Désir d'écriture et identités multiples
Belinda Cannone rebondit sur ce constat au nom ce qu’elle nomme la « vie haute ». « Le désir est entièrement du côté du risque, à l’opposé d’une vie moyenne, à bas bruit, sans intensité » assure-t-elle, un bel éloge du courage et de l’audace qui résonne avec le livre d'Anne Defourmantelle, Éloge du risque (Payot et Rivages), dont les écrits restent présents dans les esprits. « Le monde a évincé le risque. Le monde se pasteurise, un yaourt », regrette de son côté Fabienne Jacob qui affirme sa volonté de n’y point renoncer.
Mais, peut-on prendre le risque de son désir en toute circonstance, faut-il lui céder quand il menace de faire s’effondrer tout ce qu’il y a autour, ou s'y jeter et affronter les vagues au risque de se faire emporter, comme le corps est happé par l’écriture. « Quand j’écris, je vais dans un endroit de mon corps où je n’ai pas envie d’aller, je descends dans une cave, humide, pleine de salpêtre, où ça cogne », témoigne l’auteure de Mon âge (Gallimard) et d'Un homme aborde une femme (Buchet Chastel), pour qui « le désir d’écriture naît d’un manque qui aspire à être comblé ».
L’étymologie semble lui donner raison : le latin desiderare signifie « regretter » et sidus « l'étoile ». Nostalgie d’une étoile égarée, d’un astre perdu, désastre… Une conception occidentale du désir, selon Belinda Cannone qui préfère le placer du côté « solaire », de l’accroissement de l’être.
Comme pour nombre d’activités, l’écriture échappe au genre. Qui suis-je quand j’écris ? « Une femme, un homme, une anguille, et si c’est une femme, alors une femme très archaïque, une femme des grottes et des cavernes », soutient Fabienne Jacob. Sarah Chiche, qui dit aussi détester être « assignée à résidence » et revendique des identités multiples et fluctuantes, détaille de son côté : « Je peux avoir quatre ans ou 85 ans, il y a des moments où je suis un jeune garçon, d’autres où je suis trop sérieuse, d’autres ou je ne suis rien, ni personne, juste une écriture, des climats, des paysages, des guerres, une foule de personnages, portée par ce désir d’écriture. »
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