mise à jour 18 mars - 9h30 :
« La question était très technique. Il s’agissait de savoir si les TAD pouvaient relever d’un régime de frais de santé propre à leur statut, ou s’ils bénéficiaient du même régime que les autres collaborateurs de l’entreprise. L’arrêt de cour d’appel en date du 21 février 2017 a pris le contre-pied du jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 25 avril 2014. Suite à ces décisions contradictoires, la Direction a fait le choix de ne pas poursuivre le débat devant la justice, pour ne pas pénaliser les TAD concernés par une procédure qui aurait encore duré plusieurs années », précise le DRH à ActuaLitté, dans un email.
La Direction a proposé de trouver une solution permettant de retrouver stabilité et sérénité, autour des axes suivants :
« La Direction ne s’est donc nullement échappée à ses engagements et à sa volonté de trouver des solutions constructives. Les discussions se poursuivront dans les prochains semaines sur ce sujet avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Un équilibre devra être trouvé sur la base des points de droit rappelés dans mes premiers propos », indique Sébastien Abgrall.
Il rappelle également « toute la part prise par la maison Gallimard et le Groupe Madrigall, et par moi-même au sein de la commission sociale du SNE, pour faire avancer la question de la sécurisation du statut du TAD. Ces discussions ont abouti récemment à un accord avec les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche. En interne également, au sein de la maison Gallimard, les TAD sont accompagnés et pleinement intégrés à une organisation globale, efficiente et très respectueuse de leur statut ».
Article paru le 14 mars 2019
Petit rappel, fin 2009, la direction du groupe Gallimard annonçait que les travailleurs à domicile, correcteurs et typographes notamment, seraient exclus de la complémentaire santé. Pendant six ans, la mutuelle leur a coûté, à eux seuls, 145,25 euros par mois.
Alors qu'en 2016, la loi oblige les entreprises à intégrer tous leurs salariés dans la mutuelle d'entreprises, 5 TAD ont sollicité le jugement des prud'hommes pour obtenir une indemnisation. Le 21 février 2017, la cour d’appel de Paris condamne les Éditions Gallimard pour inégalité de traitement envers les TAD. Mais si ce jugement devait faire jurisprudence pour tous les autres, aucun autre salarié n'a été remboursé.
Après 1 an d'espoir pour ces travailleurs à domicile, « les négociations ont été rompues du jour au lendemain sans qu'on nous en avise », affirme l’un d’entre eux, correcteur chez Gallimard depuis plus de 20 ans. « Le rassemblement d'aujourd'hui vise à faire comprendre à la direction qu'on a beau être des correcteurs à domicile, on peut aussi bouger pour se mobiliser. »
SGLCE-CGT, TAD, mais aussi retraités, sont descendus dans la rue pour demander justice. Banderoles, mais aussi tracs, dans l'espoir de faire pression.
« Je suis aujourd'hui à la retraite, mais je suis là pour soutenir le mouvement. Je faisais partie des 5 TAD qui ont été aux prud’hommes contre Gallimard et qui ont gagné. Il avait été envisagé que les autres TAD lésés soient indemnisés. Et en janvier, la direction du personnel a déclaré qu'elle avait clos le dossier. Il s'agit de tout relancer, Gallimard doit réparer cette injustice. Si j'ai été devant les prud’hommes, c'était pour mon cas, mais aussi pour l'ensemble des correcteurs. Il y a une jurisprudence de toute manière : ils doivent être indemnisés », confie Briec Philippon à ActuaLitté.
« C'est une belle marque de solidarité. Nous sommes venus soutenir le mouvement et surtout la justice. C'est de cela qu'il s'agit : des salariés, victimes d'injustice », affirme le secrétaire du SGLCE-CGT.
« Si nous avons été jusqu'aux prud’hommes, c'est parce qu'on était protégés, moi j'étais délégué syndical de la CGT et délégué du personnel, et les 4 autres aussi »,a déclaré Pierre Granet. « Certains parmi des TAD sont dans une position fragile, et porter plainte devant les prud’hommes ça veut dire ne pas recevoir de travail, être embêté, on en est là quand même. »
Et d'ajouter : « La situation est très ambiguë, on pensait qu'après le jugement en appel de 2017, la direction en prendrait compte et que Sébastien Abgrall [le DRH, Ndlr] ferait cette démarche envers les TAD qui avait surcotisé. »
"On nous a baladés pendant 1 an"
« On espérait que cette maison, qui est loin d'être en péril, pourrait au moins rembourser les surcotisations. On ne demandait pas de dommages et intérêts. On pensait que le dialogue social servirait à ça, à trouver une mesure honnête, une sortie honorable, pour ce dossier qui a commencé voilà 10 ans. Et en fait non, on nous a baladés pendant 1 an. Ils nous ont promis de nous rembourser, et ça a traîné. Puis finalement, ils nous ont dit non. On s'est senti méprisé. On avait l'impression qu'on nous avait menti, que Gallimard nous a trahis », affirme une correctrice Gallimard.
« Dans ce qu'on nous vend comme du dialogue social, il y a vraiment quelque chose de l'ordre du mensonge, qui met les gens dans la rue. Comme les Gilets Jaunes qui sont descendus dans la rue. Les gens n'ont plus envie qu'on leur fasse croire n'importe quoi. Toutes les nouvelles techniques de management, avec cette langue de bois qui n'est pas du tout opérante. On n'y croit plus. On aimerait bien que les élus des entreprises ne jouent pas ce jeu-là non plus par exemple. Qu'il n'y ai pas de pollution de ce langage de management vers eux qui ferait que ça les éloignerait de nous, et de la défense du salarié dans l'entreprise », reprend-elle.
Un statut déjà précaire
« Ces dépenses de mutuelles ont été de grandes dépenses », reprend Briec Phillippon. « On ne gagne déjà pas très bien notre vie en général. Comme par hasard, cela s'applique à la catégorie des plus fragiles, et des plus précaires. Un des derniers mois où j’étais en activité, j'avais gagné à peine 800 euros et on m'avait expliqué que c'était tout à fait normal. »
« On est des salariés, mais payés à la tache, donc pas des salariés comme les autres. On a jamais le même salaire. Des fois, on a même des fiches de paie à 0 euro s'il n'y a pas de travail. En plus, on est employé en CDI, alors on ne peut plus se retourner, on n’a pas d'allocations chômage quand on n'a pas de travail, contrairement aux intermittents du spectacle », affirmait l'une des manifestantes.
Le fléau du microentreprenariat
« La microentreprise commence à gangrener notre profession. Un correcteur qui relève de l'annexe 4 est un salarié, même à la tâche, avec les avantages du salariat. Les patrons d'éditions ont compris qu'ils pouvaient trouver encore moins chers : les microentrepreneurs. C'est assez tabou, mais il y en a de plus en plus », affirme une des correctrices Gallimard.
« En plus avec le microentreprenariat maintenant, c’est dur de se battre. Il y a plein de nouveaux départements dans les maisons d’édition où il n’y a plus un seul salarié. Chez Hachette, Marabout, Larousse par exemple. Les assistants d’édition m’ont souvent dit qu’ils avaient interdiction de salarier quelqu’un. Ils ont ensuite essayé de me convaincre de prendre un numéro de siret », affirme une TAD.
Le Syndicat General du Livre et de la Communication Ecrite CGT s'est entretenu jeudi 14 mars à 14 heures avec le Directeur des ressources humaines du groupe, Sébastien Abgrall. « Le DRH a témoigné de sa volonté d'en finir avec cette affaire, en sortant par le haut », confie Guillaume Goutte à ActuaLitté.
Pour l'instant, aucune décision n'a été prise par la direction, qui s'est néanmoins montrée ouverte au dialogue. « Les TAD n'ont plus confiance en la direction », rajoute-t-il.
Une nouvelle réunion aura lieu Mercredi 20 mars. Le mouvement est suspendu pour l’instant, en attente de réponses plus convaincantes de la part de Gallimard. À suivre, donc.
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