La Halle Freyssinet d’Amiens regorge de découvertes à faire, tout particulièrement pour les enfants. Quand l’association On a marché sur la Bulle fonda, voilà dix années, les éditions de la Gouttière, c’était avant tout pour disposer d’un lien privilégié avec un matériel créé par des auteurs. Et qui pourrait servir les visées ludico-éduco-cosmico-pédagogique que l’association nourrissait depuis quelques années déjà.
Le 01/06/2019 à 21:49 par Nicolas Gary
Publié le :
01/06/2019 à 21:49
La Gouttière a depuis fêté ses 10 bougies, avec à sa tête Pascal Mériaux, pour approfondir ce catalogue de bande dessinée jeunesse. Une grande exposition est à découvrir dans le cadre des 24es rendez-vous de la BD, mais pour les enfants, encore peu sensibles aux vertus des expos, il fallait trouver autre chose. Et comme ce n’étaient pas les personnages ni les univers qui manquaient, La Gouttière — depuis devenue entité distincte de l’association qui l’avait accouchée — a été sollicitée.
Céline Goubet, directrice adjointe, en charge du service éducatif de On a marché sur la Bulle, nous fait faire le tour du propriétaire
Pour aboutir à ces petits jeux, très sérieusement conçus, il faut remonter aux origines de l’association. « Nous étions deux à avoir travaillé dans la médiation, avec le souhait de voir plus de publics familiaux sur la manifestation : des enfants qui jouent et s’approprient les livres. Et pas forcément que des dédicaces avec gens venus de très loin pour avoir une signature sur album. »
Avec Aline Bottecchia, la responsable exposition, elle a commencé à plancher sur des expositions jeunesse interactives — incluant des tableaux lumineux, des contenus interactifs, associant velleda, magnets, etc. Le tout pour que les enfants s’approprient les objets.
Par la suite est venue l’idée de créer des outils faciles à prendre en main pour les médiateurs du livre, et notamment les bibliothécaires. Vint alors la création des premiers racontetapis (qui ne pourrait pas mieux porter son nom de tapis à raconter…) et des kamishibai (forme de théâtre ambulant, emprunté au genre narratif japonais avec une petite scène). « C’est simple à faire, cela demande un peu travail et une rémunération pour auteurs. Mais ces outils restent faciles à prendre en main et amorcent une approche du livre qui fonctionne merveille », poursuit Céline Goubet.
Le tout premier kamishibai, c’est avec Alain Kokor qu’il fut réalisé — l’auteur qui a conçu le logo des éditions La Gouttière, un chat noir, tout naturellement. Il conçut alors La rencontre, sorte de prequel à son livre Mon copain secret (paru 2012 chez… La Gouttière, bravo tout le monde suit). Dans classe où fut raconté le komishibai, il expliquait que la fin de l’histoire c’est dans le livre que les enfants la trouveraient. « Ils se sont littéralement rués dessus. Parce qu’un livre qui vit, avec des images renforcées par théâtralité, le jeu des voix, la présence humaine et l’interaction, cela fait toute la différence. »
Il faut se souvenir que le service éducatif en dehors du festival était de fait la première activité professionnelle de l’association On a marché sur la Bulle, créée d’ailleurs pour porter un festival. « Les enseignants sont ensuite venus nous solliciter pour travailler autour de la BD, et nous avons imaginé le prix Révélation », poursuit la directrice adjointe. De fil en aiguille comme l’assoc imaginait des expositions, un service dédié a vu le jour, et l’on continuait de solliciter On a marché pour des prestations en milieu scolaire.
« Aujourd’hui, nous organisons 780 demi-journées de face à face pédagogiques par an, sur une multiplicité de formats de rencontres », soupire Céline Goubet, fourbue d'y penser, mais souriante.
Or, dans les premières années, subsistait l’impression que le marché jeunesse contenait pléthore de livres, mais toujours dans le même style. « Économiquement, c’est difficile à jouer pour des éditeurs : le secteur des primo-lecteurs, de 2 à 4 ans, n’est pas prescripteurs d’achats des livres. Les ouvrages mènent donc une vie plutôt chaotique. »
Des structures ont tenté le pari comme Dupuis avec les collections Punaise/Puceron. Mais finalement, seul est resté le best-seller Petit poilu. Des enjeux et considérations économiques qui, pour l'association, passaient au second plan...
« En tant qu’asso, nous voulions des livres pour travailler avec tous les publics. Et à disposition, s’il s’en trouvait plein déjà utilisables, il nous en manquait tout autant, notamment pour ceux qui ne maitrisent pas la lecture et pourtant, sont des lecteurs. » C’est ainsi donc que les Éditions de la Gouttière publièrent leurs premiers titres, avec cette spécificité : les très jeunes lecteurs.
« Quand l’administration fiscale a considéré que nous avions un catalogue dit concurrentiel, La Gouttière est sortie de l’association, mais nous restons très proches : d’abord, on partage les mêmes bureaux (rires !). Ensuite, nous travaillons sur les mêmes contenus », s’amuse Céline Goubet.
La collaboration avec une maison d’édition de proximité, permet alors à l’association d’avoir un matériau brut énorme « et surtout, surtout, de bénéficier d’une confiance aveugle de l’éditeur sur ce qu’on fera en matière de contenu pédagogique ». De quoi gagner du temps, sans avoir à réexpliquer sans cesse ce que fait l’association. « Ce n’est pas toujours simple d’être suivis par des éditeurs... »
À ce titre, elle travaille sur un projet pour l’Alliance française, au sein de quatre pays d’Amérique centrale. « Ils voulaient un équivalent du prix Révélation, alors nous envoyons un médiateur, durant cinq semaines pour les rencontrer. En amont, nous leur avons monté une exposition, et sélectionnons avec eux des ouvrages en lien avec le voyage, si possibles traduits en espagnol. »
Mais l’enjeu, insiste-t-elle, est de parvenir à travailler avec tous les publics :
Et quand on dit tous, il faut convaincre que certains se laissent même convaincre... même s'ils n'ont pas vraiment l'âge.
Crédit photos : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Commenter cet article