Dans la routine des prix littéraires de la rentrée, le Renaudot réservait une petite surprise au sein de sa liste : le livre de Marco Koskas, auteur franco-israélien de plusieurs ouvrages. Son dernier livre, Bande de Français, a été sélectionné parmi les 17 romans élus, avec un nom d'éditeur un peu particulier, Galligrassud. Une contraction de noms de maisons d'édition qui cache un ouvrage autopublié grâce au service... d'Amazon.
Très clairement, une frontière vient d'être franchie par le service d'autopublication d'Amazon, CreateSpace. Pour rappel, le libraire en ligne a mis en place il y a quelques années déjà un service permettant aux auteurs de publier directement leurs ouvrages dans sa boutique en ligne, en échange d'un pourcentage sur les ventes assez conséquent — plus de 50 % du prix de vente du livre.
L'édition traditionnelle — comprendre, à compte d'éditeur — n'a pas vu cette proposition d'un bon œil, tout en y voyant un simple succédané pour les livres rejetés par le système éditorial. L'autopublication, ou autoédition, ne représente pas une menace pour le métier, car il s'agit de deux systèmes différents, assuraient les professionnels.
Ce raisonnement vient de prendre un sérieux coup avec l'apparition d'un ouvrage autopublié dans la liste du Renaudot : on ne rappellera pas la valeur symbolique des sélections des prix littéraires, qui adoubent les éditeurs qui comptent dans le petit milieu germanopratin. D'ailleurs, Marco Koskas et Patrick Besson, le juré qui a visiblement soutenu le livre, selon l'AFP, s'en amusent : Galligrassud rassemble Gallimard, Grasset et Actes Sud, trois maisons habituées des prix.
Marco Koskas a connu le système de l'édition traditionnelle : Bande de Français est son 16e livre, depuis Balace Bounel en 1979, chez Ramsay, alors salué par le Prix du Premier roman. Depuis, il a publié des livres chez Grasset, Calmann Lévy, Lattès, Robert Laffont ou encore Fayard. Autrement dit, il ne s'agit pas de n'importe quel auteur qui s'autopublierait.
D'ailleurs, le Renaudot avait déjà choisi un livre autopublié par son auteur, dès 2010 : L'Homme qui arrêta d'écrire, de Marc-Édouard Nabe, diffusé sur le site personnel de ce dernier, avait alors été défendu par des membres du jury.
Ici aussi, c'est l'intervention de Patrick Besson qui a sans aucun doute pesé dans la présence du livre : dans Le Point du 16 août dernier, Besson a consacré une page au roman, qu'il a apprécié : il le qualifie de « récit alerte, violent, désordonné, où on entend cette musique de plus en plus rare dans la littérature contemporaine étouffée : la respiration de l'auteur ».
La grande nouveauté, en 2018, c'est la présence d'un livre publié par Amazon, société honnie par une partie du monde du livre — les libraires — et avec laquelle les éditeurs entretiennent une relation difficile, entre nécessité de sa puissance de vente et crainte du monopole.
À voir si le souffle du roman et de son auteur sera suffisant pour perdurer dans les prochaines sélections du Prix Renaudot, malgré la pression du milieu de l'édition...
mise à jour :
Par Antoine Oury
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20 Commentaires
Aurelyblabla
05/09/2018 à 16:23
:gulp:
Thierry Libraire
06/09/2018 à 07:53
Désolant -Lamentable pour ma part ce livre quelque soit sa durée de vie ne sera jamais vendu dans ma librairie. Nous allons je pense connaitre un mouvement de refus comme pour le livre "pschitt" d' Aphatie qui n'a même pas attentu 1 an pour passer en poche. Je propose même un boycott des auteurs membres du jury .Trop c'est trop
Élodie Torrente
06/09/2018 à 08:52
Bonjour,
Je suis bien d’accord avec vous cher Thierry Libraire. Où va-t-on ? De qui se moque-t-on ? Dans le même temps, quand je vois les difficultés rencontrées par mon éditrice pour diffuser mon premier roman qui semble pourtant avoir la côte de la part des lecteurs et des rares libraires qui ont pris le temps de le lire, je me dis que ce petit monde germanopratin n’est pas près tout comme le copinage de s’éteindre. Hélas !
Quant à Amazon, il faudra certainement attendre que toutes les librairies et notamment les niveaux 1 ferment pour que ce monde de l’édition (auteurs compris) et lecteurs comprennent le mal qu’il nous fait.
Bonne rentrée littéraire à vous.
Sébastien
06/09/2018 à 11:33
"pour ma part ce livre quelque soit sa durée de vie ne sera jamais vendu dans ma librairie" c'est grâce à ce type de raisonnement qu'Amazon aura la peau des libraires...
Richard
06/09/2018 à 08:38
Ce serait comique que le Renaudot ne puisse pas être acheté par le pass Culture (l'autoédition, qui plus est venant d'Amazon, étant honnie par celui-ci) et que l'on ne le trouve pas en librairie (cf Thierry).
Ah, il est loin le temps où l'on jugeait un livre à son contenu ...
Marie
06/09/2018 à 09:33
Votre message est tellement absurde ! Que faites-vous si ce n'est NE PAS juger ce livre à son contenu ? Vous vous limitez à son mode d'édition pour le rejeter. Dommage pour vous !
Richard
06/09/2018 à 09:46
Je crois que vous m'avez mal compris. Celui qui rejette le livre à cause de son mode d'édition, c'est Thierry le libraire.
Moi, je constate qu'un potentiel futur Prix Renaudot ne rentre pas dans le cadre défini par le Pass Culture (puisqu'autoédité via la Plateforme Amazon) et que, toujours hypothètiquement, on ne pourra pas le trouver en librairie non plus.
Et tout cela à cause de son mode d'édition justement.
Lecteur Glouton
06/09/2018 à 11:47
Manifestement vous n'avez pas lu ce livre, qui a fait l'objet d'une critique enthousiaste de Patrick Besson dans Le Point. Seulement, c'est aussi un livre qui a été semble-t-il rejeté pour d'obscures raisons par tous les éditeurs. Or Koskas est un écrivain moult fois confirmé, et primé, auteur de 15 ou 16 livres. Aurait-il dû accepter l'ahurissante décision des éditeurs de ne pas le publier? On voit bien aux réactions corporatistes des deux libraires que, ce qui compte à leurs yeux, ce sont les prés carrés et les avantages acquis de leur profession; pas la litterature.
elodie torrente
06/09/2018 à 12:24
Sébastien, erreur, c'est grâce (ou plutôt à cause) des acheteurs qu'Amazon aura la peau des libraires...
Richard
06/09/2018 à 14:08
"C'est à cause des gens qui achétent des livres qu'Amazon aura la peau des libraires".
Bien bien : heureusement que beaucoup de gens n'achétent pas de livres, ça leur évitera de passer pour des suppots d'Amazon #grr
Pas sûr que s'attaquer aux lecteurs qui paient leur livre soient vraiment une solution d'avenir. Rappelez vous l'industrie du disque, le piratage, toussa ...
Dulac / Simon
06/09/2018 à 14:02
Il me semble que toutes ces peurs se nourrissent des difficultés du système de l'édition traditionnelle. Il faudrait peut-être se poser des questions et revoir certaines façons de faire. L'édition est un monde très fermé où les changements sont mal vus. Amazon n'a fait que profiter de cet immobilisme pour asseoir son hégémonie. Il n'a pas rencontré la moindre résistance et règne sur la profession pour qui il est devenu un outil indispensable : les éditeurs font 15 à 25
Libraire92
06/09/2018 à 14:03
Pitoyable... Et à ceux qui nous disent que c'est notre comportement qui dirige les clients vers Amazon... Je ne crois pas non. Nous n'allons pas nous laisser faire par ces auteurs/éditeurs qui contribuent à nous écraser, en continuant de vendre et conseiller leurs livres, c'est une blague ? Ils veulent nous faire fermer ? très bien, mais les petits auteurs, les petites perles qui ont une chance avec nous d'être découverts, conseillés, vendus, oubliez les, Amazon ne fera jamais rien pour ceux là. Ce n'est pas uniquement pour nous que c'est dramatique, il ne faut pas l'oublier.
Richard
06/09/2018 à 15:45
En tout cas, sur ce cas très précis, désolé d'insister, mais oui. Si Koskas gagne le Renaudot et que les libraires refusent de le vendre, évidemment que vous poussez vos clients vers Amazon.
Dulac/Simon
06/09/2018 à 15:22
Je ne pense pas que les libraires aient la moindre responsabilité dans cette évolution. Amazon est un mirage pour 99
F.J
06/09/2018 à 15:58
Mon Dieu, mais quelle hargne ! Je suis auteure indépendante publiée sur Amazon, avec un succès d'estime, et j'aurais bien aimé être vendue en librairie. Mais chers libraires, vous savez très bien que le monde de l'édition traditionnelle (en dehors des micro-éditeurs, qui ne sont pas une bonne option, en général) est en principe fermé aux gens qui ne sont pas connus ou ne sont pas appuyés par une personnalité. Et les libraires, dès que l'on prononce le mot "auto-édition", refusent de vendre votre livre en librairie. Quel choix reste-t-il ?
Lily
06/09/2018 à 18:21
Finalement les libraires sont furax! :coolgrin:On les comprend à moitié... Sur un plan professionnel ils défendent le Livre et c'est tout à leur honneur.
Mais que font-ils de ces ouvrages d'auteurs qui ne passeront jamais le mur des comités de lecture français sous prétexte qu'ils ne sont pas du "sérail" ou recommandés par un " réseau" ? Ont-ils songé à ce pauvre Proust, auto édité en son temps, et à bien d'autres auteurs, obligés de passer par ce mode de publication, et que le public d'hier et d'aujourd'hui apprécient ?
Ce que démontre ce Prix littéraire, ne serait-ce pas que le goût du public, justement, se tourne et
se tournera de plus en plus vers des créateurs talentueux que le petit monde infatué de l'édition française étouffe, censure et met de côté au nom du dieu Argent.
Dulac/Simon
06/09/2018 à 19:42
Bravo Lily, c'est très bien dit. Rien à ajouter si ce n'est que la mauvaise humeur des uns ou des autres n'empêchera pas la terre de tourner.
Et le monde de changer. L'autoédition représente 30
Elodie Torrente
06/09/2018 à 20:31
Oui la la, j’ai les yeux qui piquent en lisant certains commentaires.
Fustiger les lecteurs et ainsi les éloigner des auteurs, des librairies et aussi d’Amazon ? Mais il y a de moins en moins de lecteurs, cher monsieur, et de plus en plus de livres. Comment pourrait-on dans ce cas s’en prendre aux lecteurs ? Ce serait suicidaire, en effet. Pour un auteur que je suis comme pour les libraires que je défends. En revanche comprendre que le lecteur est un consommateur qui ferait mieux de devenir consomm’acteur pour que tous ces Amazon, Starbucks et autres Grands distributeurs de produits payés au plus bas prix à son producteur/créateur et revendus au prix fort au client sans passer par la case impôt (et donc sociale) afin qu’il ne se transforme pas bientôt en arroseur arrosé, serait plus réaliste.
Autre argument lu ici qui me fait mal aux yeux est celui qui annonce avec une crédulité qui confine au respect (ou à l’ignorance) que les lecteurs et les prix s’intéresseraient aux auto-édités, nous rappelant au passage le cas Proust (comme si on pouvait l’oublier, hein) sous prétexte qu’un (soi-disant) auteur d’entre eux serait cité cette année au Renaudot. Je pense qu’il faudrait apprendre à lire un article avant de le commenter. Car si je rejoins l’avis de cette personne qui dit que le petit monde de l’édition est bien fermé (et je rajouterai bien trop prolixe depuis 20 ans) cet auteur dans la liste du Renaudot n’est pas un inconnu (multi-publié avec peut-être un petit succès, il a du se dire que son pourcentage sans éditeur serait plus conséquent) et ce n’est certainement pas par hasard que le célèbre Prix germanopratin l’a choisi (je parierai qu’il est très lié à Besson). Car oui, être dans le sérail est important. C’est la morale de cet article au titre un peu racoleur (que l’on pardonne à notre super Actuallité car il faut bien attiré le lecteur) et surtout la morale de notre monde de l’edition. Mieux vaut être bien entouré avec des libraires et des éditeurs (même petit comme le mien) qui promeuvent le livre que seul sur Amazon à faire le commercial en perdant 50% sur la vente et en assumant les frais d’impression. Et je ne parle même pas de tous ces bouquins mal écrits, pas corrigés, vendus à des lecteurs qui, à un moment donné, doivent être dégoûtés d’avoir dépenser de l’argent pour rien ou pire. Je ne parle pas de tous ces livres en plus qui inondent un marché saturé ou le client est de plus en plus rare, nouvelles technologies obligent. Or donc, cet auteur déjà connu n’est pas un bon exemple et n’incarne en aucun cas la montée des auto-édités auprès des lecteurs.
Mais bon, continuez à acheter, à publier sur, à être diffusé par Amazon et donc à le soutenir avec votre argent et à le défendre.
Quand tous les commerces auront fermé, qu’il y aura un taux de chômage encore plus fort, comptez sur le géant américain pour vous faire payer très cher les frais de port (porc ? ^^) et votre auto-édition.
De mon côté, je continuerai à aller en librairie pour acheter et, chez celles qui ont pris le temps de lire mon premier roman (édité chez un micro-éditeur), malgré le nombre de livres qui s’amoncellent chaque saison dans leur boutique, de m’y rendre avec joie pour dédicacer à des lecteurs qui, comme moi, refusent de se tirer une balle dans le pied. Je continuerai à envoyer à des éditeurs. Quand on fait ce qu’il faut et que l’on persévère au nom de la belle littérature, on y parvient toujours. Même si ça prend du temps.
Enfin et je terminerai là-dessus. Si vraiment le droit des auteurs, notre avenir vous intéresse alors rejoignez la SGDL ou autre organisme tel que la SACD ou la Charte. Ce sera plus instructif et productif qu’une bataille stérile ici.
cleo
07/09/2018 à 12:46
au lieu de tergiverser là...
il est bon ou pas ce bouquin? that is the question,
essentielle, à mon humble avis ! :roll:
Démocrite
15/09/2018 à 23:06
Merci aux libraires ! Sans le battage médiatique qu’ils ont créé autour de cet ouvrage, il me serait passé inaperçu. Merci à Patrick Besson sans lequel je n’aurais pas lu cet ouvrage écrit, n’en déplaise à certains, par un vrai écrivain, ouvrage qui nous fait entrer dans un milieu et une ville... qui, apparemment, doivent gêner dans notre pauvre France d’aujourd’hui. Voilà qu’il me faut crier Vive Amazon !