La vitesse de lecture fait l'objet d'une certaine fascination, pour ne pas dire obsession : lire vite serait l'indicateur de certaines prédispositions quant aux capacités intellectuelles et aux compétences de lecture. Sauf que les standards seraient largement surestimés, estime un chercheur de l'université de Gand, en Belgique. Marc Brysbaert a comparé les données de près de 18.000 lecteurs pour en tirer une moyenne plus basse que les habituels 300 mots par minute...
La vitesse de lecture moyenne, estimée autour de 300 mots par minute, serait largement surestimée, explique Marc Brysbaert, chercheur en psychologie expérimentale à l'université de Gand, en Belgique, et auteur d'une étude sur le sujet. 190 examens, qui ont réuni près de 18.000 lecteurs, ont permis de tirer une moyenne de 260 mots par minute pour la fiction et 238 mots par minute pour la non-fiction.
Les textes proposés étaient écrits en anglais, proposés à des locuteurs anglophones ou pratiquant l'anglais comme seconde langue : les vitesses de lecture les moins rapides ont été observées chez les jeunes lecteurs, les personnes âgées et, justement, les personnes pour qui l'anglais n'est pas la langue natale. Pour ce qui est de l'entraînement à la lecture, à l'école primaire, les enseignants proposent souvent la mise en place d'un rallye lecture afin de pousser les élèves à devenir plus habile dans leur lecture, et, ainsi, plus rapide, tout en comprenant d'autant mieux ce qu'ils lisent.
Toutes ces données concernent la lecture silencieuse : à l'oral, la vitesse de lecture tombe facilement sous la barre des 200 mots par minute, à 183 mots par minute en moyenne selon les performances des quelque 6000 participants soumis à l'examen de Marc Brysbaert.
D'autres études précédant la sienne, rappelle le chercheur, ont mis en évidence qu'une vitesse de lecture supérieure à 1000 mots par minute ne permettait pas de comprendre correctement le texte lu : autrement dit, lire lentement, à un rythme constant et régulier, permet aussi de garantir l'appréhension sereine des mots, des phrases et de leurs sens.
Mieux évaluer la lecture
Étudier les vitesses de lecture peut sembler anodin : après tout, il y a autant de lecteurs que de livres. Mais réévaluer les vitesses moyennes de lecture permettra d'identifier de manière plus sûre les déficiences en la matière. « La vitesse de lecture est également importante pour les théories psychologiques sur les processus de lecture, les différences individuelles en matière de traitement de l'information, les différences entre les langues, l'étude des tâches et la métacognition [la conscience de sa propre pensée, NdR]. »
Par ailleurs, note le chercheur, les différences importantes en matière de vitesse de lecture s'observent principalement entre une lecture « habituelle » et ce que l'on désigne comme le « scan » d'un texte : dans un cas, le lecteur déchiffre l'ensemble du texte, tandis que dans l'autre, il ne cherche qu'un mot en particulier dans l'ensemble. Pour le reste, peu importe l'objectif de la lecture ou l'attention : la vitesse diffère peu.
Enfin, l'étude s'intéresse aux possibles différences entre la vitesse de lecture d'un texte, nécessaire à sa compréhension, et la vitesse d'écoute d'un discours oral : en général, la vitesse de lecture est bien plus rapide que le débit d'un discours oral, mais la compréhension ne serait pas gênée si les vitesses étaient équivalentes. Ainsi, les lecteurs capables de lire à une vitesse de 260 mots par minute peuvent aussi saisir correctement un discours diffusé à cette vitesse, tandis que ceux qui n'y parviennent pas pourront aussi rencontrer des difficultés à l'écoute.
De telles observations ne manqueront pas d'intéresser les habitués du livre audio désireux d'écouter plus rapidement...
L'étude complète est accessible à cette adresse.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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