L’histoire se déroule dans les années 1990, dans un petit village des Alpes suisses, isolé et enneigé, où vit Urs, un jeune homme calme, rêveur et solitaire. Lorsqu’il ne dévale pas les pentes avec ses amis, il se consacre à un art traditionnel hérité de son grand-père : le papier découpé. Ce savoir-faire ancestral, à la fois humble et minutieux, lui permet de raconter des histoires en images — des silhouettes noires sur fond blanc qui deviennent ses paysages intérieurs.
Mais Urs nourrit aussi une autre passion : la bande dessinée, en particulier les aventures de Miss Wu, une héroïne chinoise intrépide, pilote de chasse et résistante, personnage d’un illustré qu’il dévore depuis l’enfance. Cette figure féminine de papier incarne pour lui un idéal de liberté et d’audace, bien loin de la retenue du monde montagnard qui l’entoure.
Chaque année, le village d’Urs accueille de jeunes étudiants étrangers venus d’Angleterre pour séjourner dans les montagnes. Ces rencontres éphémères rythment sa vie et éveillent sa curiosité pour le vaste monde. Jusqu’au jour où arrive Mei, une étudiante chinoise au visage troublant : elle est le sosie parfait de Miss Wu.
Dès lors, la frontière entre la réalité et la fiction commence à vaciller. Urs projette sur Mei son imaginaire de lecteur ; la jeune femme, d’abord amusée, puis déroutée, devient peu à peu le miroir vivant de son rêve. Leur relation évolue sur un fil fragile entre fascination et tendresse, entre projection et rencontre réelle.
Peu à peu, Yiyun glisse vers une méditation sur la création artistique et le pouvoir des images. Urs cherche à unir les deux formes d’art qu’il aime : le papier découpé et la bande dessinée. Mais cette ambition se heurte au conservatisme du monde alpin, qui considère l’art populaire comme immuable et fermé aux influences extérieures.
En persistant, Urs revendique la liberté du créateur : il raconte son histoire malgré tout, mêlant tradition et modernité, réel et imaginaire, jusqu’à donner naissance à une œuvre qui les réconcilie. La dimension tragique affleure — car tout idéal a un prix —, mais Cosey choisit ici la lumière plutôt que la mélancolie : Yiyun est un récit de joie, d’éveil et de création, où l’amour et l’art se confondent pour dire la même chose : la possibilité de réinventer le monde à travers le regard.
Publiée le
13/10/2025 à 10:54
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Paru le 10/10/2025
112 pages
Le Lombard
21,45 €
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