C'est un constat que l'on fait volontiers : les ouvrages imprimés sont le plus souvent préférés par les lecteurs, face aux livres numériques. Mais il serait peut-être intéressant de s'interroger sur les raisons qui nous poussent à préférer un format par rapport à un autre, étant donné que le texte reste le même. Une thèse de Mark Angelo Cela, publiée en 2018 à l'université de Miami, propose quelques réponses.
Le 08/01/2019 à 15:53 par Antoine Oury
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08/01/2019 à 15:53
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Intitulée « L'attachement émotionnel unique au livre analogique par rapport aux équivalents numériques », la thèse de Mark Angelo Cela porte sur des questions de design : l'objectif de l'auteur était de comprendre pourquoi le livre imprimé reste si important aux yeux des lecteurs, quand d'autres moyens de lecture numériques, parfois plus accessibles, moins coûteux et plus pratiques, dans la mesure où des centaines de titres sont disponibles sur un même appareil.
La méthode adoptée par l'auteur de la thèse est simple : des entretiens, menés de visu ou par internet, auprès de 184 personnes âgées de plus de 18 ans et impliquées dans la lecture d'au moins un livre par mois, originaires d'un peu partout dans le monde.
À partir des réponses des personnes interrogées, Mark Angelo Cela a tiré quelques conclusions : la première d'entre elles avance que les livres imprimés attirent davantage « parce qu'il semble que les humains ont une capacité innée, voire le besoin d'attacher une signification à des objets physiques », explique-t-il. C'est cette capacité qui nous fait apprécier un porte-bonheur ou le souvenir d'une personne aimée.
Cette charge émotionnelle est si forte qu'un papier de chewing-gum, comme un fétiche, peut devenir inestimable aux yeux d'une personne, souligne l'auteur de la thèse.
C'est l'une des raisons qui expliquent l'attachement si fort aux livres imprimés : leur matérialité permet plus facilement d'y associer des souvenirs ou un état d'esprit. À l'inverse, le livre numérique semble trop évanescent pour faire de même. Par ailleurs, des études ont suggéré que la mémorisation des textes lus sur un écran serait différente de celle sur papier : peut-être que le livre imprimé nous permettrait de mémoriser une histoire par le biais des conditions de lecture de cette histoire (environnement, état émotionnel, etc.)...
L'autre raison, citée en majorité, c'est bien sûr celle de l'aspect sensoriel du livre imprimé : la fameuse odeur du livre neuf, ainsi que le toucher lié à la texture du papier. L'essentiel de la vie de lecteurs, pour une majorité d'entre eux, a été passé avec des livres imprimés, ce qui a généré une certaine habitude de la matérialité... On retrouve aussi un élément visuel indiscutable, la couverture du livre, que les versions numériques n'ont pas encore réussi à égaler.
Reste maintenant à comparer les différentes formes d'art entre eux : si le livre reste préféré au format imprimé, par exemple, la musique, et plus encore l'audiovisuel sous toutes ses formes, se sont beaucoup plus facilement fait accepter par le public de manière dématérialisée.
L'intégralité de la thèse de Mark Angelo Cela est accessible à cette adresse.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
20 Commentaires
n
08/01/2019 à 16:32
peut-être aussi parce que les éditeurs/vendeurs ne font rien pour soutenir les ebooks, voir freinent des 4 fers depuis des années ? titres introuvables, DRM ou tatouages en pagaille, formats propriétaires ? et la dernière surprise en date, l'impossibilité d'utiliser une carte cadeau pour en acheter (je n'ai pas essayé amazon, pour les raisons expliquées plus haut) ?
quand aux fétichistes du papier, ils oublient un truc: son poids, et son encombrement, kikoo les éditions brochées %-P
NAUWELAERS
08/01/2019 à 20:41
Bonjour,
En réponse à kikoo et les «fétichistes du papier»: rien de plus triste qu'une maison ou un appartement sans livres papier, sans journaux, sans revues...
Et ce n'est pas du fétichisme que de constater que la lecture prolongée sur écran n'est pas du tout aussi plaisante, agréable, satisfaisante que celle du même texte (s'il en vaut la peine !) sur papier.
Quid de tant de beaux-livres également, de beaux objets totalement dénués d'équivalents sur le web évidemment !
Quant à la musique, je la préfère sous forme matérialisée y compris pour le visuel, la présentation et bien sûr le son.
Un bon CD voire un vinyle d'époque ou actuel, quel plaisir de mélomane !
La dématérialisation de tout profite surtout aux propriétaires et diffuseurs des fameux tuyaux...
Un film sur grand écran frappera toujours plus fort que via youtube ou via du streaming...
Rien à voir !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Jean-Michel
09/01/2019 à 07:40
On oublie aussi l'aspect économique : le papier se décline en poche, moins encombrant et moins cher, sans parler du marché de l'occasion, en librairie ou en brocante (avec le plaisir de chiner), et face à ça, le numérique ne peut rien proposer à ce jour.
Céline
09/01/2019 à 11:31
L'aspect économique ? (Post de Jean-Michel à 7h40 ) >> justement !!!!!!!! Ils sont beaucoup moins chers. Du moins chez les petits éditeurs. Les gros, en effet, les vendent à des prix démesurés (où ils gagnent plus, sans que l'auteur voie pour autant sa part augmenter). On trouve aussi beaucoup de livres numériques gratuits si on cherche des œuvres un peu anciennes (domaine public). Quant au confort de lecture, il est tout à fait correct avec une liseuse (sur téléphone, par contre : très peu pour moi)
Vinceeffect
09/01/2019 à 09:26
J avais lu un rapport sur les ventes de livres que dans les pays anglo-saxons et l Allemagne 60
stéphane
09/01/2019 à 10:18
Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ! et pour rester dans ce registre, je me souviens d'une séquence à la télé où des personnes trouvait qu'un même vin dans une belle bouteille avec étiquette prestigieuse était meilleur que dans une bouteille beaucoup plus ordinaire :roll:
Un peu comme si on disait que lire dans une édition de poche était plus décevant que dans l'édition originale !
NAUWELAERS
09/01/2019 à 11:51
Non pas d'accord.
Comparaisons boiteuses.
La lecture sur écran n'est pas du tout pareille à celle sur papier -voir l'article originel qui suscite cette discussion.
Le livre de poche ou l'édition originale d'un livre, même plaisir en revanche !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Stéphane
09/01/2019 à 14:50
(La comparaison boiteuse c'est surtout celle du film sur grand écran/youtube :roll:)
Gros lecteur numérique, j'avais les mêmes arguments/appréhensions avant de "basculer"... pour des raisons de confort. La lecture numérique séduit surtout les gros lecteurs : https://www.lemonde.fr/livres/article/2014/02/19/lire-sur-smartphone-est-tellement-addictif-que-j-ai-arrete-les-livres-papier_4369688_3260.html
L'étude (qui ne porte que sur 186 personnes, c'est très peu), mentionne que les personnes réticentes à la lecture numérique sont celles qui n'en ont jamais lue !!
Le numérique a beaucoup d'avantages sur le papier (légèreté, lecture plus fréquente car disponible, rétroéclairage...) , mais un livre c'est avant tout une histoire, pas de la cellulose ou du silicium non ? ;-P
NAUWELAERS
09/01/2019 à 19:34
Non un livre ou une publication papier de qualité est infiniment attractive pour des foules de petits ou gros lecteurs (n'en déplaise aux études du «Monde») et cette technolâtrie envahissante voire totalitaire ne sera jamais adoubée par tout le monde...
J'apprécie fort la facilité, la fonctionnalité des courriels par exemple -infiniment plus faciles,rapides et économiques -et aucune grève postale ne peut y faire obstacle -contrairement aux lettres de naguère ou jadis, ou d'aujourd'hui d'ailleurs.
Mais un livre ou une revue numérique, je cale.
Désolé...
Totalement indigeste.
Je ne marche pas au pas de l'oie technologique et bravo à Frédéric Beigbeder pour sa tribune récente et abondamment commentée qui va exactement dans le même sens.
Amoureux des livres et de la presse papier en dépit des cris stridents et incessants des sirènes technologiques qui ne me séduisent pas.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Déborah
09/01/2019 à 22:14
Je vous rejoins sur la praticité des livres numériques ! Je ne lis que sur smartphone, donc j'ai mon livre en permanence avec moi ça me permets de m'y plonger dès que l'occasion se présente. C'est effectivement plus léger, les caractères peuvent être grossis ce qui finalement tire moins sur la vue. Et puis, lisant en moyenne un livre par semaine, l'aspect économique est pour moi l'argument premier justifiant mon choix de lire sur support numérique...
Lecteur ++
10/01/2019 à 01:36
Depuis 3 ans je lis sur liseuse, d'abord en 6p (livre de poche) maintenant en 8p (format normal) 4 à 5 livres par mois l'hiver, livres d'histoire, volumineux (15 heures mini) et romans policiers ou espionnage (2h30 mini).utilisant une liseuse sous Android j'ai trouvé l'application qui me va le mieux (moon Reader) et aussi une autre pour les DRM et Kindle accessoirement. J'ai choisi une polices que j'aime bien (amaranth) et une taille confortable sans lunettes. Les mêmes livres (ex tempus chez Perrin) sont écrits en caractères minuscules que je ne peux adapter off course ! En résumé ma liseuse m'a fait redécouvrir le plaisir de la lecture et la soif de découvrir des pans d'histoire. Accessoirement j'ai de la place car mes livres sont chez le marchand ou dans mon pc en plus.reste que les vieux livres d'avant 2000 pas encore tous «scannés» et remis en vente (en papier n'y comptons même pas).
Bonnes lectures à tous
Paul P.
13/01/2019 à 21:09
Bonjour,
Il y a assez peu de liseuses qui tournent sous Android et qui permettent l'installation d'applications tierces. Quel modèle possédez vous?
Lecteur ++
14/01/2019 à 11:13
Bonjour, il y'a deux constructeurs : Boyue et onyx mais plusieurs sous-marques. J'ai un 6p icarus 653 (icarus en Hollande a cessé son activité, en fait c'est une boyue) pour mettre dans la poche et un boyue likebook plus 7,8 p plus agréable. Ces modèles 2017 ont été remplacés en modèles plus puissant et un peu plus cher (mon boyue m'a coûté 156€ acheté sur Alibaba Espagne.
Lecteur ++
14/01/2019 à 11:18
Je viens de vérifier, le like plus est maintenant à 130€ Chez Alibaba (Espagne)
Faby
11/01/2019 à 08:51
La liseuse ne peut pas concurrencer ceux que l'on appelle "les beaux livres" Évidemment pour le moment rien ne remplace les illustrations papier. Mais pour les romans c'est "magique"ou simplement super. D'abord les étagères me remercient. Je ne sais pas donner ou emprunter un livre. Dans les valises quel gain de place! Et enfin, je me suis retrouvée (santé) à ne plus pouvoir tenir un livre ouvert un certain temps. (Livre de poche écrit trop petit) et bien quel plaisir de glisser ma liseuse dans mon petit sac à main et donc d'avoir toujours sur moi un livre. Bien sûr que j'aimerais avoir une couverture couleur et effectivement ce n'est pas évident de revenir en arrière mais on s'y fait. Et puis si je passe dans une librairie...il y a toujours un livre papier qui me séduit et avec lequel (ou lesquels) je repars. Il ne devrait pas y avoir de querelle entre ces 2 modes de lecture. Ce qui est essentiel c'est La LECTURE.
Jean-Michel
11/01/2019 à 09:50
Un autre plaisir du livre papier : se tenir devant sa bibliothèque, regarder les dos des livres, les titres, les noms qui se renvoient les uns aux autres, établir une sorte de géographie de la lecture avec des regroupements, des secteurs, des typologies qui nourrissent elles aussi la pensée.
Choisir un livre en fonction de son allure, sa taille (gourmandise des gros livres), son papier, bel objet qui va nous accompagner quelques jours à sa façon. Se promener avec un livre dans la poche ne propose pas le même plaisir que d'avoir un gros pavé dans son sac. Chacun sa personnalité, comme des amis.
Alexia Hécate
12/01/2019 à 11:44
Il y a une infinité de choses à chercher en tant que chercheur sur la relation langage/support, notamment celle qui chercherait une relation entre modes perceptifs sur-évalués et ceux que l'on découvre à peine. Alors se limiter à 186 personnes pour parler de l'illusionnaire combat entre livres papiers et livres numériques...j'ai pas le temps pour cliquer sur une énième étude ne cherchant rien d'autre qu'à se rassurer sur un 'res' qui n'a d'attrappable que le bout de l'ombre d'une mèche de Kaïros...cela étant, il est grand temps que je m'y mette justement...pour faire plaisir à Thomas...et pourquoi pondre ça ici? Ca me donne justement un peu d'air quant à ma pseudo-recherche personelle...comme quoi...ou pas.
zdillon
03/02/2019 à 00:39
J'ai découvert le plaisir de lire sur une liseuse récemment. J’ai hésité longtemps, mais c’est finalement quelque chose de magique. C’est pas du tout un écran, c’est vraiment comme du papier—c'est du vrai pigment, en plus ! Quand j'utilise la lumière, elle est confortable (et devant, pas derrière le texte), et je peux rendre la lumière orange pour lire dans le noir sans me rendre insomniaque.
Je suis pas ici pour convertir les gens. Ça va s’il y a des gens qui aiment les livres en papier—moi aussi, je les aime, et j’en garde chez moi, bien sûr, pour toutes les raisons que je vois dans les commentaires sur cet article et tous les autres articles que j’ai lu sur le sujet des livres numériques en France.
La France se prend pour un empire de la culture, dont la littérature—et à raison—mais la plupart des éditeurs ne font rien pour faire marcher les livres numériques en France. C’est une technologie qui va rester, comme les Mp3 face aux CDs et vinyls. C’est pas une phase. C’est tellement simple à voir. Et les possibilités avec les livres numériques de rendre la lecture accessible au monde… c’est absolument incompréhensible que la France ne soutienne même pas l’idée.
Pourquoi était-il si facile pour la France d'adopter les cigarettes électroniques ? Pourquoi personne ne défend le geste du fumeur, la texture du papier de la cigarette, l'odeur, le partage ? Peut-être vous vous dites que la cigarette électronique est meilleure pour la santé.
Et tous les arbres qui deviennent ces convoités livres en papier ? Qu'est-ce qu'on dit sur la santé du monde ?
Mais les couvertures sont belles ! Et l'odeur du papier est magnifique !
Je suis d'accord. Mais quand je lis un livre, je passe pas mon temps à regarder la couverture—j'y pense même pas, et de temps en temps la couverture est nulle. Et je lis pas en reniflant chaque page que je tourne comme un fou. Quand je lis, je pense à ce que je lis.
Il y a des gens qui travaillent dur pour rendre les livres numériques plus visibles et plus compris, mais la plupart des éditeurs traînent les pieds. La honte !
Si on parle que de mon expérience à moi, la liseuse m’a rendu accessible la littérature française. En lisant sur une liseuse, je peux voir la définition et la traduction en anglais d’un mot en français, même les verbes conjugués ! Je suis pas obligé de transporter un dictionnaire et un Bescherelle partout avec moi ! Déjà pour moi, c’est un rêve.
Si j’étais dyslexique, je pourrais changer la police pour une faite pour les dyslexiques. Il y a des liseuses en développement pour le Braille. Le Braille, crée par un Français, mais de plus en plus de gens aveugles sont illettrés face à une manque de ressources.
C’est pas difficile de voir que ce manque peut être au moins partiellement amélioré par les livres numériques.
Mais la France aime le papier, quand même, donc tant pis pour les aveugles. Ils peuvent choisir de recevoir leurs livres audio, ou en édition papier Braille très cher et choisi parmi une sélection minuscule.
Les articles “pourquoi préfère-t-on les livres imprimés” (comme celui-ci) sont orientés. On n’a pas besoin de convertir tout le monde aux livres numériques mais on a une responsabilité d'augmenter leur visibilité auprès des gens qui peuvent en profiter avant de s'avancer sur l'avis du public, un public non informé sur la question.
Avec une liseuse je peux emprunter des livres de la bibliothèque, donc les prix très élevés des livres numériques en France n'ont pas de sens. Et comme je peux lire en français de mieux en mieux, ça ouvre la porte à une découverte de la littérature française ! Mais il y a un seul problème… La collection des livres numériques même dans les Bibliothèques de Paris est déprimante ! Bien sur, ça dépend de ce qu’on cherche. Dans la collection numérique des Bibliothèques de Paris il y a pas mal de Balzac. Mais quand je cherche Georges Perec, ça me donne deux livres. DEUX. La collection de Perec en version numérique de ma liseuse personnelle est meilleure que celle des Bibliothèques de Paris.
Je trouve ça triste de voir un pays si plein de bonnes choses à lire, si plein d’idées à partager, mais à la fois si obstiné quant à rendre la lecture moins chère et plus accessible. Et ça me rend dingue de penser que mon pays d’origine, les Etats-Unis, est simultanément un des pays le plus enthousiastes en ce qui concerne les livres numériques et aussi un pays avec un illettré comme président ! Cependant la France traîne encore les pieds en 2019.
La France, vous êtes meilleurs que ça.
Paul P.
04/02/2019 à 22:41
Le numérique est un risque important pour les librairies françaises qui ont subit de plein fouet l'arrivée d'Amazon. La chèreté des ebook, a, il me semble, un effet protectionniste sur ce commerce auquel les Français restent culturellement attachés et qui créer du lien social dans les villes.
Ajouté à ça, le coût relativement important d'une liseuse (80-100€ minimum soit l'équivalent de 10 livres de poches) explique le faible taux d'équipement d'une population déjà équipée en tablettes et smartphone (moins propice à la lecture).
Un gros défauts du ebook est aussi que, souvent, il ne vous appartient pas vraiment. Par exemple, un livre électronique acheté sur la boutique Kindle d'Amazon ne vous appartient pas, il vous est concédé sous licence, et non vendu. Impossible pour vous de le prêter à un ami, ni de le revendre lorsque vous l'avez terminé.
L'attachement à l'objet livre est à mon sens en partie motivé par le sentiment de propriété que l'on ne retrouve pas avec le numérique.
Par ailleurs, votre analogie avec le MP3 est assez intéressante. Que c'est-il passé lorsque ce format est sorti? Du piratage, en masse, et des ventes d'album en chute libre et une économie de la musique en difficulté jusqu'à ce que le streaming légal prenne le pas.
zdillon
08/02/2019 à 01:12
C’est vrai qu’une liseuse est faite pour les livres numériques comme un iPod pour la musique. Mais c'est une question de confort pour moi. Lire sur une liseuse est plus proche de lire un livre en papier, mais avec des bonus comme briller dans le noir, acheter et emprunter les livres en wifi, et emporter ma bibliothèque entière partout avec moi.
Ça c'est une préférence personnelle.
L’abondance de librairies est une des choses qui m’a touché quand je suis arrivé en France. Je suis écrivain, et ça me rempli d’espoir de voir des livres partout. Mais en gardant cet esprit de protectionnisme, vous ratez le développement d’une technologie qui va définitivement rester longtemps et surement continuer à se transformer.
Prenons l’exemple des banques françaises. Peut-être que vous n'allez pas remarquer la différence, mais pour moi (un Américain) c’est bien clair que les ordinateurs sont une addition assez récente dans le système bancaire français. Quand j’aimerai déposer un chèque sur mon compte, je suis obligé d’aller dans mon agence à moi, remplir une feuille, et la donner à quelqu’un. En comparaison, aux Etats-Unis je peux même prendre le chèque en photo et l’envoyer avec mon portable. Je vous entends, “Mais c’est pas sécurisé !” Si. J’ai jamais eu de problème, et c’est dans l’intérêt de la banque que ça marche bien parce que c’est leur but.
Voici un autre exemple. Un ami français m’a dit que la France a refusé beaucoup de licenses de séries télé sur Netflix en France, car elle se prépare à lancer son propre service de streaming. Apparement le budget marketing pour ce service est égal au budget d’un épisode d’une série Netflix. C’est une blague. Ça fait déjà presque vingt ans que Netflix existe (pas dans sa forme actuelle car ils ont beaucoup évolué bien entendu), bien sûr qu’ils savent mieux gérer un service de streaming que la télé en France, et ils ont déjà les ressources pour le faire.
C’est comme si la France voit quelqu’un conduisant une voiture, et elle se dit, “tiens, faisons ça !” Et elle prend sa hache et fait tomber un arbre pour se fabriquer des roues.
Ecoutez, je suis pas partant pour les corporations ayant le monopole non plus. Heureusement, si vous aimez pas l’empire Amazon, vous n’êtes pas obliger d’en faire partie. Personnellement j’ai des arguments contre Amazon, et ma liseuse est un Kobo. (Par contre, pendant que tout le monde dit que c’est pas possible de prêter un livre numérique à quelqu'un, c’est complètement possible sur Amazon. Je l'ai déjà fait. Ça marche bien. La personne a même pas besoin d'un Kindle pour en recevoir.)
Mais tout ça pour dire que la France hésite trop longtemps pour rejoindre le reste du monde, et pour ça elle souffre pas mal. En anglais on dit “late to the party.” C'est pour ça que les banques ont du mal a gérer un système sur ordinateur—en 2019, quand meme—et c'est pour ça qu'on se dispute toujours sur les mérites des livres numériques.
Vous avez raison par rapport aux mp3 et leur piratage, mais c’est inévitable que le piratage existe avec un médium numérique. Et ils sont ciblés par le piratage parce qu'ils sont moins chers à créer, reproduire, et distribuer. Mais c'est le cas pour tous les médias numériques, et ça veut jamais dire qu'on arrête de s'en servir. Bien l'inverse ! Il faut utiliser et partager une technologie pour la faire évoluer plus rapidement, pour améliorer ses défauts, et pour découvrir ses possibilités.
On parle beaucoup des DRM dans les livres numérique, et comme ça bloque le partage et de temps en temps la lecture même, je crois que ça va disparaître avec l'évolution. C’est déjà rare que les DRM soient utilisés dans la musique en version numérique.
L’industrie de la musique a pris des coups par le piratage, oui, mais seulement les gros distributeurs. Et le format numérique a rendu beaucoup plus puissants les créateurs et distributeurs indépendants. Regardez Bandcamp. C’est pas le seul exemple non plus. Il y a des gens qui font beaucoup pour les livres numériques aussi. Et les écrivains qui s’auto-editent.
Et Fnac a déjà pensé à offrir des codes de téléchargement de la version numérique avec l’achat d’un livre en papier. Si cette idée est soutenue par les éditeurs, les librairies en profitent aussi, et nos liens sociaux en ville restent intacts.