Le projet d’impression à la demande que porte l’ANEL fut présenté à l’occasion des Assises de l’édition organisées par le Salon du livre de Genève. L’Association nationale des éditeurs de livres développe une stratégie commerciale pour l’export des titres québécois et franco-canadiens.
Le 31/05/2018 à 14:28 par Nicolas Gary
Publié le :
31/05/2018 à 14:28
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Éveline Favretti, chargée du projet IAD, apporte quelques précisions contextuelles d’importance. Sur 2016-2017, les ventes à l’export des éditeurs bénéficiant du Fonds du livre du Canada pesaient pour 69,4 millions $ CA.
Et de préciser : « Les exportations de tous les bénéficiaires du FLC (à travers le pays et toutes catégories de livres confondues) s’élevaient à 121,7 millions de dollars. Ces ventes représentent près de 50 % des exportations, alors que les francophones au Canada représentent un peu moins de 23 % de la population. »
Certes, ce dernier chiffre ne comprend par les francophiles, mais les éléments permettent d’avoir une représentation significative de l’édition outre-Atlantique. D’autant plus que l’échantillon qui fournit ces données comporte des maisons indépendantes – suivant les critères d’éligibilité au FLC. Il faut ainsi être en activité depuis plus de 12 mois, que la structure soit à 75 % minimum contrôlée par des Canadiens, disposer d’un siège sur le territoire avec 75 % des employés basés au Canada, etc..
L’idée d’une passerelle entre les éditeurs québécois/franco-canadiens et les territoires francophones se comprend donc très bien. Dans un premier temps, le répertoire des titres doit contenir 1000 ouvrages issus d’une vingtaine de maisons – ou plus. Ainsi, l’IAD devient un outil de commercialisation et de diffusion avec la perspective d’une implantation en France, en premier lieu.
« Le projet a été officiellement présenté le 28 mars 2018 aux membres de l’ANEL, mais nos travaux ont commencé en septembre 2016 », nous indique Gilles Herman, responsable du projet, et directeur des éditions du Septentrion.
« Les éditeurs québécois et franco-canadiens rencontrent encore aujourd’hui cette difficulté à rendre leurs catalogues disponibles sur les territoires étrangers – la France, par exemple, mais l’international plus largement. Certaines maisons font de gros efforts, comme Lux, La peuplade ou Ecosociété, mais pour tous, il reste coûteux et long de faire venir les livres depuis Montréal », poursuit-il. « L'impression à la demande peut y répondre. »
Mais qu’entend-on par Impression à la demande ? Il s’agit, précisément d’une « technologie qui consiste à imprimer un livre en un exemplaire à la suite de sa vente (en librairie ou en ligne) ou en de très courts tirages dans une stratégie commerciale précise, par exemple pour un événement précis ».
Cette méthode, déjà largement connue, offre des solutions spécifiques pour traverser plus aisément les océans, limiter les coûts de transport et donc de diffusion. Dans cette perspective, l’ANEL se positionne comme responsable de la logistique, auprès des éditeurs partenaires.
Joanna Penn, CC BY 2.0
Écourter les délais de livraison devient alors un enjeu, « même si le coût final est identique pour l’éditeur, qui va peut-être économiser 30 % sur la livraison, ça réduit le temps et la distance entre le livre et le lecteur ». L’évolution des coûts de production grâce aux presses numériques permet, plus que quelques années encore, des résultats solides.
À ce jour, cinq partenaires ont été identifiés, avec leurs conditions d’utilisation et l’organisation. « Certains ont besoin que le fichier soit bien structuré, ce qui est le cas pour les romans. D’autres sont spécialisés dans les reliures. Tout dépend des modèles et le rôle de l’ANEL est avant tout de présenter aux membres les grilles tarifaires et le fonctionnement de chacun. »
Charge, ensuite, aux éditeurs de choisir les meilleures options pour eux, et de faire figurer leurs ouvrages dans les bases de données type Dilicom ou Electre.
Avec un millier de titres, le répertoire ainsi constitué disposerait d’une certaine masse critique nécessaire à des retours significatifs. « Pour chaque fichier, l’éditeur indique à l’imprimeur les livres qu’il souhaite rendre disponibles à l’impression à la demande ainsi que les caractéristiques du livre », précise-t-on.
« 1000 titres, c’est un objectif. Et du côté des éditeurs, la principale interrogation porte sur le modèle économique », indique Gilles Herman. Une maison québécoise qui est distribuée en France devrait en effet piloter une offre directe et une offre en IAD.
« Nous avons ouvert des discussions avec Distribution du Nouveau Monde pour que leur structure intègre ces catalogues, cela pourrait aider. » Car tout est une question de temps passé : « L’ANEL doit fournir une solution clef en main, où les maisons n’auront plus qu’à choisir sans avoir à y réfléchir trop longuement. »
Un document final est en cours de rédaction, avec les coordonnées, les contrats types avec les partenaires imprimeurs, etc. Le Québec n’aura jamais autant fait pour se rapprocher des lecteurs francophones... Évidemment, si la France est le premier territoire ciblé, Belgique et Suisse sont également dans la ligne de mire, avec dans un troisième temps, l’export vers d’autres marchés extérieurs, comme l’Afrique francophone.
Québec Éditions - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Pour les éditeurs, même s’ils ne sont pas membres de l’ANEL, le principe est simple : il faudra s’engager économiquement pour la moitié du coût de préparation des fichiers. Différents fournisseurs/prestataires sont proposés aux maisons pour mettre en place la procédure – raison pour laquelle il faudra adapter les fichiers aux caractéristiques demandées.
Et de souligner que le projet permettra :
Côté financement, en partie finance par le gouvernement du Canada, « la subvention est gérée par l'ANEL. Les éditeurs membres de l'ANEL bénéficient d'un soutien de 50% pour les coûts associés à l'adaptation des fichiers et l'ANEL (la subvention du FLC) assure l'autre 50%. Les non-membres de l'ANEL reçoivent un soutien de 25% », précise Éveline Favretti.
Le projet cible pour l’instant, l’export, et nullement le territoire local. Pour les contrats avec les auteurs, poursuit-elle, rien ne bouge : « En fin de compte, on vend un livre imprimé, donc les contrats en vigueur s’appliquent. Il n’y a pas de changement de ce côté-là, pour autant que l’éditeur a le droit de vendre sur le territoire visé. »
Gilles Herman précise : « C’est avant tout une satisfaction pour les auteurs, parce qu’on parviendra possiblement à vendre 20 ou 30 exemplaires du livre, là où l’on n’en vendait aucun. » Mais la perspective de pouvoir donner une seconde vie à un fonds épuisé ou en fin de vie se profile. « Pour certains livres, on ne réimprimerait plus 500 exemplaires, mais on placerait en Impression à la Demande. »
De fait « c’est ici l’exploration d’un nouveau mode de diffusion/distribution, essentiellement pour faciliter la logistique ou explorer de nouveaux marchés. Mais si ça ne marche pas, l’éditeur peut se retirer en tout temps », conclut Eveline Favretti.
Des discussions avec l'UNEQ, Union des écrivaines et des écrivains québécois, seront à prévoir, pour ce qui touche au territoire québécois, dans tous les cas. « Depuis deux ans, nous entretenons des discussions régulières. Nous avions d'ailleurs publié un lexique commun portant sur le contrat d'édition qui résulte de ces échanges. Et bien entendu, nous devrons évoquer le sujet de l'impression à la demande pour le Québec avec eux. »
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