Le grand favori Andrea Bajani a remporté le Prix Strega 2025 avec L'anniversario (Feltrinelli), totalisant 194 voix. Une consécration qui intervient dans un contexte tendu entre les organisateurs et le gouvernement.
Le 06/07/2025 à 20:47 par Federica Malinverno
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La cérémonie de remise du prix, qui s’est déroulée dans le nymphée du Musée étrusque de la Villa Giulia à Rome, a été assombrie par la polémique opposant les organisateurs du Prix Strega et le ministre de la Culture, Alessandro Giuli, qui a déclaré : « Oui, j’ai bien été invité à la soirée de remise du prix, mais, contrairement aux années précédentes, je n’ai reçu aucun autre signe de la part de la Fondation Bellonci, pas même un exemplaire des livres sélectionnés, depuis ma prise de fonction.
Peut-être que, devenu ministre, je suis passé du statut d'‘Ami du dimanche’ à celui d’‘ennemi du dimanche’… Mais le Strega reste un beau prix, même sans moi. Peut-être simplement un peu moins amusant sans ma présence et celle de Geppi Cucciari (animatrice de la cérémonie et humoriste, absente en raison d’un tournage, NDLR). » (Source : Il Libraio)
Pour rappel, les jurés historiques du Prix Strega sont surnommés « les Amis du dimanche ».
La réaction du directeur de la Fondation Bellonci, Stefano Petrocchi, ne s’est pas fait attendre : « Les relations avec le ministre ont toujours été cordiales (…) Nous ne lui avons pas envoyé les livres du prix, car nous demandons aux éditeurs de les faire parvenir uniquement aux membres du jury, et il a renoncé à ce rôle le jour même de sa nomination ministérielle. Dans sa lettre, il écrivait : “Ma prise de fonction ministérielle ne me permet plus d’assumer mon rôle d’Ami du dimanche au sein du Prix Strega.” Bien entendu, il était convié à la cérémonie de ce soir à la Villa Giulia, comme il l’avait été au Prix Strega Poésie du 9 octobre dernier (…) »
L’éditeur Giuseppe Laterza a pour sa part réagi dans La Repubblica : « Pour un éditeur, entendre qu’un ministre ne lit des livres que si on les lui offre, c’est assez surprenant. J’aimerais demander à Giuli, puisqu’il porte des lunettes comme moi : tu ne les mets que si on te les offre ? » Malgré ces tensions, Stefano Petrocchi a tenté d’apaiser le climat à l’approche de la soirée : « Aujourd’hui, nous avons fait parvenir au ministre Giuli les ouvrages des finalistes, et il nous a remerciés depuis Berlin par l’intermédiaire de son cabinet. »
Andrea Bajani a déclaré : « Écrire, c’est remettre en cause la version officielle. Et aujourd’hui, cette version, c’est celle du patriarcat. Avec L’Anniversario, j’ai voulu montrer qu’il est nécessaire que les hommes aussi s’interrogent sur cette réalité. »
Déjà lauréat du Prix Strega Giovani 2025 et finaliste du Prix Strega et du Campiello en 2021 avec Il libro delle case (Feltrinelli, publié en France chez Gallimard en 2023, traduction de Nathalie Bauer), Andrea Bajani explore dans L’Anniversario, entre roman et autofiction, les tensions familiales et les liens oppressants qui en découlent.
Cette victoire marque également le retour de l’éditeur Feltrinelli, absent du palmarès depuis 2005 avec Il viaggiatore notturno de Maurizio Maggiani (publié en France chez Actes Sud, traduction de Marguerite Pozzoli). En 2023, Feltrinelli avait atteint la quatrième place avec Romanzo senza umani de Paolo Di Paolo, et la deuxième en 2022 avec Mi limitavo ad amare te de Rosella Postorino (Et moi je me contentais de t’aimer, Albin Michel, 2023, traduction de Romane Lafore). En 2016, la maison avait boycotté le Prix Strega par protestation.
L'écrivain est publié chez Gallimard, dans des traductions assurées par Nathalie Bauer ou Vincent Raynaud.
Le classement final a réservé une surprise : Elisabetta Rasy a décroché la deuxième place avec Perduto è questo mare (Rizzoli) et 133 voix. Son roman met en scène un père rêveur et son ami écrivain, Raffaele La Capria.
Nadia Terranova, finaliste pour la seconde fois, s’est hissée à la troisième place avec Quello che so di te (Guanda, 117 voix), une enquête littéraire consacrée à son arrière-grand-mère, internée en hôpital psychiatrique en 1928.
Paolo Nori occupe la quatrième position avec Chiudo la porta e urlo (Mondadori, 103 voix), récit consacré au parcours et à l’œuvre du poète Raffaello Baldini.
Cinquième, l’anesthésiste débutant Michele Ruol avec Inventario di quel che resta dopo che la foresta brucia (TerraRossa, 99 voix), roman sur le deuil à travers les empreintes que les personnages laissent sur les objets qu’ils ont touchés.
Au total, 646 votes ont été exprimés, soit un taux de participation de 92 % parmi les votants autorisés.
Vers une nouvelle ère à Cinecittà ?
Le prestigieux prix littéraire italien pourrait par ailleurs quitter son cadre habituel : une relocalisation à Cinecittà est envisagée pour l’édition 2026, qui coïncidera avec le 80e anniversaire du prix.
Ainsi, la soirée du 3 juillet pourrait être la dernière organisée dans l’écrin historique de la Villa Giulia.
Cette perspective divise : Dacia Maraini s’oppose à ce transfert : « Le nymphée porte en lui une tradition précieuse, il ne faut pas y toucher. Ici vit une véritable communauté littéraire. Et c’était aussi agréable que le ministre y participe », rapporte l'agence Ansa.
De son côté, Elisabetta Rasy adopte un ton plus nuancé : « Le nymphée est un endroit splendide, tout comme Cinecittà. Pourquoi les opposer ? On pourrait imaginer une répartition équitable. »
Enfin, Donatella Di Pietrantonio, lauréate du Prix Strega 2024 avec L’âge fragile (Albin Michel, traduction de Laura Brignon), rappelle que la décision finale revient à la Fondation Bellonci.
Crédits photo : Premio Strega
Par Federica Malinverno
Contact : federicamalinverno01@gmail.com
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