C’était le scandale qui animait les professionnels lors du Salon du livre de Montréal : retrouver Amazon en financeur d’un prix littéraire historique au Québec. Le prix des Collégiens avait en effet reçu un soutien financier de la part d’Amazon – estimé, sans que la somme ne soit confirmée, à 50.000 $ CA. Mais les lignes bougent...
Le 04/12/2018 à 14:45 par Nicolas Gary
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04/12/2018 à 14:45
Aucun des cinq auteurs retenus n’était vraiment emballé par cette situation. Du côté des libraires québécois, on ne décolérait pas. Et plus encore : cette annonce de partenariat, réalisée le jour où les cinq livres retenus furent dévoilés, passait mal. Au point que, la polémique grimpant, les organisateurs avaient préféré suspendre l’organisation.
Le problème venait bien de ce qu’Amazon, société particulièrement mal vue dans le secteur du livre, en venait surtout à pallier l’absence d’acteurs locaux, qui se seraient mobilisés pour financer l’événement. À l’initiative de la société Marquis, l’idée que l’interprofession puisse se serrer les coudes et prendre en charge une partie des frais avait pourtant jailli.
Pierre Frechette, vice-président des ventes, avait en effet expliqué à ActuaLitté : « Cette récompense représente un enjeu sociétal important. [...] Nous serions prêts, dès demain, à intervenir et débloquer des fonds, si on nous le demande. » L’idée était véritablement de soustraire le Prix Littéraire des Collégiens à l’emprise d’Amazon.
Mais voilà : la fondation Marc Bourgie prendra sur elle de soutenir la récompense, assurant qu’elle « s’investira au cours des prochains mois à réunir toutes les conditions nécessaires pour assurer le développement, la relève et la pérennité du Prix ».
L’organisation, chargée d’aider les jeunes dans la poursuite de leur formation académique, assure que la reprise est donc immédiate, ce 3 décembre. « Les exemplaires des livres seront expédiés dans les 65 institutions participantes avant le congé des fêtes », peut-on lire dans un communiqué.
Le prix sera donc mené sans la commandite d’Amazon – qui aurait permis de détacher la récompense de la famille Bourgie Bovet. Pour autant, la disparition d’Amazon semble surtout faire des heureux. Dans Le Devoir, les 280 enseignants signataires d’une vive lettre de protestation écrivent : « Nous saluons le retour du prix et nous apprécions le fait que les organisateurs aient répondu aux préoccupations des enseignants et du milieu littéraire ».
L’Association des libraires du Québec n’en dit pas moins, et sa directrice, Katherine Fafard, savoure que « la solidarité des acteurs du milieu du livre peut s’exprimer d’une voix forte. Le milieu du livre sera là pour la suite des choses, selon les besoins de la Fondation ».
Quant au directeur général des Librairies Indépendantes du Québec, Jean-Benoît Dumais, il indique qu’« [a]vec d’autres acteurs du milieu du livre, nous souhaitons aider à rassembler les conditions nommées antérieurement par Madame Bourgie Bovet, pour une édition renouvelée du Prix en 2020 ».
Avec la langue d’érable qu’on lui connaît, la filiale canadienne de la firme assure simplement qu’elle continuera « d’explorer les moyens de reconnaître les auteurs et de soutenir la littérature au Québec et ailleurs au pays ». Pour autant, c’est la seconde fois en moins d’un mois qu’Amazon se retrouve soit contraint à plier, soit à être proprement éjecté de la scène littéraire.
En effet, début novembre, un conflit explosait entre les libraires de livres anciens et rares, à travers toute la planète et la filiale spécialisée d’Amazon, Abebooks. Marquant leur solidarité avec des confrères, que la plateforme voulait exclure, les libraires ont décidé d’un boycott généralisé, qui a conduit Abebooks/Amazon à revoir sa position.
Comme quoi...
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