L’Afghanistan… Terre de pierres et de poussière, de montagnes acérées comme des lames, où les empires viennent s’égarer et les certitudes s’effondrent.
Rudyard Kipling le savait déjà lorsqu’il écrivait L’Homme qui voulut être roi. Dans ce conte cruel - dont John Huston a tiré le plus beau film du monde -, deux aventuriers britanniques, ivres de grandeur et aveuglés par leur hubris, rêvent de régner sur le Kafiristan - cet Orient mythique et redoutable, niché dans les replis du territoire afghan. Leur épopée tourne à la tragédie, comme un écho romanesque aux échecs bien réels des puissances occidentales sur ces terres. Une oeuvre où le souvenir d’Alexandre le Grand hante encore les récits et les légendes...
L'Afghanistan, ce nom résonne depuis des siècles comme celui d'une terre indomptable, aux confins de l'Asie. Son histoire, avant d'être celle d'un État-nation moderne, est d'abord celle de ses montagnes infranchissables, de ses peuples farouches, et surtout, d'une longue succession de conflits. Des luttes de pouvoir internes aux grandes invasions étrangères, le pays s'est construit dans la guerre, dans la résistance et, bien souvent, dans le chaos.
Depuis le XVIIe siècle, les tribus afghanes forgent leur unité dans le combat. Mais c'est surtout aux XIXe et XXe siècles que l'Afghanistan devient le centre d'un échiquier géopolitique mondial. Ce que, à nouveau Rudyard Kipling, appelait le « Grand Jeu » oppose alors l'Empire britannique et la Russie tsariste, chacun cherchant à contrôler ce carrefour stratégique entre l'Asie centrale et le sous-continent indien. Trois guerres anglo-afghanes se succèdent entre 1839 et 1919, toutes marquées par la bravoure des combattants afghans… et par l'incapacité des envahisseurs à pacifier durablement le pays.
Le XXe siècle ne sera guère plus clément. En 1979, l'Union soviétique s'engage dans un conflit de dix ans, officiellement pour soutenir un régime ami, officieusement pour asseoir son influence régionale. Cette guerre, à la fois coloniale et idéologique, se solde par un retrait humiliant en 1989, laissant le pays exsangue et propice à l'émergence des talibans. Puis, à partir de 2001, les États-Unis et leurs alliés se lancent dans une nouvelle tentative : reconstruire un État stable, éradiquer le terrorisme, exporter la démocratie. Vingt ans plus tard, le constat est amer. Malgré les victoires tactiques, malgré les moyens colossaux engagés, l'Afghanistan reste ce « cimetière des empires », où les ambitions étrangères viennent se briser sur l'intransigeance d'un peuple et la complexité d'un territoire.
Le général Philippe Sidos, fin connaisseur du sujet, livre avec cet ouvrage nourri d'archives inédites, une analyse rigoureuse de ces conflits successifs. Breveté de l'École de guerre, docteur en histoire, diplômé de l'Inalco en russe, il a servi en Russie, en Asie centrale, dans les Balkans, au Caucase, au Liban, et à plusieurs reprises en Afghanistan.
À croire que ce pays n’appartient à personne : ni à Iskandar, ni aux empires coloniaux, ni aux grandes puissances contemporaines. Ici, les ambitions se consument, et l’histoire se répète. Maintenant, on a les talibans, qui interdisaient encore récemment de jouer aux échecs...
Publiée le
24/06/2025 à 17:57
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Paru le 22/05/2025
490 pages
Librairie Académique Perrin
26,00 €
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