C’est une première, et la lauréate elle-même ne peut que s’en réjouir : le prix Strega, l’équivalent italien du Goncourt en France vient, après quinze années d’attente, de récompenser une femme. Helena Janeczek, devient l’élue 2018, pour son livre La ragazza con la Leica.
Publiée chez Actes sud depuis 2012 – Les hirondelles de Montecassino et Traverser les ténèbres, traduction de Marguerite Pozzoli — Helena Janeczek a fait paraître son dernier livre en Italie chez Guanda. Elle devient la 72e lauréate de ce prestigieux prix littéraire (et légèrement alcoolisé, le sponsor est une marque de liqueur), tout en mettant fin à quinze années de domination masculine. C'est aussi le premier prix Strega pour sa maison d'édition.
Le roman débute ce 1er août 1937, lorsqu’un défilé de drapeaux rouges parcourt Paris : c’est le cortège funèbre de Gerda Taro, première photographe morte sur un champ de bataille, et qui aurait eu ce jour-là 27 ans. Au premier rang, Robert Capa est dévasté : il lui avait enseigné la maîtrise du Leika — appareil photo d’origine allemande, alors star des amateurs — avant leur départ pour la guerre d’Espagne.
Dans la foule, on retrouve bien d’autres proches et amis : pour tous, Gerda Taro restera une présence forte, incarnant l’antifascisme porté à travers ses clichés. Qu’elle les ait blessés ou déçus, sa joie de vivre, sa soif de liberté, furent les étincelles qui constamment ravivaient la flamme, et demeurent, des décennies plus tard.
Un roman historique, qui a commencé, raconte l’auteure, avec une exposition qu’elle découvrit en 2009 à Milan. « Je travaillais alors sur mon précédent livre, Le rondini di Montecassino. […] J’ai vu la première rétrospective sur Gerda Taro, et cette femme a commencé à m’intriguer. » La personnalité, tout en paradoxe, achève de la passionner : « Elle était courageuse et frivole, déterminée et enjouée, rationnelle et désinvolte », poursuit la romancière.
photo de Gerda Taro, domaine public
Née à Stuttgart le 1er août 1910, la photojournaliste allemande est avant tout connue pour ses reportages durant la guerre d’Espagne. Gerta Pohorylle, de son vrai nom, rencontrait un confrère hongrois, Endre Ernő Friedmann, avec qui elle se lie. Mais leur carrière ne tourne pas bien, et voici qu’elle décide de leur créer des pseudonymes : ce sera le début de Robert Capa et Gerda Taro, couple immédiatement identifié.
Son éloge funéraire fut prononcé par Pablo Neruda et Louis Aragon — peu avant qu’elle ne soit enterrée au cimetière du Père-Lachaise. Le sculpteur Alberto Giacometti lui dessina sa tombe, avec simplement une vasque représentant Horus — le faucon symbolisant dans l’Égypte antique, la résurrection. L’année suivante, Robert Capa fit paraître Death in the Making, un ouvrage de leurs photos communes.
La ragazza con la Leika n'est pas encore prévu en France.
2 Commentaires
marguerite pozzoli
08/07/2018 à 14:13
Le livre "La fille au Leica" sortira aux éditions Actes Sud début octobre 2018.
Photojournaliste
08/07/2018 à 17:59
Excellente nouvelle !