957, Challengers of the Unknown, et dont l’histoire traite d’un groupe de quatre héros qui, après avoir survécu à un crash d’avion, acceptent des missions en tous genres.
The Fantastic Four, qui de´boule dans les kiosques en août 1961, a toutefois un atout majeur qui le distingue du quatuor amateur de défis de DC et de la plupart des autres héros d’ailleurs, toutes époques et tous éditeurs confondus.
« Nous avons essayé d’injecter plusieurs doses de réalisme, comme on le disait alors, dans ces histoires, explique Stan Lee dans un entretien radio datant de 1968. Nous pensions que ce n’est pas parce que tu es doté d’un super-pouvoir que tu n’as pas de pellicules dans les cheveux, ou que les filles te tombent raidesdingues dans les bras, ni meˆme que tu arrives a` boucler tes fins de mois. »
Kirby et Lee tentent donc d’instiller un peu d’humanité dans ces personnages plus grands que nature. Pour la première fois, les super-héros sont confrontés à des problèmes et des inquiétudes que monsieur et madame tout le monde peuvent eux aussi endurer et éprouver. Ils deviennent ainsi davantage tridimensionnels. « Ce sont de vraies personnes qui sont juste dotées de super-pouvoirs. Ce ne sont pas des gens super-puissants qui essaient d’être humains », avance John Byrne, dessinateur et scénariste de longue date chez Marvel, au cours d’une interview pour Comics Feature en 1984.
Dans le monde des Quatre Fantastiques, puissance peut rimer avec jouissance, mais c’est un leurre. Et même, ces fameux pouvoirs seront à la source de bien des ennuis. Les Quatre réagissent face à leurs nouvelles aptitudes et les modifications corporelles induites un peu comme dans une scène extraite d’un film d’horreur. Ben Grimm est effondré de se voir prisonnier dans cette espèce de corps rocailleux et orange. Sue est terrifiée quand elle commence à disparaître.
Une autre touche particulièrement novatrice : les personnages se chamaillent entre eux comme des gamins qu’un trajet en voiture trop long énerve. « Pour empêcher que ça verse un peu trop dans les bons sentiments, il y a toujours une friction entre Mister Fantastic et la Chose d’un côté, et la Torche Humaine qui prend le parti de Madame F », écrit Stan Lee dans son synopsis tapé à la machine en 1961 au sujet de ce premier comic.
Retrouver le premier épisode
Reed Tucker – Super-war ; Marvel versus DC Comics – Fantask Editions – 9782374940175 – 25 €
Paru le 26/01/2018
520 pages
Fantask
25,00 €
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