Depuis toujours, le dragon nous précède. À peine son nom prononcé, il s’élève, serpent arc-en-ciel ou monstre d’abîme, occupant à la fois le ciel, les rivières et nos songes. Dans Dragon. Généalogie mondiale d’un mythe (Armand Colin), Julien d’Huy ne se contente pas d’en dresser le portrait : il en retrace la lignée.
Historien des mythes, chercheur affilié au Laboratoire d’anthropologie sociale, il poursuit ici un chantier entamé avec « L’Aube des mythes » et « Cosmogonies ». Sa méthode, singulière, emprunte aux sciences de l’évolution : à la manière d’un biologiste, il compare, cartographie, relie des fragments de récits venus des cinq continents pour en reconstruire l’arbre généalogique. Et le résultat a de quoi surprendre : les dragons du monde, si divers soient-ils, partageraient une origine commune — un tronc mythique antérieur même à la sortie d’Afrique d’Homo sapiens.
Sous sa plume, le monstre n’est plus seulement un symbole, mais une trace. Une empreinte narrative transmise de génération en génération. Le dragon engloutit les villages africains sous forme de courge géante, se change en serpent-rivière en Asie, en dévoreur d’étoiles en Océanie, en gardien de trésor en Europe : autant de métamorphoses issues d’un même fonds d’histoires humaines.
La préface de Bernard Sergent salue un travail d’une ampleur rare : un inventaire global, mais sans spéculation mystique. Ici, pas de symboles universels issus de la psychologie, mais une archéologie patiente du récit, étayée par la statistique et l’analyse comparative.
Ce que révèle Dragon, au fond, dépasse la créature elle-même. En suivant ses traces, c’est la mémoire de l’humanité que Julien d’Huy exhume : un fil de contes tissé dès les premières migrations, reliant par-delà les millénaires nos peurs, nos colères, nos renaissances. Le dragon n’est pas qu’un mythe universel : il raconte notre histoire.
Publiée le
17/10/2025 à 12:31
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Paru le 27/08/2025
464 pages
Armand Colin
24,90 €
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