L’aventure des boîtes à livres dans la région Bretagne s’achève avec ce dernier article. Trois témoignages, partageant des manières de s’approprier tant la culture locale que les lieux, afin d’explorer au mieux le quotidien des habitants. Avec l’été qui s’avance, pourquoi maintenant ne pas vous lancer dans la vôtre ?
« Quatre lycéens en bac professionnel “Services aux personnes et aux territoires” (SAPAT) devaient bâtir un projet territorial, explique Éliane Huault, directrice de la médiathèque d’Auray. Ils ont écrit au maire pour proposer une bibliothèque de rue. Le maire nous a demandé de les rencontrer et ce travail scolaire nous a embarqués dans une chouette aventure. J’ai expliqué aux lycéens qu’il ne s’agissait pas seulement de construire une boîte, mais qu’il fallait présenter le projet aux élus de la commission culture, expliquer le but, la façon de le mener. »
Elle poursuit : « Alors que je pensais qu’il faudrait beaucoup argumenter, les élus ont été emballés. On a discuté des emplacements, du fonctionnement des boîtes après l’année scolaire pour que ce ne soit pas un projet éphémère. Il y avait un partenariat avec une formation pour adultes en menuiserie en construction nautique, pour fabriquer une boîte à partir d’une coque de bateau. »
Les jeunes ont ensuite récupéré des livres, par des dons, par le centre de documentation du lycée, on les a aidés aussi. Trois boîtes sont installées, deux sont surveillées par deux agents de la bibliothèque qui habitent à proximité et la troisième par une riveraine qui était bénévole dans une ancienne bibliothèque associative.
« Nous aimerions installer une quatrième boîte dans un square fréquenté par des personnes âgées. Nous suivons le projet, mais il ne nous appartient pas. Un adhérent y va quand nous sommes fermés ; un monsieur nous a écrit qu’il trouvait géniale cette liberté. De notre côté, l’investissement financier est minime : nous avons mené le projet sur notre temps de travail habituel, les boîtes ont été fabriquées par les partenaires avec l’appui des services techniques, les livres sont gratuits. Le travail avec les lycéens s’est bien passé, je suis prête à recommencer. »
Régulièrement, les enfants participent à la mise en place des boîtes à livres dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté. Cela passe souvent par le conseil municipal des jeunes (Guer, Le Conquet, Liffré, Saint-Avé, Sérent, Plaintel, Lorient, Le Sourn, Quimperlé, Cléguérec, Saint-Vincent-sur-Oust), ou parfois par un établissement scolaire.
En 2013, dans le cadre d’un projet de développement durable autour du papier, accompagnés par la documentaliste et le professeur de technologie, les collégiens de Broussais à Dinan ont fabriqué quatre boîtes à livres installées à la piscine des Pommiers et au jardin d’insertion à Léhon, dans un restaurant et dans un bar à vin à Dinan. Trois ans plus tard, ils étaient imités par la commune de Dinan qui installait quatre jolies boîtes en ville.
À Morlaix, les voisins de la tortueuse rue de l’ingénieur Fenoux s’entendent bien. C’était un soir de l’été 2014, entre l’apéritif et la viande au barbecue. « On était plusieurs lecteurs assidus à ne plus trop rien faire de nos anciens bouquins, raconte Julia Thatje. Il y avait cet ancien lavoir, à deux pas de chez nous. L’idée d’y installer une bibliothèque à partager a surgi assez tôt dans la soirée ! »
Plusieurs lavoirs morlaisiens ont été réhabilités, mais pas celui-ci, probablement en raison de son architecture très ordinaire. « Avec les gens du quartier, on l’a bien nettoyé, poursuit Martine Priser. Je me suis aperçue que des gens qu’on ne connaît pas l’entretiennent aussi. » Les messieurs construisent les étagères, qu’on installe à l’abri des intempéries.
« Dans la rue, nous sommes au moins quatre gros lecteurs, précise Martine. Je mets de tout, des livres de poche, la plupart du temps, parfois des bouquins que j’ai en double. Au départ, tout le monde nous disait que ce serait vandalisé, mais non, et nous entamons notre quatrième année. » Les anciens magazines comme Géo ou Historia ne font pas long feu, de même que certains vieux ouvrages à connotation historique. L’endroit porte le nom de Troc’lavoir.
Martine et Julia s’y rendent régulièrement pour nettoyer, balayer, ranger ou trier les livres. Les deux femmes sont à l’aise avec les livres, l’une est enseignante d’anglais à la retraite, l’autre est documentaliste en collège. Les premiers temps, les animatrices du lavoir retrouvaient de sympathiques mots de billet, comme celui de ce touriste : « Je vous ai emprunté un livre de recettes bretonnes, mais j’habite en Allemagne, je suis désolé, je ne pourrai le rendre. »
Désormais, les utilisateurs disposent d’un cahier et d’un crayon pour inscrire leurs mots doux. « C’est bien, mais il y a beaucoup de livres d’adultes et pas beaucoup de livres d’enfants », regrette Anna Prigent du haut de ses quatre ans. Garance, de trois ans son aînée, a déjà déposé « des livres de bébé » qu’elle délaissait.
« J’aime bien quand il y a des J’aime lire, explique-t-elle. Parfois, il y a des trucs bien, Babar, des livres sur les animaux et une fois, j’ai trouvé un livre sur les Égyptiens, avec les momies, les pyramides, les rois... » Des livres que les bambins conservent précieusement. « Ils ne veulent pas les rendre, observe Martine. Pour eux, un livre du lavoir a plus de valeur qu’un livre acheté. »
en partenariat avec Livre et lecture en Bretagne
Par Auteur invité
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