Qui succède à Kamel Daoud, lauréat 2024 du Prix Goncourt pour Houris (Gallimard) ? L’ouvrage récompensé, annoncé le 4 novembre à 12h45 en direct du restaurant Drouant à Paris, est : La Maison Vide de Laurent Mauvignier (Éditions de Minuit).
Le 04/11/2025 à 11:24 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
04/11/2025 à 11:24
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Présidée depuis mai 2024 par Philippe Claudel, successeur de Didier Decoin, l’Académie Goncourt rassemble aujourd’hui Pascal Bruckner, Tahar Ben Jelloun, Camille Laurens (secrétaire générale), Pierre Assouline, Éric-Emmanuel Schmitt, Françoise Chandernagor (vice-présidente) et Christine Angot, élue en mars 2024 après le retrait de Patrick Rambaud pour raisons de santé.
Paule Constant, devenue membre honoraire, a quitté ses fonctions à la limite d’âge. Les jurés sont soumis à une règle de réserve stricte : ils doivent s’abstenir de tout commentaire public sur les livres en compétition, notamment dans leurs chroniques ou critiques, afin de garantir l’impartialité du vote et d’éviter toute influence sur la réception des ouvrages.
Laurent Mauvignier est un écrivain français issu d’un milieu modeste. Après avoir interrompu des études de comptabilité en BEP, il intègre en 1984 l’École des Beaux-Arts de Tours, où il obtient en 1991 un diplôme en arts plastiques. Il s’inscrit ensuite à la faculté de Lettres modernes, sans toutefois achever ce parcours.
Son goût pour l’écriture naît très tôt : hospitalisé à l’âge de huit ans, il reçoit en cadeau Un bon petit diable de la Comtesse de Ségur, une lecture fondatrice qui marque le début de son rapport à la littérature.
Dans La maison vide de Laurent Mauvignier (Éditions de Minuit), le narrateur revient dans la maison familiale que son père avait rouverte en 1976 après vingt ans d’abandon. À l’intérieur : un piano, une commode au marbre ébréché, une Légion d’honneur, des photos dont certains visages ont été découpés. Ce lieu est chargé des traces de plusieurs générations, marquées par deux guerres mondiales et par la vie rurale du début du XXᵉ siècle.
En cherchant la Légion d’honneur d’un ancêtre, le narrateur entreprend une enquête intime : il tente de comprendre son histoire familiale et le mystère du suicide de son père. Peu à peu, il découvre les destins entrelacés de femmes effacées — son arrière-grand-mère Marie-Ernestine, pianiste brisée dans son rêve par un mariage forcé, et sa fille Marguerite, mal aimée et jugée scandaleuse. De génération en génération, les blessures et les renoncements se transmettent, dessinant le récit d’une lignée marquée par le silence et la perte.
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L’édition 2024 du Prix Goncourt, qui avait couronné Kamel Daoud pour Houris (Gallimard), a rapidement été éclaboussée par une controverse judiciaire. Quelques jours après l’annonce du prix, des accusations ont émergé en Algérie, puis en France, visant l’écrivain pour atteinte à la vie privée.
La plaignante, Saâda Arbane, affirme s’être reconnue dans le personnage d’Aube et reproche à l’auteur d’avoir utilisé son histoire sans son accord, par l’intermédiaire de son épouse, la psychiatre Aïcha Dehdouh. Selon elle, il s’agirait d’une violation du secret médical. Ses avocats évoquent un « abus de confiance » et un « pillage », tandis que Kamel Daoud dénonce un « procès médiatique » et conteste toute correspondance entre sa fiction et la vie réelle de la plaignante.
Une enquête publiée par Mediapart a ravivé la polémique : le manuscrit original de Houris portait le titre Joie — traduction possible du prénom Saâda — et comportait une dédicace à « une femme extraordinaire, la véritable héroïne de cette histoire ». Une autre note adressée à Arbane saluait « les femmes courageuses qui sauvent notre pays ». Ni l’auteur ni Gallimard n’ont commenté ces révélations.
L’élection de Philippe Claudel à la présidence, en janvier 2023, s’était déjà déroulée dans un climat tendu, révélant des divisions internes. Ces tensions ont refait surface lors de la désignation des finalistes à Beyrouth, boycottée par plusieurs membres après des propos polémiques du ministre libanais de la Culture, Mohammad Mourtada, accusant certains écrivains français de « soutenir des projets sionistes ».
Ce n’est pas la première fois que le jury traverse une période délicate. En 2022, il avait fallu quatorze tours de scrutin pour départager les finalistes — un record — avant que la voix décisive du président Didier Decoin ne permette de couronner Vivre vite de Brigitte Giraud, face à Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, récompensé la même année par le Grand Prix de l’Académie française.
Malgré son chèque symbolique de 10 euros, le Prix Goncourt demeure le trophée le plus convoité de la littérature francophone, synonyme d’un succès immédiat en librairie.
Les chiffres en témoignent : La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr (2021) s’est écoulé à plus de 550.000 exemplaires ; L’Anomalie d’Hervé Le Tellier (Gallimard, 2020) a dépassé 1,5 million de ventes en poche. Vivre vite de Brigitte Giraud (2022) a atteint 300.000 exemplaires, et Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea (2023) a franchi les 760.000 ventes selon Edistat.
Enfin, Houris de Kamel Daoud (2024) totalise plus de 400.000 exemplaires écoulés, confirmant l’influence intacte du prix, entre prestige symbolique et impact économique majeur.
Retrouver la liste des prix littéraires français et francophones
Crédits photo : ActuaLitté (CC BY-SA 2.0)
DOSSIER - Sélections, jurys, lauréats... Les prix de la rentrée littéraire 2025
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Paru le 28/08/2025
752 pages
Les Editions de Minuit
25,00 €
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Félix
04/11/2025 à 19:41
Les frères Edmond et Jules Huot de Goncourt fondèrent leur Académie dans leur hôtel d'Auteuil au XVIIIe siècle, intéressés notamment par l'impressionnisme littéraire et artistique ambiants de l'époque.
Ce n'est pas étonnant que le jury Goncourt ait choisi, et ce à l'unanimité presque, dès le 1er tour de scrutin cette fois-ci, la fresque familiale de Mauvignier.
En effet, la plupart du temps de nos jours un auteur est publié, par exemple chez Gallimard, principalement si le sujet de son livre correspond à la ligne éditoriale à la fois de la maison de publication et de ses lecteurs de correction à l'interne, souvent indépendamment de l'originalité du sujet ou de la force de l'écriture également.
Par exemple, le jury du Femina est à 100% féminin et ne cache pas ses préférences pour des oeuvres traitant des intérêts relatifs à la gent féminine.
Finalement, cela ne me surprendrait pas si, à son tour, le Médicis primait un essai étranger entièrement aux antipodes des thèmes déjà couronnés par les autres jurys l'ayant précédé déjà, notamment le Renaudot, le Goncourt et le Femina 2025.
Ce serait simplement dans la logique de la pensée littéraire courante, multiforme, engagée et surtout dérangeante.
Faux Nom
05/11/2025 à 00:12
Les féminicides ne concerneraient donc point les hommes.
Clara S.
05/11/2025 à 09:52
Que le livre n'est pas mort !
Comité Livre Libre
07/11/2025 à 22:27
À l'estomac
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