À la fin des années cinquante, dans un petit village de la vallée de la Cèze entre Avignon et Nîmes, vit Marcellin Lapeyrade, trente-cinq ans, directeur d’un grand domaine de vignes. Nous sommes entre deux mondes, celui des restrictions de la guerre et celui du début du tourisme de masse. Solitaire et réservé, Marcellin mène une vie chaste aux côtés d’une mère qui n’a guère connu le bonheur dans sa vie, entre un premier époux défunt, «
Le 07/04/2019 à 09:00 par Les ensablés
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07/04/2019 à 09:00
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Pauvre Jules» et un deuxième compagnon infidèle, «Ce galoupiot de Fernand».
Par Pascal Malbrunot
Femme active, lasse d’une vie où elle ne joue plus aucun rôle, Germaine n’a pas trouvé l’occasion d’exploiter pleinement les ressources de son cœur et de son esprit. «Il y avait en elle quelque chose d’inassouvi, une force inemployée. Cette flamme qui brûlait son regard n’avait jamais eu de combustible à sa mesure.»
On pourrait presque en dire autant de Marcellin, si ce n’est qu’il est aussi la figure du pragmatisme paysan. Maître des événements, de l’histoire, du réel, des adaptations nécessaires de l’exploitation familiale à un monde qui se transforme, il s’inscrit contre les idées peut-être généreuses, mais improductives de sa mère vieillissante.
Écrit avec une grande sobriété qui contrasterait presque avec ce dont il est question, mais aussi avec fantaisie, ironie et beaucoup de justesse, Le Garçon d’orage raconte la passion qui saisit deux hommes, dans le tourbillon d’un soir d’orage.
Deux hommes qui apparaissent d’abord difficilement situables dans l’espace habituel de la cité. Willie est dépouillé de marques d’identité. C’est un «enfant de la guerre», un enfant de l’Assistance, présenté d’emblée comme se démarquant de tout lignage. C’est «Willie tout court», «l’enfant nu, sans père ni mère, dépouillé du nécessaire, mais prêt à recevoir le superflu.»
«Willie ressemblait à une tache de peinture sur un paysage, une goutte d’huile dans un verre d’eau. Pas moyen de le mélanger avec l’entourage. Il ne s’en rendait pas compte, il était comme il était.»Marcellin, enfant solitaire — «Les pères volages font les enfants solitaires» — ne fait rien comme personne. Rebelle à l’école, il apprend la vie dans les livres et dans la nature, élargissant chaque jour le territoire de ses explorations. On ne lui connaît dans sa jeunesse qu’une idylle avec «l’ange du village», la jeune Marie-Louise, «présence abstraite qui ne lui cause aucun trouble.», et cette idylle qui tourne mal en raison des troubles psychiques de la jeune fille — celle-ci parle aux morts — vaut en quelque sorte à Marcellin un brevet de chasteté à l’âge adulte, même si son célibat ne manque pas d’exciter la curiosité, même si de mauvaises langues ne sont pas tout à fait dupes.
Et puis il y a la mort tragique d’Abel, un ami de jeunesse. «On l’a aimé dès le premier jour, Abel, à cause de son sourire. Il y a des gens comme ça, il suffit de les voir, ils ont un sourire dans le corps. Ils sourient avec le nez, les yeux, la bouche et le paysage change de couleur. Le monde se sent mieux.»
Roger Vrigny saisit de manière admirable les plis et replis de l’adolescence, l’enfermement de l’identité sur elle-même, la puissance non encore manifestée en acte, le désir que l’on sent grandir en soi et dont on ne sait que faire ni avec qui le partager, «D’un État à l’autre, ange et bête tour à tour ou simplement triste et exalté, à cet âge de la vie où nous aimons sans avoir personne d’autre à aimer que nous-mêmes», ces sensations polymorphes éprouvées dans une nature représentée comme une sorte de monde primitif, de grand corps tout puissant, libre, où la prolifération de tout ce qui la compose, minuscules poissons, libellules, etc., en fait une unité vivante, sexuelle. «Il lui arrive aussi d’être troublé par toute cette vie qui l’entoure, il voudrait la saisir et l’étreindre.»
Le végétal, l’animal passent dans l’humain et ce dépassement des catégories ramène le jeune Marcellin au libre fonctionnement de son corps «Le voici nu.», l’entraîne à l’exubérance et à l’orgasme.
De la même façon, la folie d’un orage qui s’empare des ouvriers réfugiés dans la salle commune du foyer des Lapeyrade, s’agitant à moitié nus et jouant à se faire peur, sera le théâtre du ravissement amoureux de Marcellin, saisi par la danse effrénée du jeune homme nu. Dans l’ivresse de l’intempérie, bientôt suivie par celle de l’alcool, deux hommes sont saisis à leur insu et entraînés sans savoir précisément de quoi il retourne. En tout état de cause, il s’agit bien d’un moment amoureux où l’on passe d’un avant à un après. Avant, ou cette latence inconsciente des êtres qui ont l’indistincte sensation que quelque chose leur manque. Après, ou la révélation de soi, de sa propre existence dans le regard de l’autre : «jusque là, je veux dire jusqu’au moment où il été reconnu par Marcellin, Willie n’avait pas d’existence.»
C’est le début d’une passion d’abord remplie d’innocence : Marcellin prend en charge Willie, lui apprend à nager, l’éduque, le couvre de cadeaux, le fait sortir de sa condition et va jusqu’à l’adopter, sans se dire précisément qu’il le fait parce qu’il ne peut plus vivre sans lui. Suivent des rendez-vous secrets qui mêlent jeu et plaisir dans une nature sauvage, à l’écart des habitations, dans la cabane de Saint-Hubert, au «Saut d’enfer» ou encore dans le mas d’un ami catalan, lieu d’une nuit mémorable.
Si Willie est flatté de se sentir l’objet de tant d’amour, il n’en tombe pas moins amoureux d’une jeune fille, Jeanne. Marcellin était pour lui «comme le Bon Dieu qui supprime les obstacles dans la vie, parce qu’il avait l’expérience de l’âge, le pouvoir de l’argent», mais ce sera Jeanne qui ébranlera sa conscience «lui qui ne vivait que dans le présent, sans se soucier de l’avant ni de l’après, la conscience aussi lisse et ferme que l’était la peau de son corps.»
Après le mariage de Willie et de Jeanne que Marcellin recueille sous son toit avec leur enfant, l’amour semble changer et prendre ses habitudes, mais l’histoire entre les deux hommes ne tarde pas à reprendre. Pourtant, les rencontres se font plus furtives, la plupart du temps chastes et le passage sur les lieux de plaisir d’autrefois donne à mesurer un certain désenchantement. Jadis rigolard, parfois échauffé par l’alcool et peu économe de ses transports, Willie est désormais en proie aux tourments. Le drame n’est plus très loin...
Roger Vrigny né en 1920 a été professeur de lettres avant de se tourner vers le théâtre et la littérature. C’est aussi un homme de radio, animateur d’émissions littéraires («Belles Lettres» sur l’ORTF, «La Matinée littéraire» et «Lettres ouvertes» sur France Culture). Il reçoit le Prix Femina en 1963 pour «La nuit de Mougins», et le grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre en 1989.
«Le Garçon d’orage» est son dernier roman publié.
Pascal Malbrunot — avril 2019
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08/06/2023, 12:04
L’auteur de Mystic River frappe en plein cœur dans un nouveau roman porté, encore une fois, par la communauté d’origine irlandaise de Boston. Dans une traduction de François Happe, Le Silence est l’histoire d’une vengeance, d’un ordre établi, et de tensions sociales à leur paroxysme.
06/06/2023, 12:10
L’orphelinat d’Uryû lui a trouvé une famille d’accueil : il vivra au sanctuaire Amagami, aux côtés de trois jolies sœurs prêtresses. Leur grand-père cherche un héritier pour le temple, et Uryû semble tout indiqué. Il n’a qu’à choisir sur quelle sœur jeter son dévolu. Sauf que le mariage est loin d’être sa priorité, et pas sûr que tout se déroule comme prévu… Une love comedy enjouée sur fond de shintoïsme.
06/06/2023, 12:02
Noir comme les légendes et les superstitions qui s’attachent à ces animaux dont l’intelligence est aujourd’hui largement mise en évidence tant par les observations naturelles que par les études qui leur ont été consacrées de par le monde.
06/06/2023, 11:47
William n'est pas encore très vieux, mais son métier le passionne : il est auteur de BD. Et comme son génie n'a d'égal que son humilité et sa générosité, de planche en planche, il confie aux lecteurs ses astuces pour, comme lui, connaître le succès (d'estime) et crouler sous les demandes (des créanciers). Prêts pour une visite guidée des coulisses du neuvième art ? William sera votre guide.
05/06/2023, 12:42
Le 19 avril 2023 marquait la sortie indispensable du livre Stop Migraine de Caroline Daviau, praticienne en médecine chinoise et autrice de plusieurs guides pratiques dans le domaine santé et bien-être, qui propose une approche intégrative pour mieux comprendre, soulager et prévenir les migraines. Par Nadège Billery.
01/06/2023, 12:08
Pascaline Lumbroso nous entraîne, avec vivacité et bienveillance, à changer de point de vue sur l’une des étapes essentielles de la vie des femmes, étape à laquelle bien souvent elles ne sont pas préparées. La ménopause, transition naturelle encore trop souvent associée à la vieillesse, est ici valorisée et poussée à être pleinement assumée… Expérience personnelle à l’appui ! Par Caroline Daviau, thérapeute santé et bien être.
31/05/2023, 15:49
C’est à une exposition unique et jamais vue depuis le XIXe siècle que vous convie le Musée d’Orsay jusqu’au 23 juillet prochain. Sous la direction de Laurence des Cars, Stéphane Guégan et Isolde Pludermacher, Manet et Degas se donnent à voir, non pas à s’expliquer l’un par l’autre mais l’un avec l’autre dans une société en pleine mutation.
31/05/2023, 12:25
Après une rupture amoureuse, un homme s’enferme dans une chambre démunie, uniquement ornée d’un lit, d’un tapis au motif labyrinthique et hypnotique, et d’une armoire remplie de livres. Désœuvré, le personnage se penche sur les étagères pour parcourir les volumes qui composent cette étrange bibliothèque, entièrement constituée de bandes dessinées.
31/05/2023, 11:43
BONNES FEUILLES - « À la privation de liberté (citoyenne) s’ajoute, selon le terrible constat d’Alina Nelega, la privation de liberté individuelle, ici celle d’une femme qui aime une autre femme et qui ne peut ni l’afficher ni même vivre cet amour. »
31/05/2023, 08:00
Au lycée, ils ont formé un groupe de rock. Maintenant qu’ils ont atteint la trentaine, ils se sentent encroûtés : l’un est harcelé par son supérieur au boulot, la femme de l’autre lui met la pression, et le dernier n’a toujours pas de travail stable. Et s’ils braquaient assez d’argent pour pouvoir recommencer leur vie ? Un one-shot plein de bonne humeur et de nostalgie.
30/05/2023, 09:37
Cette 20e semaine, le palmarès reste stable sans noms inédits… sauf pour Fred Vargas. La reine du crime français a sorti ce 17 mai chez Flammarion, Sur la dalle. Les adeptes d’Adamsberg semblaient impatients après six ans d’absence : le livre se hisse en première place des meilleures ventes dès sa première semaine en librairie.
27/05/2023, 10:16
Robert Musil est réputé être un auteur difficile. On connaît de lui son imposant et inachevé Homme sans qualités, ses contemporains Les désarrois de l’élève Törless, et les plus au fait ses Journaux ou son De la bêtise. Parmi ses autres textes, il y a notamment des nouvelles, comme L’accomplissement d’un amour, parue en 1911, et rééditée dans la collection poche de Rivages, riche en pépites.
26/05/2023, 15:44
« à la fin / tout est déjà dit / que ce soit vrai / ou non ». En exergue de son recueil, may ayim critique les préfaces « aussi consternantes que les postfaces » et affirme son ton poétique indocile et ironique. blues en noir et blanc est son premier livre publié, à Berlin en 1995. Il est aujourd’hui traduit en français - en édition bilingue - pour la première fois, par Lucie Lamy et Jean-Philippe Rossignol, aux éditions Ypsilon. Une cinquantaine de poèmes à la force brute et à la portée, aussi actuelle que bouleversante.
25/05/2023, 10:20
BONNES FEUILLES - Du Rwanda au Kosovo, Clea Koff exhume la vérité pour ouvrir les yeux des vivants qui les avaient fermés. La Mémoire des os, c’est l’extraordinaire enquête de Clea Koff, anthropologue et médecin légiste mandatée par les Nations unies, pour que la justice internationale soit en mesure de juger les meurtriers.
25/05/2023, 08:00
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