En s'arrêtant à son appellation, l'association du Patrimoine culturel immatériel et des lettres ne semble pas des plus évidentes. Pourtant, de nombreuses pratiques vivantes se rattachent à l'écriture, à l'illustration, à la lecture et au livre : tour d'horizon au sein de l'inventaire national de ce PCI parfois trop méconnu.
Ouvert en mars 2008, l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la France recense des pratiques vivantes, qu'elles soient festives, physiques, orales, ludiques ou encore rituelles, qui sont portées par diverses communautés, sur le territoire national.
Ce répertoire des us et coutumes faisait suite à une disposition obligatoire de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, un traité de l'UNESCO adopté en 2003. L'ouverture et la pérennisation de cet inventaire permettent d'assurer la sauvegarde des pratiques listées, en identifiant les éléments caractéristiques, mais aussi les modes d'apprentissage et de transmission, les menaces et risques qui pèsent éventuellement sur ce patrimoine et, bien entendu, les modes de sauvegarde envisagés.
La France recense, à l'heure actuelle, 549 pratiques au sein de son inventaire national du patrimoine culturel immatériel, dont une trentaine bénéficie de la reconnaissance de la Convention de l'UNESCO.
Le 23 juin dernier, le ministère de la Culture a inauguré un nouveau site dédié au PCI de la France, intitulé « Vivre le patrimoine culturel immatériel ». L'objectif de cette plateforme est simple : mettre en avant tous les événements autour de ces pratiques culturelles, afin de démontrer qu'elles sont bel et bien vivantes.
« Le PCI est sans doute que la culture peut offrir de plus inclusif, une culture pour tous et surtout faite par tous. Toutes ces pratiques culturelles parfois les plus quotidiennes, les plus ancestrales constituent notre bien commun », a souligné à cette occasion la ministre de la Culture, Rachida Dati. Le nouvel agenda national « sera une vitrine et surtout une invitation, car le PCI est avant tout une expérience relationnelle, une manière de tisser les liens avec les autres et notre territoire », promet-elle.
En mars dernier, elle avait déjà assuré qu'elle souhaitait rendre ce patrimoine immatériel « plus présent » et « plus intégré à la politique patrimoniale du ministère », à l'image d'une dotation de 1,5 million € pour le Plan Fanfare, qui valorise une pratique artistique et culturelle qui fédère des personnes de tous les âges et de tous les horizons autour de projets musicaux communs.
Parmi les 549 pratiques entrées au sein de l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la France, plusieurs sont liées à l'écriture, à la lecture ou de manière plus générale, au livre, dans plusieurs catégories.
Le braille (créé en 1829) a donné la possibilité de lire et surtout d’écrire aux personnes qui en étaient jusqu’alors empêchées par leur cécité. Cette écriture tactile témoigne d’une intelligence de la main caractéristique d’un savoir et d’un savoir-faire. Son usage a transformé le destin de la communauté des personnes aveugles en lui permettant un accès direct à l’écrit.
Parmi les menaces et risques qui pèsent sur le braille, l'inventaire national cite les logiciels adaptés, les supports informatiques ou encore le matériel audio, en soulignant le paradoxe : ces outils facilitent la communication, mais limitent également les pratiques de l'écriture et de la lecture.
En France, jusqu'au XIIIe siècle, l'enluminure était pratiquée essentiellement par les moines, avant le développement d'ateliers laïques dans toute la France. Aujourd'hui, les ateliers d'enlumineurs et enlumineuses se comptent sur les doigts d'une main, d'après l'annuaire des savoir-faire d'exception de l'Institut pour les savoir-faire français.
Signalons que POP, la plateforme ouverte du patrimoine, offre un bel aperçu de ce patrimoine en permettant de visualiser plus de 110.000 exemples d'enluminures.
L'héliogravure est un procédé qui permet le transfert d'une image sur une plaque de cuivre par l'intermédiaire de gélatine photosensible. Utilisée au XIXe siècle pour reproduire une image en grand nombre d'exemplaires, elle est employée aujourd'hui surtout dans le domaine artistique et du luxe.
La tapisserie est le résultat de l'entrecroisement (ou l'entrelacement) de deux sortes de fils :
les fils de chaînes disposés dans le sens de la longueur (l'ourdissage), et les fils de trame disposés dans le sens de la largeur (tissage). La tradition de la tapisserie d’Aubusson et de Felletin existe depuis presque six siècles.
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La calligraphie peut être désignée comme l'utilisation de l'écriture comme art, puisqu'elle associe mise en page, choix de l'écriture, des couleurs et adaptation de la forme au support. De nombreux outils sont mobilisés par cette pratique, dont les plumes de calligraphie à bec biseauté, les plumes pointues, les plumes d'oie et autres calames.
Depuis plus de cinq siècles, la fabrication des caractères mobiles, les poinçons typographiques, utilisés dans l'imprimerie, se décompose en trois phases : la gravure d'un poinçon, la frappe d'une matrice et la fonte de milliers de caractères en plomb. Cette technique correspond à la typographie traditionnelle dont le poinçon typographique, pièce unique, est l'élément essentiel de la chaîne.
Les évolutions du secteur de l'imprimerie ne nécessitent plus de poinçons typographiques, et ce savoir-faire se perpétue exclusivement au sein de l'Imprimerie nationale. Sa transmission, particulièrement longue et principalement orale, nécessite le développement de la formation professionnelle, pour ne pas le réduire à « un simple savoir-faire de démonstration ».
Complémentaires des libraires d'ancien et de neuf, en boutique ou marché, les bouquinistes des quais de Paris ont développé depuis la fin du XVIe siècle, autour du Pont Neuf et des quais maçonnés des deux rives, un savoir-faire caractérisé par de multiples spécificités, dont l'ouverture quotidienne, la pratique à ciel ouvert, la sélection spécifique des livres vendus ou encore l'absence quasi totale de nouvelles technologies dans la pratique.
Parmi les menaces qui pèsent sur cette activité, l'inventaire relève la diminution des dépenses consacrées au livre, la vente progressive de gadgets et de souvenirs touristiques par certains bouquinistes des quais ou encore la concurrence des écrans.
Les papiers faits main reposent sur un ensemble complexe de connaissances, savoir-faire et pratiques, qui s'appuie sur le travail et la dispersion de fibres de cellulose dans de l’eau au moyen de diverses techniques, puis de leur regroupement grâce à l'élimination de l'eau par filtration, pressage et séchage.
Grâce à son expertise, le papetier ou la papetière crée un support sur-mesure pour une utilisation et une demande spécifique : écriture, dessin, peinture, impression, édition, reliure, restauration, décoration...
Au rayon des difficultés pour la sauvegarde de ces savoir-faire, citons le matériel conséquent nécessaire pour la fabrication des papiers, mais aussi la pénibilité de ce travail (effectué dans le froid et l'humidité) ou encore la précarité économique qui l'accompagne. Par ailleurs, la très large domination du papier industriel a rendu le recours aux papiers faits-main rarissime.
L'inventaire national complet du Patrimoine culturel immatériel de la France est accessible à cette adresse.
Photographie : Les outils du maître graveur typographe (illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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