POLAR – Quoi de mieux pour débuter mes vacances qu’un bon polar à la couverture rouge et jaune ? Je n’ai nullement dissimulé ma joie à la réception la veille de mon départ d’un colis contenant le dernier livre de Marc Fernandez, Bandidos. Quel bonheur de retrouver le ténébreux journaliste Diego Martin et ses trois drôles de dames pour ce nouvel opus, qui vient clore la trilogie hispanique initiée avec Mala Vida. Après le Chili, l’Espagne, départ immédiat pour Buenos Aires !
Le 01/10/2018 à 14:02 par La Licorne qui lit
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Publié le :
01/10/2018 à 14:02
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Je crois l’avoir déjà dit, mais il y’a certains auteurs qui méritent qu’on s’y attarde un peu, et Marc Fernandez en fait partie. D’abord, parce que c'est un éditeur, un vrai, qui réalise un travail remarquable en nous faisant découvrir des nouveaux talents (Collection Sang Neuf, Plon) ; ensuite, parce qu’il parvient à nous emmener dans ses histoires : preuve en est, à chaque fois que je finis un des ses livres, je parle espagnol à la perfection ; enfin, parce qu’il nous parle de réalités qu’il connaît, qu’il a vécues, qu’il a combattues, et que cela se sent.
Rappelons que Marc Fernandez a couvert pendant de nombreuses années l’Espagne et l’Amérique latine comme reporter pour le Courrier international. Cereza en el castel – traduction littérale — lorsque Marc fait une promesse, il jure, il crache et il la tient. Et j’apprécie infiniment les gens qui n’ont qu’une parole.
Le roman débute avec la découverte d’un cadavre au Casa de Campo, grand parc situé au cœur de Madrid. Une jeune femme est retrouvée à moitié calcinée, mains menottées, une balle dans la tête. Au même moment, à Buenos Aires, une foule est ressemblée sur la célèbre Place de Mai pour rendre hommage à Alex Rodrigo, journaliste assassiné 20 ans auparavant — jour pour jour — pour avoir pris la photographie interdite : celle de l’homme de main et de l’ombre du pouvoir argentin. Il n’y pas de coïncidence, pas de hasard : 1997, 2017, les deux victimes ont été tuées sur le même mode opératoire.
Les deux victimes étaient en effet frère et sœur. Quelques jours plus tard, Rafael Roca, compagnon de route d’Alex et rédacteur en chef de l’Información, équivalent du Monde en Argentine, se fait violemment agresser devant son domicile.
Diego Martin connaissait Célia Rodrigo. Il l’avait rencontrée, ainsi que Rafael, alors qu’il couvrait le meurtre d’Alex. Quoi de plus normal pour l’animateur d’Ondes confidentielles que de se lancer dans l’enquête. Il doit absolument comprendre pourquoi les évènements se répètent de la sorte à deux décennies d’intervalle, et qui se cache derrière les crimes. Il ne se fait donc pas prier très longtemps par son ami Pablo, policier à la criminelle madrilène : ils s’envolent, accompagné de la fantasque détective Ana, direction la ville du tango, de Borges et d’Evita.
Vous vous en doutez, les morts sont un bon prétexte, mais l’amour en est encore un meilleur. Car oui, Diego va enfin retrouver Isabel, la belle avocate exilée de force de l’autre côté de l’Atlantique, pour avoir voulu faire justice aux bébés volés du franquisme. Nos tourtereaux ne sont pas mécontents de se retrouver et ne tardent pas – un peu trop rapidement à mon goût — à tomber dans les bras l’un de l’autre…
Trêve de romantisme et de mièvrerie, revenons à nos affaires : tant à Madrid qu’à Buenos Aires, Diego et sa fine équipe vont se heurter à des obstacles de taille. Corruption institutionnalisée, mensonges d’État, désir obsessionnel de vengeance, alliances de circonstances, risque de soulèvement populaire, la vérité ne sera pas simple à appréhender et toute personne s’intéressant d’un peu trop près aux cas Rodrigo se voit rapidement menacée, voire éliminée.
Faute d’éléments tangibles, Diego est contraint de rentrer à Madrid, et abandonne une nouvelle fois sa douce… Et, c’est à ce moment précis que certains fantômes ressurgissent des enfers pour terminer le travail, de manière définitive cette fois-ci.
Je n’ai jamais caché ma passion pour les histoires extraordinaires, les livres qui nous transportent dans des mondes fabuleux, les récits improbables qui nous arrachent temporairement à la banalité de nos existences. Pourtant, lire signifie aussi apprendre, se souvenir, ne pas oublier. Ne pas oublier qu’il n’y a pas un jour qui passe sans qu’un écrivain, un journaliste, un opposant politique, un défenseur des droits de l’homme ne soient réduits au silence pour avoir mis des mots et des images sur les injustices, les oppressions et autres dangers qui pèsent sur nos démocraties. Arrêtés, enfermés, brutalisés, assassinés uniquement pour avoir « exercé leur métier, celui d’informer ».
Car, bien que l’Argentine s’érige en modèle de stabilité et d’ouverture sur un continent encore gangréné par la violence, la censure et les trafics en tous genres, généralement cautionnés et encouragés par les gouvernements en place, le pays ne s’est pas encore dégagé de ses anciennes logiques et peut basculer dans le chaos à tout moment. Alors, un immense merci à l’auteur pour cette belle et enrichissante leçon de géopolitique et d’histoire qui, sous couvert de la fiction, nous bouscule nous remue. Le roman vient ici réveiller nos consciences citoyennes, qui ont trop souvent tendance à s’assoupir. Aux armes, et continuons de lutter pour rester libres. Libres de parler, de penser, de croire, d’écrire.
Au-delà de sa parfaite connaissance du terrain et se très fine analyse de la situation, Marc Fernandez est un excellent conteur. Je vous jure que vous ne lâcherez Bandidos qu’en cas d’extrême urgence, envie irrépressible d’un sorbet au citron vert, appel du verre de Rioja, besoin de quelques grammes de nicotine ou coup de fil urgent de ce type qui vous a offert ce fameux mojito – oui, il n’était pas si mal au final. Diego, Ana, Lea, Isabel, David, Pablo, Nicolás vont apparemment nous quitter pour laisser place à d’autres personnages et à d’autres terrains d’investigation. Ils me manqueront assurément, mais je me réjouis déjà de me plonger dans des nouvelles aventures aux accents latins…
Marc Fernandez – Bandidos – Préludes – 9782253107927 – 15 €
Paru le 03/10/2018
320 pages
LGF/Le Livre de Poche
15,90 €
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Simone G
10/10/2018 à 14:53
Troisième roman, toujours aussi bon ! Je viens de terminer Bandidos, effectivement au début de mes vacances, en trois jours, plongée totale dans ce polard bien ficelé qui laisse une belle place à l'humain (amour et amitiés) malgré le contexte (corruption, dictature, etc.)
Je recommande vivement comme les deux premiers, Mala Vida et Guérilla Social Club.