Longtemps restées dans l’ombre des grandes toiles, les peintures sur papier de Pierre Soulages révèlent un pan essentiel de son œuvre. Des premiers brous de noix des années 1940 jusqu’aux encres et gouaches du début des années 2000, l’artiste y explore avec une liberté rare le dialogue entre la matière, la lumière et le geste. Sur ce support plus modeste, plus direct aussi, il trouve une spontanéité qui échappe aux contraintes de l’huile : le papier lui permet d’expérimenter, de rompre, de recommencer sans entrave. Chaque feuille devient le lieu d’une invention, d’un surgissement.
Soulages, qui refusait toute hiérarchie entre les techniques, voyait dans ces œuvres un champ d’exploration aussi nécessaire que ses toiles. Le brou de noix, qu’il emprunte aux artisans, lui offre des transparences chaudes et des reflets mouvants ; l’encre et la gouache prolongent cette quête de la lumière née du noir. Sur la blancheur du papier, il cherche moins à représenter qu’à révéler. Ces « signes sans signification », selon sa propre expression, affirment une intensité picturale qui fait de chaque œuvre un espace d’invention et de recherche.
Loin d’être des études préparatoires, ces peintures sont des œuvres à part entière. Leur format intime n’enlève rien à leur puissance : au contraire, il concentre l’énergie du geste. Dans les lavis, les reflets et les glacis se devinent déjà les prémices de l’Outrenoir, cette révolution plastique née en 1979, où la lumière émane de la profondeur même du noir.
Cet ensemble fragile et lumineux éclaire d’un jour neuf le parcours du maître de l’abstraction. Le livre Soulages, une autre lumière. Peintures sur papier d’Alfred Pacquement, publié par les éditions Gallimard et GrandPalaisRmnÉditions à l’occasion de l’exposition du musée du Luxembourg (jusqu’au 11 janvier 2026), invite à redécouvrir un créateur qui, tout au long de sa vie, a su faire du noir le complice de la lumière.
Publiée le
08/10/2025 à 18:25
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Paru le 11/09/2025
64 pages
Editions Gallimard
11,50 €
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Marie
16/10/2025 à 08:39
D'abord on sait à présent que feu Soulages n'a pas inventé ce qu'il nomme "outrenoir".
Ensuite un procès lui fut intenté par un peintre du noir (Soulages fut gagnant, à une époque où il débutait). Peintre allemand qui eut son heure de gloire mais sans-doute oublié à présent.
Enfin, tant le musée de Rodez que la salle de celui de Montpellier consacrée à P.S. sont quasiment vIdes.
Nicolas de Staël avait-il raison?