Derrière la remise de 5 % qu'Amazon annonce, se trouve un geste commercial, mais surtout une logique marchande qui cherche à s’imposer : livrer n’est pas transmettre. En prétendant favoriser l’accès à la culture, la plateforme fragilise surtout le modèle du prix unique du livre et détourne le sens même de la lecture, qui relève du lien, non de la livraison. Renny Aupetit, libraire, dénonce ce modèle dans une tribune publiée dans nos colonnes.
Le 16/10/2025 à 12:11 par Auteur invité
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16/10/2025 à 12:11
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Amazon promet 5 % de réduction sur les livres neufs, se présentant en défenseur de la lecture. Mais lire, ce n’est pas consommer — et livrer, ce n’est pas transmettre. Derrière cette offre alléchante, c’est une vision purement marchande de la culture qui s’impose : l’attention se mesure en secondes, la pensée devient un produit de consommation courante.
Amazon justifie cette réduction par la volonté de toucher les « lecteurs éloignés de l’offre physique ». Pourtant, le vrai défi n’est pas logistique, mais culturel. Les chiffres du Centre national du livre (CNL) et du CREDOC sont sans appel : en 2023, seulement 81 % des Français se déclaraient lecteurs, contre 88 % dix ans plus tôt.
La baisse touche toutes les catégories sociales et tous les territoires, y compris les grandes villes, pourtant bien pourvues en librairies. Le problème n’est pas l’accès au livre, mais la place de la lecture dans une société saturée d’écrans, de streaming et de réseaux sociaux.
La plateforme rend le livre disponible, mais non désirable. Elle met en avant les best-sellers, uniformise les goûts, réduit le choix à ce qui se vend déjà. Une librairie, en revanche, est un lieu de rencontre, de conseil, de débat — un espace qui entretient le goût du livre et le relie à la vie sociale. Amazon, lui, ne livre que des colis. Il ne crée pas de lecteurs, il simplifie la vie de ceux qui le sont déjà.
La réduction de 5 % n’est pas un geste culturel, mais une manœuvre commerciale. Depuis que la loi impose 3 € minimum de frais de livraison, Amazon cherche à compenser cette contrainte en baissant le prix du livre, érodant ainsi le principe du prix unique, pilier de la politique du livre en France.
Sous couvert de défendre « l’accès à la culture », Amazon défend surtout ses parts de marché : plus de la moitié des ventes de livres en ligne passent déjà par sa plateforme, sans qu’il contribue à la vie littéraire ou à la médiation culturelle.
Avec plus de 3 500 librairies indépendantes, la France possède le maillage le plus dense d’Europe. Ces lieux ne sont pas de simples commerces : ils organisent des rencontres, soutiennent les auteurs, font exister la diversité éditoriale.
Pour les zones isolées, des alternatives existent — bibliothèques intercommunales, librairies itinérantes, plateformes coopératives — qui allient numérique et proximité sans sacrifier le lien humain.
Ce qui recule aujourd’hui, ce n’est pas la possibilité d’acheter un livre, mais le désir de lire. Aucun rabais, aucune livraison express ne peut remplacer le temps, l’attention et l’expérience intime que demande la lecture. Le livre n’a pas besoin d’un distributeur mondial, mais de lecteurs vivants et de lieux de transmission.
Renny Aupetit, libraire
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Auteur invité
Contact : contact@actualitte.com
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22/10/2025, 11:05
Le Salon d’automne de l’Autre Livre est l’un des rendez-vous majeurs de l’édition indépendante à Paris. Il se tiendra, cette année, du 21 au 23 novembre 2025 à la Mairie du 5e arrondissement. À cette occasion, ActuaLitté invite les éditeurs exposants à prendre la parole : aujourd'hui, focus sur la maison d'édition Sans Crispation.
21/10/2025, 11:46
Le Salon d’automne de l’Autre Livre est l’un des rendez-vous majeurs de l’édition indépendante à Paris. Il se tiendra, cette année, du 21 au 23 novembre 2025 à la Mairie du 5e arrondissement. À cette occasion, ActuaLitté invite les éditeurs exposants à prendre la parole : pour commencer la semaine, les éditions Plan B nous présentent leur maison.
20/10/2025, 11:09
Le Salon d’automne de l’Autre Livre est l’un des rendez-vous majeurs de l’édition indépendante à Paris. Il se tiendra cette année, du 21 au 23 novembre 2025 à la Mairie du 5ᵉ arrondissement. À cette occasion, ActuaLitté invite les éditeurs exposants à prendre la parole : la parole est donnée aux éditions Quartier Libre.
18/10/2025, 10:30
Dans cette carte blanche, Anaïs Guiraud revient sur la genèse de son roman consacré à la civilisation minoenne. De ses voyages en Crète à l’étude des fresques et des vestiges de Knossos, elle s’interroge sur l’hypothèse d’une société dominée par les femmes et sur la manière dont cette vision a façonné ses personnages et leur rapport au monde.
17/10/2025, 17:38
Le Salon d’automne de l’Autre Livre est l’un des rendez-vous majeurs de l’édition indépendante à Paris. Il se tiendra cette année, du 21 au 23 novembre 2025 à la Mairie du 5ᵉ arrondissement. À cette occasion, ActuaLitté invite les éditeurs exposants à prendre la parole : ce vendredi, les Éditions La Reine Blanche nous présentent la richesse de leurs projets, entre collections, traductions et nouvelles parutions.
17/10/2025, 16:10
L’homme a toujours été préoccupé par la mort. Quel sens donner à sa vie quand on ne connait pas l’échéance, et si nous connaissions celle-ci, que ferions-nous du temps restant ? Oracle est une application qui vend cette information à ses clients et si certains acceptent ou changent de vie, d’autres adoptent un comportement violent.
17/10/2025, 15:23
Ah la douceur d'une librairie, ses tables, ses étagères et ses livres à foison... Abondance de biens ne nuit pas, sauf peut-être à exister au milieu de cette profusion. François Belley, écrivain-pirate, et auteur du Petit Traité des idées, à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre (Trédaniel, sept. 2025), a un plan. Qu'il nous expose dans ce billet d'humeur.
17/10/2025, 10:21
Le Salon d’automne de l’Autre Livre est l’un des rendez-vous majeurs de l’édition indépendante à Paris. Il se tiendra cette année, du 21 au 23 novembre 2025 à la Mairie du 5ᵉ arrondissement. À cette occasion, ActuaLitté invite les éditeurs exposants à prendre la parole : aujourd'hui, les éditions d'Avallon sont à l'honneur.
16/10/2025, 11:51
Connu pour son approche critique des auteurs contemporains, mais aussi pour ses récits intimistes, comme Pays perdu (L’Esprit des Péninsules, 2003), Pierre Jourde est également docteur ès Lettres, spécialisé dans l’œuvre de Huysmans, fin connaisseur des écrivains décadentistes. Rien de surprenant, donc, à ce que ce nouveau et volumineux roman prenne place à la fin d’un XIXème siècle marqué par un positivisme étouffant, mais aussi par un retour à l’occulte, au mystère. Un entretien mené par Étienne Ruhaud.
16/10/2025, 10:35
10 Commentaires
Tom_75007
18/10/2025 à 00:10
Renny Aupetit devrait monter le Amazon français. Non ?
Ben pourquoi ? Plus facile de pleurer et d'attendre les subventions des contribuables !
Corporation de grincheux, chouineurs. Ils sont insupportables...
Team ActuaLitté
18/10/2025 à 13:07
Bonjour
Il est utilse de temps à autre d'avoir un peu de connaissances sur l'industrie pour commenter intelligemment.
Vous sauriez donc que, même si l'avenir n'en fit pas un Amazon français, Renny Aupetit avec le collectif Librest a bel et bien monté une initiative concurrente, alternative et toujours active. En 2009, Lalibrairie.com a vu le jour, que M. Aupetit dirigea jusqu'en 2018.
Tourner ses doigts sept fois au-dessus du clavier avant de parler, à méditer ?
Tom_75007
18/10/2025 à 21:27
Il faut croire qu'il n'a pas réussi à dépasser Amazon, si c'est encore pour se plaindre sur le fonctionnement de son concurrent. Business is business, c'est difficile mais c'est ainsi.
Il est certain qu'une boîte comme Amazon a les moyens de faire ce qu'il faut pour attirer et garder ses clients, sans tomber dans l'illégalité.
Le prix unique du livre est une absurdité. Quels autres commerçants ont un tel avantage ? Je ne parle même pas des droits de retour des invendus...
Non mais
20/10/2025 à 15:40
Comme dit plus haut, il est bien de connaître un peu l'économie du livre avant de commenter.
Car comparer le commerce du livre à un autre, faut oser : on ne vend pas un livre comme on vend des tranches de jambon. Puis conclure que les libraires sont avantagés, euh... Là aussi c'est mal connaître la réalité.
Tom_75007
20/10/2025 à 20:10
Oui, je le connaît très mal, j'y ai bossé une bonne dizaine d'années ;)
J'ai vu l'envers du décor.
Etienne Normand
21/10/2025 à 18:50
Je doute que vous ayez été libraire. Ou en tout cas un libraire à la vue courte (ses propres intérêts) et très peu concerné par sa profession (malgré vos dix ans d'ancienneté) et son évolution.
Peut-être un libraire un peu idéaliste, un peu binaire qui, après une suite de mauvaises expériences professionnelles, se met à applaudir les pratiques d'une grosse entreprise qu'il n'a pas fréquenté.
Casser le prix unique du livre ne fera qu'asseoir le monopole d'Amazon : le leader sur le marché impose ses prix parce que sa visibilité auprès des consommateurs prime sur ses concurrents. Il est donc libre, puisqu'il en a les moyens, de descendre ses prix, de négocier comme il l'entend auprès de ses fournisseurs (ici les éditeurs) et briser les reins de ceux qui ne disposent pas des mêmes fonds. Et les particuliers qui montent une librairie n'ont pas les mêmes fonds qu'Amazon. C'est d'ailleurs la raison de l'existence du prix unique du livre : casser, à l'époque, le monopole de la Fnac.
Mais vous deviez le savoir puisque vous avez été libraire.
Il existe cependant un monde qui vit encore de cette manière, au prix libre et non faussé. Ce sont les librairies d'occasion. Et malgré l'engouement des lecteurs pour l'achat de seconde main, elles ne se portent pas non plus très bien (sauf les spécialistes en livres anciens, peut-être).
Amazon ne doit son monopole qu'aux feignants; ceux qui aiment se vautrer, se faire servir et refusent les contraintes physiques et intellectuelles; et ceux qui, pour des raisons géographiques, n'ont pas accès à une librairie (surfaces culturelles comprises) à moins de 20 minutes à pied de chez eux.
Les librairies indépendantes ou non ne sont pas forcément la réponse à Amazon.
Gratuites, de proximité et en prêt illimité pour certaines, les médiathèques le sont davantage.
Le "zeitgeist" ne semble cependant pas prendre cette option en compte.
Si je me fis à votre pseudo, voilà une carte interactive qui devrait vous servir : https://lacarte.parislibrairies.fr/
Elle recense toutes les librairies parisiennes inscrites à l'association Paris Librairie. Vous devriez en trouver une pas très loin de chez vous. Vous risquez par contre de sentir au début, une légère douleur dans les jambes; ce sont vos muscles atrophiés qui travaillent, mais avec le temps et l'usage, ça devrait partir.
Tom_75007
22/10/2025 à 10:25
... les clients d'Amazon, feignants ? LOL ! Soyons sérieux !
Oui, je vais en librairie en visiteur et aussi en acheteur si je n'ai pas le choix d'acheter en neuf, pour éviter les frais de port obligatoires imposés honteusement à Amazon par un gouvernement communiste.
Sinon, je passe par le marché de l'occasion (leboncoin, Rakuten, marketplace Amazon, Momox, Recyclivre, etc.). Moins je donne d'argent à ce milieu du commerce de détail de la librairie, mieux je me porte ;) - mais j'en donne déjà indirectement énormément par les impôts, taxes, cotisations exorbitants... C'est sûr que c'était moins le cas quand j'étais en poste en librairie, vu les salaires au ras des pâquerettes ! Il faut savoir que dans ce milieu détestable et hypocrite, s'il n'existait pas de SMIC, on se demande s'ils paieraient leurs salariés ;)))
"après une suite de mauvaises expériences professionnelles" => je vous le confirme et je l'assume totalement.
Etienne Normand
22/10/2025 à 20:43
"...imposés honteusement à Amazon par un gouvernement communiste."
LOL ! On se demande qui est sérieux ici !
Tom_75007
23/10/2025 à 11:32
Quand on en vient à aller pleurer auprès des ministres pour faire imposer une loi pareille à son concurrent, c'est quand même triste.
Si Amazon souhaitait offrir la livraison à ses clients, même pour un article à 10 centimes, c'est SON problème.
Qu'il y ait une loi pour empêcher cette liberté prouve que le pays est digne d'un pays coco.
Donc je confirme bien que ce milieu est incapable de se remettre en question et préfère brider le concurrent par n'importe quel moyen que de développer une sérieuse concurrence. Si demain, on coupe toute subventions publique, qui s'effondre en premier ? ;)
Etienne Normand
23/10/2025 à 12:53
C'est drôle cette fascination que vous avez pour les subventions que toucheraient les librairies pour exister. Vous êtes sûr que vous ne confondez pas les librairies et les bibliothèques ? ;)
Trêve de LOL, ça serait aimable de développer. Parce qu'à part les marchés avec les bibliothèques et les aides à l'installation (dont bénéficie n'importe quel petit commerce qui le demande), je ne vois pas où de l'argent public va dans les caisses d'une librairie. La librairie est un commerce, elle vivote de ses clients.
Pour le reste, c'est du protectionnisme. Même cet affreux coco de Donald Trump l'utilise.
Un ressort politique standard pour un état qui souhaite que son maillage commercial ne soit pas uniquement composé de grosses corporations, mais soit aussi entre les mains de particuliers (et je parle ici aussi des boulangeries, des boucheries, des fromageries, des épiceries, primeurs, bars/tabacs...) qui, eux, font vivre des villes de toutes tailles.
Une ville sans cela, et sans plein d'autres choses, n'est qu'une ville dortoir à côté d'une zone industrielle. Il n'y à qu'à regarder ce que sont devenues une partie des campagnes françaises. Alors évidemment, après ça gueule pour se faire livrer par Amazon sur le pas de sa porte.
Je ne tiens personnellement pas à vivre dans une société où les rapports humains sont virtualisés, où l'individu est atrophié et considéré comme un portefeuille sur patte, monnayant la promesse de le "libérer de tous efforts physiques et intellectuels", où les déplacements se font sans sortir de sa caisse, où la bouffe est de basse qualité parce que produite à grand rendement (et donc à coup d'engrais chimiques et de pesticides); et où, à part shooter dans des boites de conserve sur un parking désaffecté de grande enseigne, il n'y a rien à foutre.
Sur ce, je vous laisse, j'ai kolkhoze.