Le maître du néoclassicisme, Jacques-Louis David, est mis à l’honneur à l’occasion du bicentenaire de sa mort. Et comme l’écrit si justement, David Chanteranne, l’auteur de cette biographie, « le peintre, par son art tout en nuances, ses portraits de caractère, ses grands formats si célèbres, domine son époque. » Et quelle époque !
Né en août 1748 et mort en décembre 1825, peintre des aristocrates puis fervent révolutionnaire avant d’être le peintre de l’Empire, il est légitime de se demander comment il a réussi à sauver sa tête sans faire preuve d’opportunisme, à la différence de certains autres.
Issu d’une famille assez aisée, il est, comme beaucoup à l’époque, rapidement orphelin de père. C’est par sa mère qu’il côtoie des artistes, des architectes, des maîtres charpentiers, etc., dont Jacques-François Desmaisons, architecte du roi Louis XV et membre de l’Académie royale d’architecture, marié à l’une de ses tantes, pour ne citer que lui.
Meilleur peintre qu’orateur selon l’aveu d’un de ses professeurs, il confie lui-même qu’il avait, enfant déjà, une passion exclusive pour le dessin. Il rencontre en 1764, alors âgé de seize ans, le peintre François Boucher (dont de nombreuses toiles sont encore bien connues, comme un portrait de Madame de Pompadour réalisé en 1756 ou des tableaux plus décriés tels que La Toilette intime, v. 1760), mais celui-ci s’estime trop âgé pour l’éduquer et le confie alors aux bons soins de Joseph-Marie Vien. Rencontre décisive s’il en est, « Vien est un précurseur du retour à l’antique dans la peinture », style que l’on retrouvera dans la peinture de David, qui intègre son atelier.
Le professeur réussit à faire entrer son talentueux élève à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Jacques-Louis David a alors dix-huit ans. Il obtient « le 30 septembre 1769 une troisième médaille au prix de quartier. Le 3 mars suivant, il est admis à l’épreuve de l’académie peinte d’après nature, mais n’est pas retenu pour l’épreuve suivante. »
En 1770, Boucher, qui exerçait toujours une grande influence sur lui, meurt : David va enfin pouvoir s’émanciper. En 1771, il se présente pour la première fois au prestigieux Prix de Rome. Son Combat de Minerve contre Mars remporte le deuxième prix. Il gardera une rancune tenace contre celui qui avait remporté le premier prix. De nouveau recalé en 1772, il envisage alors le suicide et « conserve de cet épisode un dégoût pour l’Académie », ce qui ne l’empêchera pas de persévérer.
Nouvel échec en 1773, il se présente alors à un autre prix, celui de l’étude des Têtes et de l’Expression. « Présentant une toile intitulée La Douleur, les qualités indéniables, le délicat coloris et le visage parfaitement équilibré lui valent tous les éloges. Cette fois, Louis est enfin primé. Le 2 octobre 1773, il reçoit le premier prix. La chance a tourné. Elle ne le quittera plus. »
En 1774, il reçoit enfin le prix tant convoité : l’Académie le reçoit enfin ! Comme de coutume, il prépare alors son Grand Tour. Il ne revient à Paris qu’en 1780, le temps de parfaire son apprentissage. Le 2 mai 1782, il épouse Marguerite-Charlotte Pécoul, âgée de seize ans, « l’avenir de Louis est assuré. L’importante dot de cinquante mille livres lui permet dorénavant de peindre sans se soucier du quotidien. » Le 23 août 1783, il devient académicien en présentant l’œuvre La Douleur et les regrets d’Andromaque sur le corps d’Hector. « La direction des Bâtiments du roi lui passe derechef commande pour trois mille livres, du Serment des Horaces », ce sera son premier grand succès et la porte d’entrée vers la postérité. Il devient alors le chef de file des néoclassiques.
Mais la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, un événement va venir troubler son bel avenir : la Révolution française. David se radicalise rapidement, devenant un antiroyaliste acharné, « son choix est fait : il sera le peintre du soulèvement. » Qui ne connaît pas son célèbre tableau Le Serment du Jeu de Paume, tableau pourtant jamais terminé, les têtes tombant plus rapidement qu’il ne pouvait les peindre…
Tout occupé qu’il était à faire de la « politique », il peint naturellement moins, ce qui n’empêche pas le « succès », puisque l’assassinat de Marat, le 13 juillet 1793, pour qui il avait un réel respect, lui inspire l’un de ses tableaux les plus connus. À cette période, Jacques-Louis David est à la direction de la Société des amis de la Constitution ainsi qu’à la tête de la Société des Jacobins. Il est parmi les tendres … Pendant le procès de Marie-Antoinette, « c’est lui qui soutire l’immonde aveu de l’enfant qui condamne sa propre mère. » Il exerce une telle influence que personne n’ose le contredire, mais la chute de Robespierre entraînera la sienne.Il est emprisonné.
Marguerite-Charlotte, dont il est alors divorcé, vient le voir régulièrement en prison et se démène pour le sauver, ainsi que nombre de ses anciens élèves : « ne laissez pas plus longtemps ses talents dans l’avilissement ; qu’il soit rendu à son atelier et à ses élèves ». Ils lui obtiennent un non-lieu le 28 décembre 1794. Sa tête est sauvée et arrive au pouvoir un homme qu’il a déjà rencontré : le jeune
Bonaparte, avec qui le courant est passé instantanément. « Les deux hommes se sont trouvés. Ils ne se quitteront plus. » Avide d’honneurs, il est nommé membre de la toute nouvelle Légion d’honneur en décembre 1803, et le jeune général devenu Napoléon Ier lui commande une série de quatre grandes toiles mettant en avant quatre cérémonies majestueuses, dont le fameux Sacre.
Le Sacre de Napoléon, achevé en 1807, fut un énorme succès et reste aujourd’hui un chef-d’œuvre, même s’il prit de nombreuses libertés avec la réalité. Celui qui avait transformé une mule en étalon blanc pour signifier le passage du col du Grand-Saint-Bernard par Bonaparte n’allait pas se laisser intimider par les problèmes familiaux du clan Bonaparte et encore moins par « Madame Mère » … Parmi ses élèves, le plus fidèle fut sans aucun doute Antoine-Jean Gros, mais le plus talentueux fut Ingres, dont il dira après avoir vu son Jupiter et Thétis, « j’ai été le maître de Ingres, c’est à lui de m’enseigner. »
Après la chute définitive de Napoléon, étant considéré comme un régicide pour avoir voté la mort de Louis XVI, David est contraint à l’exil. Il choisira Bruxelles, où il s’installera avec sa femme (qu’il aura donc épousé deux fois) et où il continuera à recevoir tous les honneurs, « cet exil n’est finalement pas pour lui déplaire ». Il refusera d’ailleurs de nombreuses possibilités de rentrer en France.
Le vieux peintre, âgé alors de soixante-quinze ans, fera sa dernière grande toile à Bruxelles, Mars désarmé par Vénus, achevée en 1824, quelques mois avant son décès. Elle est toujours à Bruxelles, conservée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, tout comme le corps du peintre, que les Bourbons n’ont jamais accepté de faire revenir en France.
Seul le cœur de Jacques-Louis David repose au cimetière du Père-Lachaise ; son corps est, depuis 1882, au cimetière de Bruxelles. Plongez dans cette biographie passionnante pour découvrir l’homme derrière le peintre, ses combats, ses fidélités et ses contradictions.
Vous pouvez découvrir au Louvre une exposition qui lui est consacrée jusqu’au 26 janvier 2026 ; si vous ne pouvez y aller, le catalogue d’exposition publié en partenariat avec le musée et les éditions Hazan est, comme toujours, disponible. Vous pouvez également lire la biographie signée par l’historien et rédacteur en chef de la Revue du Souvenir Napoléonien, David Chanteranne, récemment publiée par les éditions Passés/Composés.
Par Audrey Le Roy
Contact : aleroy94@gmail.com
Paru le 10/09/2025
331 pages
Passés Composés
24,00 €
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