L’eau, le poème, la déraison humaine : tout semble s’entrelacer dans ces ouvrages, comme si la mer, les mots et les fractures de notre époque formaient une seule et même houle, imprévisible et fragile. Au hasard d'ouvrages reçus, s'impose un fil conducteur : quatre titres, comme des amers pour les voyageurs que nous sommes.
D’un recueil de poèmes aux éclats de résistance jusqu’aux essais implacables qui dévoilent l’épuisement des océans, il est question ici d’un même vertige : celui de voir disparaître, sous nos yeux, ce qui fonde la beauté et la survie du monde. L’eau qu’on assassine, l’océan qu’on dévaste, les mots qui, seuls peut-être, peuvent encore rétablir un peu d’équilibre. Il y a dans ces pages un constat lucide, mais aussi la trace obstinée d’une espérance, celle qui flotte, envers et contre tout, comme une bouée dans l’infini bleu.
Sous ce titre emprunté à Paul Éluard, cette anthologie rassemble près de cinquante poèmes où résonnent, d'une voix claire et fraternelle, les chants de celles et ceux qui ont fait de la poésie un refuge, un cri ou un acte de résistance. De Victor Hugo à Mahmoud Darwich, de René Char à Andrée Chedid, les textes choisis traversent les époques et les continents, portés par la même nécessité : dire l'injustice, célébrer la liberté, garder l'amour en éveil.
À ces mots puissants répond le trait vibrant de Laurent Corvaisier, dont les illustrations prolongent la lecture sans jamais l'illustrer au premier degré. Avec ses aplats de couleurs vives, ses formes libres et ses silhouettes stylisées, le peintre donne chair à l'espérance, éclaire la noirceur, et insuffle à l'ensemble une énergie à la fois joyeuse et grave. La poésie n'est pas ici cantonnée aux mots : elle se prolonge dans la matière même du livre, dans cette rencontre féconde entre texte et image.
Un ouvrage exigeant et accessible, à mettre entre toutes les mains, des adolescents aux adultes, pour se souvenir que les mots et les couleurs, ensemble, peuvent encore changer le monde.
Pourquoi cette anthologie pour ouvrir cette sélection ? Parce que l’image d’Eluard, fulgurance surréaliste, nous ramène aux océans, à l’eau primordiale et apporte la note de poésie, que l’on ne retrouvera pas nécessairement dans les trois autres textes.
Dans ce nouveau pamphlet implacable, Fabrice Nicolino s’attaque à un crime que l’on tait trop souvent : l’assassinat programmé de l’eau. Poursuivant son travail d’enquête entamé avec Nous voulons des coquelicots ou Le crime est presque parfait, le journaliste démonte ici les mécanismes qui privent les citoyens d’un bien commun vital.
Pesticides, nitrates, bétonisation, privatisations masquées : page après page, Nicolino expose les responsabilités politiques et industrielles derrière l’épuisement et la pollution de nos ressources aquatiques. Avec son style direct, volontiers indigné mais solidement argumenté, il sonne l’alarme et invite à repenser radicalement notre rapport à l’eau.
Un essai salutaire, aussi accablant qu’indispensable, qui donne à voir l’ampleur d’une catastrophe écologique en cours et appelle à la mobilisation citoyenne.
Depuis plusieurs années, Vincent Message s’impose comme l’une des voix littéraires les plus lucides et exigeantes face aux désastres environnementaux. Avec La Folie Océan, il quitte les rivages de la fiction pour s’attaquer, dans un texte hybride et maîtrisé, à l’un des angles morts de notre conscience collective : la disparition silencieuse des océans.
Ni simple essai scientifique, ni pamphlet militant, ce texte navigue entre les genres, empruntant à la littérature sa puissance d’évocation et au journalisme sa rigueur. Message y interroge notre vertige devant l’immensité marine, notre fascination pour ce territoire qui échappe encore en partie à l’homme, et l’aveuglement tragique avec lequel nous en épuisons les ressources.
Ce qui frappe ici, au-delà du diagnostic accablant — effondrement des stocks halieutiques, acidification des eaux, pollution massive —, c’est la manière dont l’auteur tisse un lien intime entre le lecteur et l’océan. Loin de se limiter à l’inventaire des catastrophes, La Folie Océan explore ce que la mer dit de nous : notre incapacité à habiter le monde sans le dévaster, mais aussi notre besoin viscéral d’horizons, de profondeur, d’infini.
Un texte d’une grande justesse, où la gravité du propos n’empêche jamais l’élan poétique, et qui confirme Vincent Message dans ce rôle rare : celui d’un écrivain qui pense avec les mots, et lutte avec le langage. (texte à paraître le 22 août au Seuil)
Depuis ses traversées en solitaire, Maud Fontenoy n’a cessé de plaider, sur terre comme en mer, pour la préservation des océans. Avec L’océan, source de vie, elle poursuit cet engagement, livrant un plaidoyer accessible et documenté, où se mêlent réflexion personnelle, constats scientifiques et éveil à l’émerveillement.
Dans un style limpide, sans prétention littéraire mais avec la sincérité de l’expérience vécue, Fontenoy rappelle l’évidence trop souvent oubliée : les océans, loin d’être de simples décors ou réservoirs de ressources, constituent le poumon de notre planète. Ils régulent le climat, produisent une part essentielle de l’oxygène que nous respirons et abritent une biodiversité fascinante, aujourd’hui menacée par la surpêche, les pollutions et le dérèglement climatique.
Ce qui distingue cet ouvrage, ce n’est pas l’originalité du propos scientifique — largement documenté par ailleurs — mais la manière dont l’autrice parvient à réconcilier pédagogie et émotion, s’adressant autant à la raison qu’à la conscience. L’océan, source de vie se lit ainsi comme un appel direct au lecteur, une invitation à comprendre et surtout à agir, en prenant la mesure de ce que nous avons à perdre.
Un livre qui, s’il ne renouvelle pas le discours sur les océans, en rappelle l’urgence avec clarté et conviction.
Illustration : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 07/03/2025
112 pages
Rue du monde
18,50 €
Paru le 21/05/2025
299 pages
Liens qui libèrent (Les)
19,00 €
Paru le 22/08/2025
464 pages
Seuil
22,00 €
Paru le 21/05/2025
283 pages
Editions de l'Observatoire
23,00 €
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